En Rhénanie-Palatinat, l’arrondissement de Rhein Hunsrück produit 177 % de l’énergie qu’il consomme. Conjuguant économie et production d’énergie renouvelables, la démarche a valu à cet arrondissement rural plusieurs prix allemands et européens.
Président CDU de l’arrondissement de Rhein Hunsrück (Rhénanie-Palatinat) durant 25 ans, Bertram Fleck a consacré son premier jour de retraite, le 4 mai 2015, à la présentation de la démarche « Territoire à énergie positive » auprès du pays Terres de Lorraine. Réunis le 4 mai dernier pour lancer leur propre programme de transition énergétique, une centaine d’acteurs locaux de ce territoire meurthe-et-mosellan de 100 000 habitants ont pris connaissance avec un grand intérêt de cet exemple frontalier de dimension comparable. En l’espace de 15 ans, l’arrondissement qui consacrait 290 millions d’euros à l’achat d’énergie est parvenu à produire l’équivalent de177 % de ses besoins, soit un solde positif à l’export de 201 millions d’euros.
Débusquer les gouffres énergétiques
Il y a 15 ans, je n’aurais jamais cru que nous parviendrions à un tel résultat ! Notre principal argument n’a pas été le changement climatique ou le gaspillage en quelques décennies d’énergies fossiles accumulées durant des millénaires. Nous sommes partis du principe de l’économie, qui met tout le monde d’accord.
assène Bertram Fleck en brandissant son portefeuille
Récompensée, entre autre, par le Prix européen de l’énergie solaire en 2011, la progression vers l’énergie positive a valu à Rhein Hunsrück 1,3 milliard d’euros d’investissements, essentiellement dans l’éolien, et 250 millions d’euros économisés et réinjectés dans l’économie locale.
Pragmatique, la démarche a débuté en 1999 par un diagnostic minutieux des bâtiments publics pour analyser la consommation heure par heure et pièce par pièce. Bertram Fleck aime à citer l’exemple d’un bâtiment scolaire dont les salles situées au sud chauffaient trop en hiver. Pour les rafraîchir, les utilisateurs ouvraient les fenêtres, ignorant qu’ils augmentaient ainsi le chauffage dans tout le bâtiment. La mise en place d’un réseau de chauffage séparé pour la façade sud a réglé le problème, à l’instar de quelque 1 500 autres projets de rénovation. La dépense d’énergie fossile a ainsi diminué de 12 millions d’euros par an. L’effort a également porté sur les constructions neuves qui anticipent systématiquement les normes européennes d’isolation.
300 éoliennes, 3 000 toitures photovoltaïques
Les économies d’énergie se doublent d’une production publique et privée d’énergies renouvelables. Profitant d’un tarif de rachat garanti sur 20 ans, les grands groupes ont constellé le paysage de quelque 300 éoliennes représentant une manne annuelle de 38 millions d’euros. Une banque locale a publié sur un site internet un cadastre solaire permettant à tout citoyen d’évaluer le potentiel photovoltaïque, puis récupéré les adresses des candidats potentiels pour leur proposer des financements sur mesure. Lancée par l’arrondissement, l’opération « 1 000 toits solaires » a ainsi triplé ses objectifs. La dizaine de workshops citoyens chargés de détecter des gisements d’énergie potentiels ont initié 32 projets, dont la récupération du bois habituellement laissé dans la collecte de déchets verts. Cette ressource alimente désormais une chaudière à biomasse chauffant 35 bâtiments. Les agriculteurs ont investi dans une station de méthanisation.
Pédagogie et indépendance
Une communication constante a peu à peu ancré la transition énergétique dans les esprits. Un jeu-concours rappelant les dépenses liées à l’électroménager ancien a fait gagner un réfrigérateur neuf à l’heureux possesseur du plus vieux frigo de l’arrondissement. Une devinette maintes fois répétée démontre l’intérêt financier de la rénovation énergétique : en partant d’une augmentation annuelle de 6 %, à combien s’élèveront en 30 ans les coûts de chauffage d’un logement dont la facture actuelle se situe à 2 500 euros par an ? La réponse (200 000 euros) convainc facilement les propriétaires du bien-fondé d’un investissement de 60 000 euros qui générera 100 000 euros d’économie et donc 40 000 euros de gain. Les jeunes générations sont initiées dès l’enfance à la bonne gestion de l’énergie dans un bâtiment pédagogique distinct de l’école.
L’argument de l’indépendance énergétique fait également mouche.
La démarche a permis d’économiser 250 millions d’euros qui ne partirons pas chez Poutine ou en Arabie saoudite.
Bertram Flick, dont l’arrondissement a reçu la visite de nombreuses délégations venus des pays frontaliers, d'Ukraine ou du Japon
Les élus ukrainiens ont ainsi témoigné de l’ampleur du problème lorsque le voisin russe a fermé le robinet de gaz alors que la température extérieure se situait à – 20 °.
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