Touché par un manque de chauffeurs de cars scolaires particulièrement criant dans le Grand Est, l’autocariste mosellan joue la carte de la séduction pour séduire de nouvelles recrues. Mais seule une augmentation les tarifs et les salaires lui paraît de nature à régler le problème.
Une fois encore, le patron, son frère, le mécanicien et la secrétaire vont prendre le volant. Dans la famille Schidler, autocariste depuis trois générations, on ne laisse pas un écolier sur le trottoir. En cas de force majeure, les ressources humaines internes des Autocars Schidler, une société de 70 personnes basée à Metz, se démultiplient pour faire face à l’urgence. Mais ces pis-aller ne suffisent pas : au cours de cette rentrée, deux chauffeurs ont démissionné pour partir travailler au Luxembourg, où ils gagneront 1.000 euros net de plus par mois.
En septembre dernier, j’ai augmenté l’ensemble des salaires de 5 %. Au premier septembre, j’ai majoré la rémunération horaire de mes chauffeurs de 50 centimes. Cela ne suffira pas à faire face à la concurrence du Luxembourg, mais ce coup de pouce est déjà mieux que rien.
Thierry Schidler, dirigeant des Autocars Schidler
Désespérant de trouver de nouveaux candidats dans une région où les chauffeurs de car sont devenus des perles rares, le dirigeant a étendu sa prospection à d’autres régions. Egalement administrateur du bailleur social Batigère, il espère faire venir un jeune couple du nord de la France en lui proposant des facilités de logement.
Bifurcations
Les Autocars Schidler ont vu leur effectif régresser de dix personnes en l’espace de deux ans tandis que le covid réduisait de moitié leur chiffre d’affaires. La crise sanitaire a conduit plusieurs chauffeurs à bifurquer vers d’autres métiers ou vers d’autres secteurs. Contraints à l’immobilisme, les conducteurs de cars de tourisme, peu enclins à se rabattre sur les petites tournées scolaires, ont souvent préféré le transport routier, très demandeur et mieux rémunéré.
Commune à toute la France, la pénurie de chauffeurs se trouve aggravée dans le Grand Est par la proximité de pays limitrophes – l’Allemagne et le Luxembourg – tout aussi demandeurs. Au début de l’été, le conseil régional du Grand Est évaluait à 287 le nombre de chauffeurs nécessaires pour assurer les dessertes scolaires dans de bonnes conditions. Une campagne de recrutement estivale a permis de faire émerger 547 candidatures, dont la moitié émanant de candidats qualifiés : 35 % d’entre eux sont titulaires du permis D et 19 % d’entre eux présentent également la Formation initiale minimum obligatoire (Fimo) indispensable pour pouvoir prendre le volant d’un car. Le Grand Est a par ailleurs inscrit les métiers du transport à son programme régional de formation et financé 150 places de formation depuis le début de l’année, auxquelles s’ajouteront 140 places entre septembre et décembre prochain.
Vivier de proximité
La Région s’implique indéniablement, mais peut-être un peu tard. En 2019 déjà, nous tirions la sonnette d’alarme, car la pyramide des âges de notre profession laissait craindre un manque de personnel.
Thierry Schidler
Également président de la chambre syndicale des transports en Moselle, le dirigeant demande aux autorités régulatrices des transports des bonus qui permettraient de mieux rémunérer les conducteurs de cars scolaires. La Région, qui a déjà provisionné une aide de 20 millions d’euros pour compenser l’augmentation du prix des carburants en 2023, n’a pas encore donné suite. De même, l’inscription d’une augmentation des barèmes dans la convention collective ne fait pas l’unanimité parmi les entreprises de transports soucieuses de rétablir leurs marges.
Dans l’intervalle, l’hémorragie de chauffeurs mosellans vers le Luxembourg se poursuit. Au Grand-Duché, la réorganisation des transports a fait passer les effectifs de la profession de 3.100 chauffeurs en 2020 à 3.500 en 2021. Les recrutements deviennent difficiles, en dépit de rémunérations comprises entre 3.458 euros et 4.200 euros pour un chauffeur titulaire du permis D. Pour les employeurs luxembourgeois, la tentation est forte de débaucher des chauffeurs en postes en Lorraine, voire de recruter des jeunes fraîchement émoulus des formations du Grand Est. Même ce vivier de proximité ne suffit plus : les adhérents de la Fédération luxembourgeoise des exploitants d’autobus et d’autocars luxembourgeois vont parfois chercher de nouvelles recrues jusqu’en Ile-de-France, voire en Espagne.
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