La route de l’excellence énergétique inaugurée par EDF ce 22 octobre met en lumière les réalisations exemplaires engagées en Meuse et en Haute-Marne dans le cadre de l’accompagnement des projets d’enfouissement de déchets radioactifs. Un long chemin reste encore à parcourir pour préparer l’artisanat du bâtiment à un monde sans carbone.
EDF n’a pas ménagé ses efforts pour soutenir la Meuse et la Haute-Marne en matière de performance thermique, dans le cadre de l’accompagnement de l’implantation du laboratoire de l’Agence nationale pour les déchets radioactifs à Bure (voir encadré). La route de l’excellence énergétique inaugurée fin octobre par les présidents des deux conseils généraux parcourt une demi-douzaine de réalisations issues du programme « Ensemble, économisons l’énergie » lancé en 2006 en direction des collectivités, des entreprises et des particuliers.
Basée sur des offres techniques et financières, notre démarche, dont les résultats restent trop souvent méconnus, a d’ores et déjà bénéficié à la moitié des 900 communes du territoire, touché 25 % des logements sociaux et permis de créer 300 emplois dans le bâtiment.
Franck Lejuez, directeur du développement territorial 52/55 d’EDF
Expérimentations pionnières
Pionnières du prêt à taux zéro sur le plan national, la Meuse et la Haute-Marne présentent sur leur territoire des expérimentations uniques. En Meuse, le programme de rénovation à bas carbone lancé à Dammarie-sur-Sault et à Epizon doit permettre aux deux villages de se passer d’énergie fossile à l’horizon 2050. Dans ce même département, la Société pour l’avenir énergétique de Commercy (Savecom) teste les contrats de performance énergétiques souscrits par des particuliers, pour réduire la consommation d’une cinquantaine de pavillons à 80 kWh/m2.an. En Haute-Marne, une centaine de communes ont bénéficié d’aides allant jusqu’à 70 % pour réduire la consommation de leur éclairage public d’un bon tiers. L’initiative, qui associe le Syndicat d’électrification de Haute-Marne, le groupement d’intérêt public GIP 52 et EDF, a obtenu le trophée des Eco-maires en 2011. Le programme d’EDF a également contribué à reconstruire le collège Luis Ortis de Saint-Dizier (Haute-Marne) aux normes passives et à réhabiliter les deux tiers des 23 collèges haut-marnais. A ces opérations phares s’ajoutent les « éco-avantages » qui permettent aux particuliers de bénéficier de subventions pouvant atteindre 15 000 euros pour leurs travaux d’isolation.
Se former et se grouper
Le programme « Ensemble, économisons l’énergie » a mobilisé les fédérations départementales du BTP, les Capeb et les chambres de commerce et d’industrie de Meuse et de Haute-Marne pour inciter entreprises et artisans à décrocher les certifications nécessaires à l’adhésion au réseau Bleu ciel d’EDF. L’électricien national consacre 4 millions d’euros par an à l’organisation de formations aux économies d’énergie dans le bâtiment (Feebat) dans les deux départements.
Rétifs à la perspective d’ouvrir leurs fichiers clients et manquant de disponibilité pour des stages jugés chronophages, les professionnels ne se bousculent guère au portillon. L’opérateur a également fait preuve de volontarisme pour inciter les entreprises à se constituer en groupements afin d’aborder collectivement des marchés auxquels elles ne pourraient prétendre individuellement. L’objectif n’est que partiellement atteint avec deux groupements seulement.
En Meuse, Corebat – dont l’émergence n’est pas directement liée à EDF – associe huit entreprises de second oeuvre totalisant 150 salariés. La structure a obtenu de beaux chantiers privés, mais n’est pour l’heure parvenue à décrocher aucun appel d’offres public. En Haute-Marne, le groupement d’intérêt économique Yogi créé en avril dernier à Montier-en-Der fédère 15 entreprises, du bureau d’études au gros œuvre et totalise 214 salariés. La jeune entité ne s’est pas encore dotée des structures commerciales qui lui permettraient de postuler à des appels d’offres. Poussés à faire la course en tête, les professionnels meusiens et haut-marnais restent pour l’heure dans les starting-blocks.
Verbatims
Les artisans sont conscients de l’intérêt de s’organiser, mais le monde de la petite entreprise est attaché aux notions d’indépendance et de souplesse et se méfie des gros appareils. De même, les mesures d’accompagnement d’EDF sont d’une grande utilité pour le développement de la formation des artisans, mais il est souhaitable que se développent en parallèle les cursus universitaires et des initiatives émanant d’organismes spécialisés, pour éviter que tous les professionnels ne suivent le même parcours.Lucette Collet, présidente de la Chambre des métiers et de l’artisanat de la Meuse
Sans l’accompagnement d’EDF, notre société de quatre salariés spécialisée dans l’isolation naturelle n’aurait jamais pu se développer. Nous intervenons dans le secteur de Dammarie-sur-Sault, où la demande des particuliers est telle que nous peinons à y répondre. EDF met à disposition des entreprises des outils qui fonctionnent très bien si l’on s’investit pleinement. Et grâce aux formations que nous avons suivies, nous sommes déjà prêts pour la RT 2012.
Frank Lamy, gérant de la société LPI, membre du groupement haut-marnais Yogi
Un calendrier serré pour préparer l’éternité
Le projet d’enfouissement de déchets hautement radioactifs dans le sud meusien avance inexorablement depuis plus de 20 ans. Initialement prévu pour permettre de comparer les capacités de confinement du calcaire meusien avec celle du granit, dont d’autres laboratoires auraient étudié les caractéristiques, le site meusien est resté seul en lice pour accueillir à 500 mètres de profondeur des déchets qui resteront radioactifs durant 100 000 ans. L’Andra a précisé ses intentions fin 2010 en définissant une Zone d’intérêt pour la reconnaissance approfondie (zira) d’un rayon de 30 km2 aux alentours de Bure, puis en attribuant début 2012 un premier contrat de maîtrise d’œuvre à un groupement constitué des sociétés d’ingénierie Technip et Ingérop. Un débat public prévu en 2013 doit permettre de statuer sur la demande d’autorisation d’enfouissement que l’Andra déposera en 2015. Sous réserve d’acceptation, la construction du centre de stockage débuterait en 2017 pour une mise en service envisagée en 2025.
Gregory Kotnarovsky, auteur d’une thèse de doctorat sur la transition post-carbone en Meuse et Haute-Marne (*)A soutenir fin 2012 sous la cotutelle des universités de Nancy (Sciences de l’ingénieur) et Liège (Economie et gestion). .
« Trois milliards d’euros à injecter dans le parc résidentiel »
La Haute-Marne et la Meuse pourront-elles se libérer des énergies fossiles d’ici à 2050 ?
Lancée dans ce but en 2008, l’expérience des deux « villages 2050 » autorise un pronostic plutôt positif. Avec quatre rénovations thermiques par an sur un parc de résidences principales de 160 logements, Dammarie-sur-Saulx prend une longueur d’avance, favorisée par la mobilisation municipale ; en Haute-Marne, Epizon se situe dans une dynamique compatible avec l’évaluation de mon mémoire de 2009 : le traitement du parc résidentiel existant suppose 3 milliards d’euros de dépenses d’ici à 2050, soit un effort de 25 à 30 000 euros par ménage.
L’offre des entreprises évolue-t-elle dans un sens compatible avec les enjeux ?
La Meuse et la Haute-Marne constituent l’une des sources d’investigation communes à EDF et à l’université d’Oxford, dans une recherche comparative franco-britannique sur le comportement des entreprises face aux enjeux de la transition énergétique. En formalisant les objectifs aux stades de conception, de mise en œuvre et de suivi, les « villages 2050 » ont montré les étapes de la montée en compétence. Dans un territoire où 98 % des entreprises comptent moins de trois salariés, le facteur humain joue un rôle clé : le sourire de l’entrepreneur influe sur le choix du maître d’ouvrage, plus motivé par le gain de confort que par les temps d’amortissement. Commercy franchit un nouveau cap vers l’association des acteurs : les particuliers et les entreprises se retrouvent au sein de la même société coopérative, créée pour faire face à la transition post carbone.
(*) A soutenir fin 2012 sous la cotutelle des universités de Nancy (Sciences de l’ingénieur) et Liège (Economie et gestion).Photos: © Ville St-Dizier
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