Parmi les mille complexités de l’observation extraterrestre figure un problème quasi basique. A l’instar de tous autres corps, un capteur d’ondes radio ou infrarouge émet des rayonnements électromagnétiques. Envoyé dans l’espace, il risquerait donc… de s’observer lui-même, si ses propres ondes n’étaient pas neutralisées par un froid extrême.
Le cryo-refroidisseur Stirling ou la détente de Joule-Thomson permettent de fabriquer du froid proche des – 253 °C auxquels l’hydrogène passe à l’état liquide.
Mais ces systèmes s’avèrent générateurs de vibrations, elles-mêmes préjudiciables à l’observation. L’Agence spatiale européenne (ESA) a donc lancé, fin 2021, un appel d’offres portant sur un compresseur électrochimique d’hydrogène qui tiendrait dans une boîte à chaussures et permettrait d’alimenter une détente de Joule-Thomson sans produire de vibrations.
Froid spatial
Professeur au Laboratoire énergies et mécanique théorique et appliquée (Lemta) à Nancy, spécialiste du transfert dans les systèmes électrochimiques, Gaël Maranzana ne pouvait que relever le challenge. Cet ancien étudiant du CEA de Grenoble a consacré son postdoctorat à la production de froid pour le spatial par des tubes à gaz pulsé, une variante de la machine de Stirling.
Validé par l’ESA au printemps, son projet reprend le principe de membranes munies d’électrodes qui fait fonctionner la pile à combustible.
L’hydrogène sera oxydé à basse pression, les protons traverseront la membrane, puis seront réduits en hydrogène à haute pression. L’hydrogène à 100 bars sera ensuite détendu dans un capillaire, ce qui créera du froid sans qu’aucune pièce n’entre en mouvement et donc, sans vibrations.
Gaël Maranzana
Retenu au printemps, le projet est doté d’un budget de 250.000 euros.
Le CEA accompagnera son ancien chercheur à titre de consultant. Le Lemta a par ailleurs breveté en 2015 un système permettant d’empêcher l’apparition d’eau liquide afin de conduire les protons sans noyer les électrodes, ce qui l’a aidé à répondre à l’appel d’offres de l’ESA. Mis en place à Nancy, le banc expérimental affine déjà la première des quelque 100 cellules superposées qui constitueront le prototype. S’il tient ses promesses, le système devrait intéresser les agences spatiales mais aussi les chercheurs qui, sur Terre, tentent d’améliorer les techniques de compression et de stockage d’hydrogène.
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