En service depuis avril dernier, l’usine d’aubes pour moteurs d’avions de Safran Aéro Composite et Albany Engineered Composite constitue la première unité de haute technologie de la Meuse. Pouvoirs publics et collectivités n’ont pas ménagé leurs efforts pour contribuer au recrutement de 400 salariés en zone rurale.
Trois ans après son annonce en pleine campagne présidentielle, le projet aéronautique Safran-Albany se pose en douceur sur l’ancienne base du 8 ème régiment d’infanterie de Commercy (Meuse). Opérationnelle depuis avril dernier, l’usine de 30 000 m2 compte 80 salariés et portera ses effectifs à 400 personnes d’ici à 2018. Les deux entreprises lancent les pré-séries des aubes et carters qui équiperont les réacteurs des 737 Max de Boeing, de l’A320néo d’Airbus et du C919 de l’avionneur chinois Comac. Spécialiste américain des composites tissés, Albany Engineered Composite mettra en œuvre une nouvelle technologie de tissage en fibre de carbone injecté de résine. Safran Aéro Composite assurera l’usinage, l’assemblage et le contrôle non destructif des éléments qui équiperont à moyen terme 18 moteurs par an, soit 30 000 aubes composites. Le projet représente un investissement de 90 millions d’euros dont 30 millions d’euros lors de la phase de démarrage et 30 millions d’euros d’ici à 2018. Fruit de 15 ans de recherche, les nouveaux réacteurs de la famille LEAP-X présentent un débouché pérenne pour une quarantaine d’années.
L’atterrissage d’un géant de l’aéronautique dans une bourgade de 6 500 habitants ne doit rien au hasard. En 2011, Gérard Longuet, sénateur de la Meuse alors ministre de la Défense, a obtenu l’implantation de Safran Aéro Composite, filiale du groupe Snecma, pour amortir l’impact du départ du 8ème régiment d’infanterie, qui a quitté Commercy en juin 2013 après plus de deux siècles de présence. Inscrit dans la réforme de la carte militaire, le départ des 750 soldats représente pour la commune la perte d’une masse salariale de 20 millions d’euros dépensée en partie sur place.
Pour le motoriste, l’implantation d’une usine de haute technologie en zone rurale, loin de ses bases toulousaines ou franciliennes, relevait de la gageure.
Lorsque l’on fait abstraction des préjugés, le lieu d’implantation comporte beaucoup davantage. L’Etat et les collectivités ont mis les moyens pour nous accueillir et faciliter nos recrutements. Nous avons trouvé parmi les demandeurs d’emplois de très bons profils de salariés ne connaissant pas notre métier, mais aillant déjà travaillé dans l’industrie.
Oliver Balmat, directeur de l’usine
Dès l’annonce du projet, le conseil régional de Lorraine s’est impliqué aux côtés de la préfecture de la Meuse, de Pôle emploi et des deux industriels pour recruter et former 48 « pionniers », dont 60 % de demandeurs d’emploi. Présélectionnées par Pôle emploi, les stagiaires ont suivi un tronc commun de 400 heures de formation, dont une partie s’est déroulée sur les lignes de l’usine jumelle implantée neuf mois auparavant à Rochester. Egalement commun à Safran Aéro Composite et à Albany Engineered Composites, le site américain présente la même superficie que l’usine meusienne, fabrique les mêmes pièces et affiche des objectifs identiques en termes d’effectifs et de production. Après une formation intensive à l’anglais, les pionniers ont effectué jusqu’à huit navettes entre Rochester et Commercy pour s’imprégner de la culture d’entreprise et y initier leurs futurs collègues.
Pour moi qui n’avais jamais quitté l’Europe, ces stages aux Etats-Unis ont constitué une aventure professionnelle hors du commun. Nous avons y reçu un accueil formidable. Aucun pionnier n’a abandonné ou décroché. Nous avions tous conscience d’avoir une chance inouïe.
Reynald Cattier, qui a quitté son poste de contrôleur dans une PME spécialisée dans l’industrie automobile et aéronautique pour rejoindre Safran Aéro Composite
Le conseil régional a financé l’intégralité des deux premières formations pour un montant de 300 000 euros.
L’implication de la région ne se résume pas au projet Safran/Albany, mais vise à implanter au lycée Vogt de Commercy un centre de compétence aéro-composite (CCA) pour répondre aux besoins des deux industriels et de leurs futurs sous-traitants.
L’émergence d’une filière aéronautique figure au Pacte Lorraine conclu l’an dernier avec l’Etat. La mutualisation des fonds régionaux et étatiques nous permettra de proposer une formation qui n’existe pour l’heure qu’à Toulouse.
Laurence Démonet, vice-présidente du conseil régional de Lorraine déléguée aux actions relevant de la formation et de l’accompagnement des parcours de vie
Safran Aéro Composite et Albany Engineered Composites comptent doter le CCA de matériels d’une valeur de 2 millions d’euros pour constituer un vivier de futures recrues.
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