Pur produit de Lorraine, Aurélien Biscaut, né à Thionville, élevé à Longwy et titulaire d’un DESS Chargé d’études économique et développement local décroché à l’université de Metz, arpente désormais les frontières hexagonales du Jura au Pays basque et de Strasbourg à Nice. Nommé en avril 2019 secrétaire général de la Mission opérationnelle transfrontalière (MOT), l’ancien directeur de l’agence d’urbanisme nord-lorrain Agape transporte avec lui un goût immodéré des données statistiques et une curiosité insatiable pour les frontières et les réalités qu’elles délimitent.
En Lorraine, où il est devenu en 2010 le plus jeune directeur d’agence d’urbanisme de France, il a ausculté les territoires les plus excentrés du Grand Est, aux confins de la Belgique et du Luxembourg. Il en a tiré de belles fiertés, telle celle d’avoir prédit à des élus incrédules que le nombre de travailleurs partant au Luxembourg passerait de 90.000 personnes en 2007 à 210.000 en 2020 – une assertion avérée à 3.000 unités près. Sous son impulsion, l’Agape a élargi le champ de la coopération transfrontalière aux trames vertes et bleues et initié le programme européen Mmust, toujours en cours, qui mobilise trois millions d’euros pour modéliser les déplacements et les transports de marchandises à l’échelle de la Lorraine, de la Belgique et du Luxembourg.
Une visio d’avance
A Paris, le presque quadragénaire apporte à la MOT son expérience territoriale, une énergie doublée de pragmatisme et un optimisme teinté d’inquiétude.
J’ai pris mes fonctions à Paris le jour de l’incendie de Notre-Dame. Mon premier anniversaire professionnel a coïncidé avec le confinement. La période m’a appris que les choses changent vite, et que ce que l’on tenait pour acquis peut être remis en question du jour au lendemain.
Aurélien Biscaut
Convaincu de la nécessité de réduire l’empreinte carbone d’une petite structure de 9 membres regroupant 80 adhérents tout au long des frontières, le secrétaire général a commandé un système de visioconférence livré… fin février 2020. Ce coup de chance a permis à la MOT de suivre au plus près les soubresauts d’un printemps hors normes et de consigner les témoignages de ses membres sur les impacts du Covid-19 en matière de coopération transfrontalière.
Ne pas se séparer
Le réseau a capitalisé ce travail en septembre dernier au cours de deux jours de conférence à Colmar.
Partout, l’Etat a repris la main en laissant les acteurs locaux à l’écart. Cette forme de renationalisation face à l’urgence a fait peu de cas de trente ans de coopération transfrontalière. Mais durant cette période, certaines initiatives de la société civile ont démontré que les citoyens ne voulaient pas qu’on les sépare.
Aurélien Biscaut
La Commission européenne a confié à la MOT une étude de l’impact du Covid sur l’ensemble des frontières européennes.
Archéologie de la data
Depuis la fin d’un confinement qui a mis les frontières au cœur du débat, l’institution a repris le travail de plus belle, en webinaire ou en présentiel, avec la sourde crainte de voir annuler en dernière minute des rencontres auxquels les invités étrangers ne pourraient pas assister. La mission s’élargit et commence à porter ses fruits. Outil d’influence, la MOT entend systématiser la démarche transfrontalière dans les programmes portée par la toute jeune Agence nationale de la cohésion des territoires. Sur le plan européen, elle plaide la cause transfrontalière auprès de la Commission, du Parlement et du Comité européen des régions.
La prochaine programmation Interreg prendra de plus en plus en compte le fait frontalier. Les programmes flécheront les aides vers les territoires qui définiront de manière globale leur urbanisme, leurs équipements ou leur accessibilité. La MOT ne peut que saluer ce résultat.
Aurélien Biscaut
Indéfectiblement attaché à sa région d’origine, Aurélien Biscaut reconnait avoir trouvé dans ses nouvelles fonctions une hauteur de vue qu’il n’avait pas en Lorraine. Quand il découvre entre le Pays Basque français et espagnol et la frontière franco-belge la même difficulté absurde à faire reconnaitre les diplômes des praticiens hospitaliers, il s’empresse de faire de lien et de mobiliser la juriste de la maison.
On dit que les régions frontalières sont des laboratoires de l’Europe. Ce n’est pas toujours rassurant !
Aurélien Biscaut
Militant d’une « archéologie transfrontalière » qui consiste à ses dires à gratter inlassablement pour trouver de la donnée, il met à jour une histoire profondément différente à chaque frontière. La Lorraine vit plus ou moins bien un rapport de dépendance renversée avec le Luxembourg, Genève se vit comme une enclave suisse en France… Partout, il observe une même difficulté à se comprendre, mais aussi, une même appétence au partage. Convaincu que les solutions ne peuvent relever que d’un sur-mesure collectif, Aurélien Biscaut s’emploie à faire vibrer la fibre transfrontalière et à démontrer que la coopération n’est pas un vain mot.
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