La loi Pacte simplifie la production et le partage d’électricité solaire dans un périmètre élargi. Cet assouplissement ouvre un vaste champs d’expérimentation aux communes, aux bailleurs et aux grandes surfaces.
Le courant aura eu bien du mal à passer entre les partisans du monopole de la distribution d’énergie et les promoteurs de l’autoconsommation collective. Au terme de 18 mois de navette entre le Parlement et le Sénat, la loi Pacte adoptée ce 11 avril acte un élargissement du périmètre des échanges gratuits ou payants d’énergie renouvelable entre producteurs et utilisateurs.
Un combat d’arrière-garde a fait traîner les choses, mais l’autoconsommation collective, créatrice de lien social, est très populaire auprès des consommateurs comme auprès des élus.
André Joffre, fondateur du bureau d’études Tecsol et président du pôle de compétitivité Derbi dédié aux énergies renouvelables
Le décret d’application espéré avant l’été doit étendre le périmètre de l’autoconsommation collective à 1 kilomètre et en simplifier les modalités.
Des petits villages aux grandes agglos, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies dénombre déjà une dizaine de réalisations ou de projets bien avancés. En Seine-et-Marne, la commune de Malaunay a été la première à implanter sur ses bâtiments publics et sur le toit de l’église 1.600 m2 de panneaux photovoltaïques, soit 220 MWh qui alimentent le gymnase, la piscine et les écoles. La Bretagne compte à elle seule une demi-douzaine de projets dont ceux de Vannes, Brest et Rennes, qui prévoient de desservir des équipements publics ou des zones d’activité en autoconsommation photovoltaïque.
Les maîtres les maîtres d’ouvrage publics ou parapublics impliqués dans la transition énergétique pourront aller bien plus loin lorsque seront levés les obstacles liés au périmètre autorisé, à la représentation légale des exploitants et utilisateurs et à la tarification (voir encadré).
L’objectif annoncé de la mesure est d’optimiser l’autoconsommation en regroupant des bâtiments et de développer les éco-quartiers. Les bailleurs sociaux, les acteurs de la grande distribution ou encore les industriels dont les bâtiments sont susceptibles de présenter un bon profil de consommation pourront en tirer parti.
Justine Bain-Thouverez, avocate associés au cabinet LLC et Associés
Nombre de bailleurs sont déjà sur les starting-blocks. Le projet le plus avancé se situe à Perpignan, où l’Ademe a lancé un appel à projets « Système électrique intelligent ». Les lauréats, Tecsol, la start-up Sunchain et la Sem Roussillon Aménagement, prévoient d’instaurer l’autoconsommation collective sur un millier de logements collectifs et pavillonnaires d’ici à 2020. Certes, l’énergie solaire se stocke difficilement. Mais son usage au quotidien procure aux locataires de substantielles économies de chauffage, sécurisant au passage le payement des loyers. Les usagers intégreront de nouveaux réflexes pour faire coïncider la consommation avec les pics de production solaire. Il sera ainsi avantageux de faire tourner les machines non plus durant les heures creuses de la nuit, mais plutôt en plein jour.
L’autoconsommation collective et la mobilité électrique peuvent faire bon ménage : chargée à bloc, la voiture garée en sous-seul par un locataire revenant du travail pourra transférer son énergie au réseau collectif aux heures de pointe du début de soirée, puis se recharger à moindre coût durant la nuit – apportant au passage une source de revenu à son propriétaire.
Plusieurs enseignes de grande distribution, dont Bricodépôt et Leclerc, pratiquent déjà l’autoconsommation d’énergie photovoltaïque produite en toiture ou sur les ombrières des parkings. A Noirmoutiers (Vendée), le groupement Les Mousquetaires mène en partenariat avec Enedis une expérience d’autoconsommation partagée entre les différentes enseignes du centre commercial Intermarché. Le projet accompagné par le bureau d’études System Off Grid intègre également des infrastructures de recharge de véhicules électriques.
Quand le solaire devient usine à gaz
Autant l’autoconsommation individuelle d’énergie est aujourd’hui bien cadrée et fluide, autant son pendant collectif reste semée d’embûches. Dans le premier cas, le propriétaire d’une installation photovoltaïque consomme gratuitement l’énergie qu’il produit et revend le surplus à EDF le cas échéant. Dans le deuxième cas, le partage ne peut aujourd’hui s’effectuer qu’en aval d’une branche à basse tension – soit sur un périmètre qui n’excède généralement pas une dizaine de mètres. Dans son décret d’application, la loi Pacte devrait instaurer un périmètre de deux kilomètres de diamètre dans lequel les échanges pourraient s’organiser librement.
Les partenaires de l’échange doivent aujourd’hui se constituer en personne morale considérée comme l’unique interlocuteur d’Enedis. Cette obligation complique fortement l’autoconsommation collective dans le parc locatif social, car elle suppose l’adhésion de chaque locataire. Enfin, le Tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (Turpe), théoriquement prévue pour faciliter l’autoconsommation collective, est vécue comme punitive tant elle s’avère complexe et coûteuse. Une directive européenne qui proscrit les taxes disproportionnées doit contraindre la France à réviser sa tarification au cours des prochains mois.
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