Le congrès des entreprises publiques locales qui s’est tenu les 14 et 15 octobre à Nancy a consacré sa séance plénière à l’incidence de la nouvelle organisation territoriale sur la notion d’intérêt général.
Les deux ans de réformes territoriales écoulés, qui ont donné naissance à la loi Mapam, à la création des métropoles, puis à la loi NOTRe, conduisent-ils à territorialiser la notion d’intérêt général ? Brillamment introduite par Laurence Demouzy, directrice des études de l’Institut de la gouvernance territoriale et de la décentralisation et auteure de « Intérêt général et action publique – variations sur un couple fatal »(1), la question a constitué le cœur de la séance plénière du congrès des Entreprises locales (EPL) qui s’est tenu mi-octobre à Nancy. Des élus lorrains représentatifs de toutes les strates de gouvernance territoriale ont mis en perspective leurs initiatives – qu’ils inscrivent bien sûr tous dans l’intérêt général – et le désintérêt généralisé des citoyens pour l’action politique.
Nous vivons une période particulièrement intéressante, marquée à la fois par la révolution numérique, dont nul ne sait encore où elle nous entraînera, et par la transition énergétique. La période est également exceptionnelle sur le plan politique, puisque l’administration territoriale se remet en cause pour la première fois depuis 1964 (2).
André Rossinot, président de la communauté urbaine du Grand Nancy
L’ancien ministre de la Fonction publique regrette que la réforme territoriale n’ait pas été inscrite dans une loi-cadre précédée d’un grand débat public sur l’organisation de l’Etat et des collectivités. « Ceux qui font la loi se sont arcboutés sur des textes d’une grande complexité. Sur le terrain, ce sont les élus qui s’emploient à donner du souffle et du sens à la loi », tacle le président du Grand Nancy.
Les contraintes de la nouvelle organisation territoriale ont accéléré les prises de conscience.
Voici un an, la transformation de la communauté d’agglomération de Metz en une communauté urbaine faisait encore débat. Aujourd’hui, la question ne se pose même plus : nous ne voulons pas mourir, et nous sommes en train de prendre des contacts pour coexister aux côtés de nos voisins de Châlons-en-Champagne et de Strasbourg.
Dominique Gros, maire de Metz
Président de la fédération des EPL et sénateur de l’Isère, Jacques Chiron constate la même accélération dans son département, où les intercommunalité, qui peinaient naguère à englober 15 000 habitants, se projettent aujourd’hui vers le seuil de 50 000 à 90 000 habitants pour affirmer leur existence entre Lyon et Grenoble.
Les EPL elles-mêmes devront se réformer pour dépasser les départements et épouser le contour de bassins de vie.
Jacques Chiron
Un « entre-soi » qui ne peut pas durer
Nous n’avons pas attendu la loi pour travailler ensemble.
Christophe Choserot, vice-président du conseil régional de Lorraine
Pour conclure le Pacte Lorraine, qui affecte 330 millions d’euros à parité avec l’Etat à la reconversion économique, l’institution a coopéré avec l’ensemble des filières professionnelles concernées. Dans le cadre de la future grande région Acal, elle prévoit d’instaurer des groupes mixtes regroupant nouvelles métropoles et anciennes régions. Le conseil départemental de Meurthe-et-Moselle, qui a anticipé la territorialisation dès 2003 sous l’impulsion de feu Michel Dinet, s’apprête pour sa part à accompagner la démarche du Grand Nancy qui postule au statut de métropole. Sa population de 263 000 habitants situe la communauté urbaine bien en-deçà du seuil requis de 400 000 habitants, mais elle se prévaut entre autres du taux d’intégration fiscale le plus élevé de France.
On parle de la réforme territoriale dans un « entre soi » qui ne peut pas durer. Certes, on est obligé d’agir et on ne peut pas toujours expliquer. Mais dans cette période charnière entre un vieux monde et un monde nouveau, il faut savoir saisir les opportunités législatives pour donner du corps à la démocratie.
Laurence Lemouzy
Les élus savent parfois se montrer imaginatifs, à l’instar du Grand Nancy, qui envisage de recourir à un Projet urbain partenarial (PUP) pour créer un golf ou de la vingtaine d’élus français qui ont impliqué des EPL dans le domaine de la petite enfance. A l’inquiétude exprimée par un tweet retransmis en direct lors de la plénière – « La baisse des dotations signifie-t-elle la fin de la construction du domaine public ? » – les débatteurs ont estimé à l’unisson que l’on entrait au contraire dans l’ère d’un domaine public mieux géré.
(1) Les Cahiers de la gouvernance publique n° 14/2015.
(2) Date de la réorganisation des services de l’Etat dans les circonscriptions d’action régionale (Décret n°64-251 du 14 mars 1964).
Sylvia Pinel rassure les EPL franciliennes
Invitée d’honneur du congrès nancéien, Sylvia Pinel, ministre du Logement, a réaffirmé le rôle essentiel des Entreprises publiques locales (EPL) tant dans la construction de logements que dans l’aménagement. Les EPL franciliennes, qui craignaient d’être éclipsées par Grand Paris Aménagement, ont obtenu l’assurance d’être impliquées dans les contrats d’intérêt national que le ministère prévoit de signer avec les collectivités d’une quinzaine de sites à fort potentiel identifiés par les Ateliers territoriaux du Grand Paris.
Ces contrats pourront prévoir des formes multiples d’interventions, dans lesquelles les EPL auront toute leur place.
Sylvia Pinel, ministre du Logement
Sylvia Pinel a également rappelé son intention de conclure un accord-cadre ou un pacte fixant des objectifs de production de logements sociaux et abordant la question de la mutualisation des ressources entre acteurs du logement social. Mais cette signature, initialement espérée à l’occasion du congrès nancéien, est désormais évoquée « au cours des prochains mois ».
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