Son entrée en scène fut discrète, mais Mathieu Klein est l’homme des premières. L’étudiant en socio timide et résolu qui distribuait des tracts contre l’homophobie à la sortie de la fac de Nancy au milieu des années 90 est devenu en 2014 le premier président mosellan du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle, puis, mi-2020, le premier maire socialiste de Nancy depuis l’Après-Guerre.
Dans l’intervalle, l’élégant quadragénaire, aujourd’hui marié à un médecin généraliste et père de trois enfants, s’est imposé en stratège tenace sachant tout à la fois construire un consensus et se démarquer de ses pairs.
Filiation naturelle
Né à en 1976 à Holling, un village dialectophone du sud-est mosellan, ce fils d’instituteurs a adhéré au Parti socialiste à 16 ans dans la foulée de son engagement pour le traité de Maastricht. Dès lors, il n’a plus quitté la sphère politique. Successivement président départemental des jeunes socialistes, premier secrétaire du PS en Meurthe-et-Moselle puis membre du bureau national du parti, il rejoint en 2000 le cabinet de Michel Dinet, alors président socialiste du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle. L’ancien instituteur barbu, corpulent et jovial et le jeune homme glabre et réservé ne se ressemblent guère, mais la convergence politique entre les deux soutiens de Martine Aubry scelle une filiation naturelle. Le pédagogue dans l’âme voit en Mathieu Klein l’incarnation d’une nouvelle génération qui saura élargir à l’espace européen sa propre vision du territoire. Le jeune homme apprend vite et fait honneur à son mentor dès les cantonales de 2004 en gagnant par 60 % des voix la circonscription de Nancy Nord jusqu’alors tenue par la droite.
Premiers duels
A la même époque, un autre jeune homme brillant perce dans le paysage politique de Nancy et au-delà. Poulain du très puissant André Rossinot, Laurent Hénart est devenu son adjoint à la mairie de Nancy en 2001, député de Meurthe-et-Moselle en 2002, puis secrétaire d’Etat en 2004. Le duel qui se profile durera quinze ans. En 2005, Mathieu Klein perd de peu une élection législative contre Laurent Hénart. Nouvel échec en 2007, quand il s’incline à 49,2 % contre le même adversaire. En 2014, les deux hommes s’affrontent pour la première fois aux municipales. Mathieu Klein perd au second tour, mais des circonstances tragiques le portent quelques jours plus tard à la présidence du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle après le décès accidentel de Michel Dinet.
A cette fonction, le jeune élu se compose une stature. Il ne se contente pas de succéder à son mentor, mais cultive et prolonge sa politique de territorialisation et d’insertion. Le respect de cet héritage lui vaut, lors de sa réélection en 2015, de devenir le seul président de département socialiste de tout le Grand Est. A l’échelle régionale, ce germanophone conduit la stratégie Allemagne de la Lorraine et milite pour l’apprentissage conjoint de l’allemand et de l’anglais dès l’enfance. La politique nationale le tente. Devenu porte-parole de Manuel Valls lors de la campagne présidentielle en 2017, il se revendique « Macron-compatible », mais reste fidèle au parti socialiste. Il accepte la mission sur l’insertion des bénéficiaires du RSA que lui confie Edouard Philippe, mais décline sa proposition d’entrer au gouvernement. L’ancrage nancéien lui paraît plus stable, et l’approche des municipales le galvanise.
Peu de chamboulements
Le quatrième round sera le bon. Après une campagne glaciale, Mathieu Klein l’emporte au deuxième tour avec 10 points d’avance sur Laurent Hénart. Si l’antagonisme personnel entre les deux hommes ne fait guère de doute, le clivage politique est moins net. « L’alternance n’est pas que rupture », indique le nouveau maire de Nancy dès son discours d’investiture le 5 juillet dernier. L’édile rend un hommage appuyé à André Rossinot, présent dans la salle. Deux semaines plus tard, l’octogénaire nouera l’écharpe tricolore de président de la métropole du Grand Nancy à l’épaule de son jeune successeur au terme d’une cérémonie non dénuée d’émotion. Matthieu Klein connaît bien l’institution. Conseiller métropolitain de Nancy durant plus d’une décennie, Mathieu Klein s’y est montré plutôt discret. Il n’a pas pris la tête du groupe d’opposition et a voté sans faire de vagues les grandes décisions du dernier mandat d’André Rossinot, dont le lancement d’une nouvelle ligne de tram et le projet controversé du Grand Nancy Thermal.
Depuis l’élection, l’alternance n’a donné lieu à aucun chamboulement dans les organigrammes. La continuité est telle que certains militants perplexes cherchent les traces de la rupture. L’inspecteur des finances François Werner, gendre d’André Rossinot et pressenti pour la présidence de la métropole en cas de victoire de Laurent Hénart, en est devenu le premier vice-président. Elu à la mairie avec le soutien d’Europe Ecologie les Verts, le nouveau maire a commencé à concrétiser ses promesses de campagne. Les bibliothèques et des musées sont désormais gratuits pour les moins de 26 ans. Les transports en commun le seront bientôt pour tous durant le week-end. Les premières assises de la coopération citoyenne, qui alimenteront la plateforme « ma pépinière d’idées », se sont ouvertes début octobre. La gratuité des transports le week-end se profile. Le plan métropolitain des mobilités s’esquisse. Mais dans une métropole plombée par une dette de plus de 600 millions d’euros, il semble difficile de s’écarter d’une stricte orthodoxie.
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