La Région ayant réduit d’un quart sa subvention, le musée a évité de justesse l’impasse budgétaire.
A peine nommée à la direction du centre Pompidou-Metz (CPM) en octobre dernier, Emma Lavigne a connu un début de mission difficile. En décembre dernier, le conseil d’administration du musée a rejeté un budget prévisionnel 2015 descendu à 10,4 millions d’euros, qui aurait contraint le musée à annuler certaines expositions. Mi-janvier, un nouveau tour de table a permis d’adopter un budget de 12,8 millions d’euros et de débuter la saison dans un climat apaisé.
Le CPM est redevenu un lieu d’entente et nous avons pu assurer notre programmation pour 2015. Dans le contexte de la fusion des régions, il est crucial de conserver des expositions temporaires de prestige qui positionnent le CPM au carrefour de l’Europe. Mais la réforme des régions crée un paysage culturel mouvant où il est difficile de se projeter dans l’avenir. Or, les expositions se préparent deux à trois ans à l’avance et budget approprié pour faire fonctionner quatre galeries serait de 14 millions d’euros.
Emma Lavigne
Pour compenser le retrait du conseil régional de Lorraine, qui a annoncé dès 2013 son intention de baisser sa subvention de 4 à 3 millions d’euros, Metz Métropole a augmenté sa contribution de 550 000 euros pour la porter à 5,1 millions d’euros, tandis que la Ville de Metz ajoutait 150 000 euros sa participation précédente de 400 000 euros. Le conseil général de la Moselle, qui consentait au CPM une participation annuelle variable, a presque quadruplé son aide qui se montera cette année à 386 000 euros. Le département, qui voit dans le CPM « un phare et une pépite », compte renforcer ses échanges avec le musée et porter le retentissement de certaines expositions dans les territoires les plus ruraux du département.
Depuis son inauguration triomphale, le centre Pompidou-Metz constitue un élément déterminant du rayonnement et l’attractivité du territoire. Sa fréquentation dépasse largement nos prévisions et contribue au positionnement européen de la ville. Les frais de fonctionnement sont lourds, mais nous savions tous que sans contributions territoriales, le CPM ne pourrait pas fonctionner.
Jean-Luc Bohl, président de Metz Métropole
Le célèbre « chapeau chinois » conçu par Shigeru Ban a accueilli l’an dernier 350 000 visiteurs, soit 100 000 de plus que les prévisions initiales, et annonce, pour cette saison trois expositions respectivement dédiées à Tania Mouraud, à Michel Leiris & co et à Andy Warhol. Première délocalisation française du musée d’art moderne Pompidou de Beaubourg, le musée messin puise dans les réserves de sa maison-mère une large partie des œuvres exposées. A cette ressource précieuse, mais non chiffrable, s’ajoutent des mécénats privés dont certains ont atteint 400 000 euros l’an dernier. Mais le manque de ressources s’annonce chronique. Pour le limiter, le musée prévoit une gestion plus économes des éléments de scénographie et prévient que le principe de gratuité pour les moins de 26 ans « n’est pas gravé dans le marbre ».
L’expert
« De nouvelles configurations de fonctionnement où se mêlent l’économie et la culture »
Le modèle messin n’est pas pérenne, car toute baisse de dotation peut compromettre les conférences ou les expositions. C’est l’intervention inespérée du conseil général de la Moselle qui a sauvé la mise du CPM, qui avait déjà été contraint de puiser dans ses réserves. Cette configuration oblige le musée à expérimenter des logiques de mécénat inédites, telle la participation financière d’Hermès à l’exposition Formes simples.
Le CPM ne se trouve pas dans la même configuration que le Louvre-Lens, qui fonctionne comme une succursale du musée national. Il doit créer un modèle difficile et exigeant qui correspond à son caractère fondamentalement expérimental. Il est finalement naturel que le CPM invente de nouvelles configurations de fonctionnement où se mêlent l’économie et la culture. Les problèmes de budget sont peut-être le prix à payer de cette singularité.Christophe Rioux, Professeur à Science Po spécialisé dans les industries culturelles et créatives.
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