Iconoclaste de nature

Directeur du Muséum-aquarium et du Conservatoire et jardins botaniques de Nancy, Laurent Péru défend une vision écologiste, populaire et militante des sciences naturelles.

« Attention, iguane en liberté », prévient un panneau à l’entrée de la direction du Muséum-aquarium de Nancy. De fait, la bestiole s’évade fréquemment de son vivarium pour se glisser dans le capharnaüm directorial, entre les terrariums à cafards et les piles de bimensuels « L’Entomologiste », dont Laurent Péru assure la rédaction en chef. Le bureau encombré ressemble à la salle des commandes d’un navire, dont le scientifique a fermement repris la barre voici cinq ans.

Pionnier de l’aquariophilie marine dans les années 70, l’établissement partait à la dérive, jouant de sa double tutelle territoriale et universitaire pour esquiver les évaluations et contourner les contrôles. Avec sa gueule de capitaine – barbu l’hiver, mais glabre dès le premier jour du printemps –, Laurent Péru est monté à l’abordage, fixant le cap sur la diffusion et la vulgarisation des connaissances scientifiques. Sous sa direction, le muséum est passé de 50 000 à plus de 80 000 visiteurs annuels.

Décapant

Nommé en février directeur par intérim du Conservatoire et jardins botaniques de Nancy, Laurent Péru met en oeuvre avec la même rigueur un projet axé sur la mise en valeur de la biodiversité locale.

“Jardin” et “bota­nique” sont deux mots antinomiques. Il y a plus d’équilibre et de complexité dans la moindre parcelle de pelouse calcaire ­naturelle que dans le plus raffiné des jardins.

Laurent Péru

Le jardin du Montet conservera certes ses collections Art nouveau consacrées aux plantes ornementales qui ont inspiré Gallé, Majorelle ou Prouvé, mais il s’ouvrira plus largement aux espaces naturels et aux espèces endé­miques.

Iconoclaste bien plus que diplomate, Laurent Péru ne craint pas l’affrontement.

Les chercheurs sont comme les grands singes. Les conflits sont inévitables, l’important, c’est la réconciliation.

Il ne rechigne pas à pousser une gueulante, mais retrouve rapidement sa convivialité et son humour décapant. Partisan du travail en équipe, il a su impliquer ses collaborateurs dans des projets ambitieux, telle l’exposition « Les envahisseurs, animaux et plantes invasives », retraçant l’installation non dénuée de risques du raton laveur américain, de la berce du Caucase (plante ornementale allergisante et envahissante) et autres tortues de Floride dans l’espace Sarre-Lorraine-Luxembourg.

Inscrite dans le réseau d’expositions transfrontalières Best of Nature, la manifestation a attiré 58 000 visiteurs. En phase avec l’intérêt croissant du public pour la préservation de l’environnement, l’exposition reprend un thème cher au directeur du muséum : la responsabilité de l’homme en tant que gestionnaire de la nature. « La mode est à la ?peluchisation? de l’animal. Or il faut assumer la destruction des pigeons en surnombre dans les villes ou le piégeage des martres et des fouines. »

« Amateur »

Ce promeneur des bords de Meurthe s’inquiète de l’hybridation des gardons, peste contre les pisciculteurs qu’il accuse de ravager le milieu aquatique, déteste le modèle sociétal du gros tracteur qui retourne la terre en profondeur là où un simple griffage suffirait.

« Laurent Péru est un amateur, au sens latin du terme : celui qui aime. Il s’inscrit dans la tradition des éco-entomologistes du XXe siècle, ces dépositaires de la connaissance du monde animal et végétal qui poursuivent avec constance leurs observations de terrain, alors que la science officielle se focalise sur le moléculaire.

Daniel Rougon, chercheur à l'université d'Orléans et directeur de publication de « L'Entomologiste ».

Les chercheurs sont comme les grands singes. Les conflits sont inévitables, l’important, c’est la réconciliation.

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