A la faveur des grands chantiers souterrains, les entreprises réapprennent les contraintes du travail en sous-sol. Vingt ans après l’arrêt des dernières mines françaises, les compétences se sont amenuisées, mais le savoir-faire subsiste dans les réseaux universitaires.
En ouvrant en début d’année ses premières formations in situ dans les galeries de l’Andra à Bure, dans la Meuse, le Pôle de compétences en environnement souterrain (PoCES) ne s’attendait pas à un tel succès. Les cinq premiers modules ont accueilli 32 stagiaires envoyés par de grands groupes de travaux publics. Le chantier école piloté par deux grandes écoles nancéiennes, Mines Nancy Artem et l’Ecole nationale supérieure de géologie (ENSG), prévoit de doubler le nombre de modules et de stagiaires dès la prochaine session. Ses acteurs préparent d’ores et déjà un grand colloque qui réunirait scientifiques, industriels et experts sur la thématique des travaux souterrains.
Du Grand Paris au Lyon-Turin en passant par la prolongation du métro de Lyon, les grands chantiers en cours ont mis en évidence le besoin de formaliser les parcours de compétences et de rafraîchir les diplômes de formation initiale. Le PoCES permet de rapprocher l’industrie et l’université.
Bertrand Moriceau, ancien élève de l'Ecole des mines et responsable pédagogique du PoCES
Dispensée par 25 intervenants extérieurs professionnels ou universitaires, la formation témoigne de la survivance de compétences en travaux souterrains que la fermeture des mines aurait pu anéantir.
Mines du futur
Nancy est resté un pôle d’expertise national et international en géosciences, même après l’arrêt de l’activité minière en France. L’école s’est impliquée dans la gestion de l’après-mine. Elle a préservé le génie minier, maintenu les formations et développé les connaissances du risque.
Philippe Sessiecq, directeur adjoint de Mines Nancy chargé des formations
L’école a créé avec l’ENSG, Mines Alès et Mines ParisTech le réseau Mine & société, qui étudie l’acceptabilité des nouvelles exploitations minières en France et à l’étranger. Pour sonder la mine du futur, les chercheurs se penchent sur les nouveaux systèmes de cartographie, le pilotage des robots à distance, ou encore la connexion de l’instrumentation à grande profondeur.
Géologues sans frontières
Mais ces prospections cachent mal la pénurie d’ingénieurs dans un secteur qui n’apparaît plus vraiment porteur d’avenir.
Il est de plus en plus difficile de trouver les compétences minières. Les anciennes générations partent à la retraite et les jeunes qui s’intéressent à ce secteur partent aux Etats-Unis, en Australie ou au Canada.
Nicolas Charles, géologue au Bureau de recherches géologiques et minières
L’unité ressources minérales de l’institution orléanaise ne compte plus qu’une quinzaine de personnes contre une grosse centaine voici vingt ans, lors de l’inventaire minier national. Ces géologues réalisent des campagnes d’exploration pour évaluer le potentiel minier d’une région, en général sur des projets internationaux financés par la Banque mondiale.
Coup de frais en sous-sol
La France ne compte plus guère qu’une poignée de mines – potasse en Alsace, sel dans la région de Nancy ou encore anhydrite en Moselle. S’y ajoute la perspective encore lointaine du gisement de tungstène à Salau, en Ariège. La société Apollo Minerals propriétaire de Variscan qui détient cette mine veut la ré-ouvrir sachant que les chinois détiennent 80 % du marché mondial du tungstène. Mais l’opposition locale est très forte les habitants craignent la présence d’amiante dans le sol. Les débats sont également vifs en Guyane sur le projet de la montagne d’or soutenu par le gouvernement. Le rapport de la commission nationale du débat public a été rendu et les porteurs du projet le russe Nordgold et la société d’exploitation canadienne ont jusqu’en décembre pour dire s’ils veulent poursuivre le dossier.
Les compétences minières sont aussi utiles pour la gestion de l’après-mine-. L’Etat a confié au BRGM la surveillance des anciens sites et les actions de prévention des risques liés à l’arrêt des mines. Ses experts ont suivi de près par exemple ces dernières années le comblement de la mine de soufre des Camoins au beau milieu de Marseille creusée dans les années 60 dans des terrains marno-calcaires.
Les techniques d’extraction, de soutènement et de remblai restent également usitées dans les quelque 4.000 carrières françaises et le savoir-faire français continue à s’exporter.
Un bureau d’études français a réalisé pour la compagnie chinoise Huainan Coal Mining Group une installation extraordinaire pour réfrigérer une mine de charbon à 1.000 mètres sous terre. Il a mis au point un système de dégazage permettant de capter le grisou et de convertir l’énergie en électricité pour rafraîchir et ventiler les galeries où la température avoisinait 50 °C.
Même désaffectées, les mines conservent leurs mystères. Des chercheurs américains, chinois et italiens utilisent une ancienne mine à Nuraxi Figus, en Sardaigne, pour mener des recherches sur la matière noire.
Pascale Braun – Christine Berkovicius
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