L’extraction de la « minette » en Lorraine a creusé 40.000 km de galeries aujourd’hui comblées par 450 millions de m 3 d’eau. Encore non potable, cette ressource en eau est l’une des réserves stratégiques du Grand Est.
L’eau des mines crée des tensions en Lorraine. En juin dernier, la commune d’Audun-le-Tiche (Moselle) a intenté un recours devant le Conseil d’Etat pour obtenir la fermeture d’une carrière de calcaire mise en service en 2018, au terme de six années de guérilla juridique. Avec les sécheresses devenues récurrentes, le combat repris par Viviane Fattorelli, ex-opposante devenue maire de cette commune de 6.700 habitants, a pris un tour nouveau.
L’approvisionnement en eau potable de la ville est mis en danger par la carrière située au droit d’une ancienne galerie de mines inondée, selon la municipalité.
Sur notre territoire, la tension sur l’eau est telle qu’elle ne va pas tarder à ralentir l’ urbanisme.
Viviane Fattorelli
La maire a lancé les études préalables à la création d’un deuxième point de captage. L’été dernier, Audun-le-Tiche a dépanné en eau ses communes voisines d’Aumetz et de Villerupt.
Les sulfates perdurent
Le cas de cette ville frontalière du Luxembourg illustre la problématique atypique et complexe de l’ancien bassin ferrifère, qui regorge d’une eau encore non potable, mais déjà identifiée par le Grand Est comme réserve stratégique du futur. Audun-le-Tiche fait partie des rares communes où le pompage des galeries se poursuit. Les trois quarts des 40.000 kilomètres de galeries creusées en cent cinquante ans d’exploitation minières ont été ennoyés.
L’impressionnante masse d’eau de 450 millions de mètres cubes s’est chargée de sulfates au contact des parois, ce qui la rend temporairement impropre à la consommation. Les experts du Bureau de recherche géologique et minière (BRGM) évaluaient à une quinzaine d’années le retour à une qualité compatible avec la consommation humaine. Ils se sont montrés trop optimistes : un quart de siècle après la fermeture des dernières mines , aucune de ces nappes souterraines artificielles n’est encore potable. Mais le taux de sulfate continue de baisser, éveillant un intérêt accru.
Cette eau constitue notre trésor post-minier. Les communes, qui ont subi le martyre de la restructuration, ne doivent pas en être dépossédées. La puissance publique doit rester à la manoeuvre et veiller à ce qu’une initiative privée ne vienne pas la capter.
André Corzani, vice-président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle et maire LFI de Joeuf, commune particulièrement touchée par les séquelles de l'après-mines.
L’élu ne prône pas pour autant un usage en autarcie de cette ressource.
Utilisations agricole et industrielle
La Lorraine, qui, dans les années 2000, n’imaginait pas se trouver confrontée au stress hydrique, est bien obligée de reconsidérer la question. Dans le sillon lorrain, l’eau de la Moselle reste contaminée par le chlorure de sodium émanant des soudières meurthe-et-mosellanes, obligeant l’agglomération de Metz à puiser dans le lac de Madine, en Meuse.
L’eau des galeries minières pourrait à terme s’intégrer à l’équation. Le gisement post-minier intéresse également le Luxembourg, pauvre en ressources aquatiques , qui achète déjà de l’eau à son voisin français. Même non potable, l’eau pourrait être utilisée à des fins agricoles ou alimenter de futures implantations industrielles. L’ancien pays du fer, transmuté en château d’eau régional, dispose encore de quelques années pour réfléchir au bon usage de son trésor post-minier.
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