Musicien, membre du conseil d’administration de la Music Academy International de Nancy et entrepreneur dans la communication et les arts graphiques, Laurent Villeroy de Galhau a soutenu l’inscription des fêtes de Saint Nicolas à Nancy au patrimoine culturel immatériel français. Il défend désormais le dossier à l’Unesco.
Issu d’une famille qui se revendique à la fois « lotharingienne » et européenne, l’élu nancéien exprime un fort attachement à un personnage légendaire incarnant la tolérance et la générosité.
Depuis fin 2018, les fêtes de la Saint-Nicolas à Nancy sont inscrites à l’inventaire français du patrimoine culturel immatériel. Quels arguments avez-vous fait valoir ?
Saint Nicolas est le patron de Nancy depuis 1477 et la ville s’en est toujours souvenue. Il est célébré depuis 500 ans à Saint-Nicolas de Port, dont la basilique abrite une phalange de l’évêque de Myre. Les fêtes de rue, la parade et la fanfare remontent au XIXème siècle. Aujourd’hui, la célébration réunit les forces économiques, associatives et institutionnelles de la ville, avec une vigueur accrue ces dernières années.
Nous avons travaillé durant cinq ans au dossier d’inscription des fêtes nancéiennes à l’inventaire français du Patrimoine – que le ministère de la Culture a accepté dès la première demande -, mais nous ne revendiquons pas le monopole des fêtes en Lorraine. Saint Nicolas est célébré tout au long du sillon lorrain et au-delà, chaque ville le fêtant à sa manière. Le personnage est un marqueur identitaire de la Lorraine : il fédère à l’intérieur, séduit à l’extérieur et contribue à intégrer les nouveaux Lorrains.
L’inscription au patrimoine immatériel suppose non seulement de préserver la tradition, mais aussi de la faire évoluer sans la dénaturer. J’observe à cet égard une évolution très positive. Nous avons « mis le paquet », non pas en injectant des millions d’euros dans les festivités, mais structurant ce que les gens avaient envie de faire ensemble. Nous avons également revisité la charte graphique pour donner à Saint Nicolas, à son âne et aux trois enfants une allure plus contemporaine.
Pour cette nouvelle édition, vous avez invité le Luxembourg, qui a également inscrit Saint Nicolas à son patrimoine immatériel. Quel serait l’intérêt de cette candidature commune à l’Unesco ?
Il est multiple. L’inscription au patrimoine immatériel français est une première étape. En 2020, nous reprendrons le travail en l’élargissant à l’international, avec le Luxembourg et peut-être, avec Liège, pour augmenter nos chances d’obtenir le label. La candidature de Saint-Nicolas au patrimoine de l’Unesco prend tout son sens à l’international. En restant franco-français, le dossier serait mis en concurrence avec une dizaine d’autres, sachant que la France ne peut déposer de dossier qu’une fois tous les deux ans. Une candidature internationale nous affranchirait des quotas et des contraintes de temporalité.
L’obtention de ce label nous vaudrait une reconnaissance mondiale. Il représenterait un vrai succès collectif, une fierté immense et un impact palpable. Il ferait affluer de nouveaux touristes et nous fixerait de nouveaux objectifs pour nous coordonner au mieux au cours des six semaines de festivités.
Vous organisez ce dimanche une projection du documentaire « Americain St. Nick » (1), qui raconte comment deux GI’s américains ont fait revivre Saint-Nicolas dans la petite ville luxembourgeoise de Wilz en 1944. Cette histoire joue-t-elle un rôle dans l’attachement du Luxembourg à Saint Nicolas ?
Pas vraiment. Wiltz est une petite ville et il n’est même pas certain que tout le Grand-Duché connaisse cette histoire à la fois simple et merveilleuse. En arrivant dans le petit village de Wiltz, les soldats américains de la 28e division d’Infanterie ont découvert que la population était malheureuse de ne pas avoir pu célébrer Saint Nicolas depuis quatre ans, car le régime nazi l’empêchait d’exercer ses traditions. Les Gi’s ont alors désigné le caporal âgé Richard Brookins pour se grimer en Saint Nicolas. Agé de 22 ans, il a défilé dans la ville à bord d’une jeep, en compagnie de deux angelots, pour distribuer des chewing-gums et des rations de chocolat aux enfants.
Le réalisateur Peter Lion, qui présente son film à Nancy, a retrouvé des images d’archives de cette parenthèse merveilleuse dans une guerre qui n’était pas encore finie. Richard Brookins est retourné à Wiltz, où il est devenu « l’American St. Nick ». Il y acquiert peu à peu un statut de super-héros. L’histoire démontre que Saint Nicolas peut aussi être une légende contemporaine.
Quelles valeurs Saint-Nicolas véhicule-t-il ?
C’est le saint patron des mariniers, des prostituées, des prisonniers et des avocats, mais surtout des enfants. Il incarne par-dessus tout des valeurs de tolérance, de solidarité et de générosité. De son vivant, Nicolas de de Myre était très populaire. Il avait sans doute moins de 30 ans lorsqu’il a été nommé évêque au IVème siècle. L’histoire le décrit comme un personnage charismatique et intelligent – en quelque sorte, un humaniste avant l’heure, ce qui correspond bien à l’image que nous voulons donner de notre région.
Propos recueillis par Pascale Braun
(1) Projection du documentaire « American St. Nick », dimanche 8 décembre à 14h30 à l’auditorium du Musée des Beaux-Arts de Nancy, suivie d’un échange avec le réalisateur. Entrée libre.
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