Défenseur du peuple de l’arbre
Le naturaliste a négocié pied à pied les mesures de protection de la faune dans un territoire tronçonné par la LGV Est.
Les amphibiens, les oiseaux, les chauves-souris et la grande faune des forêts mosellanes lui doivent beaucoup. Trois ans durant, Laurent Godé, chef de mission « biodiversité » du parc naturel régional de Lorraine (PNRL) a mis à leur service une détermination sans faille pour convaincre – et parfois obliger – Réseau ferré de France à tenir compte de leur fragile existence au long du tracé du deuxième tronçon de la ligne à grande vitesse (LGV) Est.
D’autres que lui auraient pu pavoiser au vu des résultats obtenus. Avec ses 26 passages à faune, dont deux ouvrages monumentaux de plus de 40 m de large, des crapauducs placés tous les 7 ou 8 m dans les zones humides, 40 mares de substitution ou encore 60 ha de forêts sanctuarisées pour compenser l’abattage de 14 ha de vieilles futaies, la ligne à grande vitesse Paris-Strasbourg, qui longe deux zones classées Natura 2000, fait figure de vitrine environnementale pour son maître d’ouvrage.
Certes, la question de la perméabilité du corridor écologique a été prise en compte. Mais nous manquons de données initiales pour évaluer l’incidence de l’ouvrage sur la biodiversité. Les mesures compensatoires ne sont pas une fin en soi et 90 ha d’espaces naturels ont bel et bien disparu au long de la ligne.
Laurent Godet
Limiter les dégâts
Au moins le parc aura-t-il été moins abîmé au cours de la seconde phase de la LGV qu’il ne le fut à la fin des années 1990, quand la SNCF, alors maître d’ouvrage, tronçonna sans états d’âme les vallées de la Meuse pour les besoins de la première ligne. Une décennie avant le Grenelle de l’environnement, la survie de la petite faune ne pesa pas bien lourd et l’emplacement des passages à gibier ne fut négocié qu’avec les chasseurs.
En 2008, le deuxième round faillit commencer sous les mêmes auspices. Les communes riveraines informèrent le parc d’un déboisement programmé en plein mois de mars, sans égard pour le réveil des chauves-souris, le retour des oiseaux migrateurs et le passage des amphibiens.
« Le parc naturel de Lorraine aurait perdu sa légitimité et sa raison d’être si on y avait laissé construire une sorte de mur de Berlin.
Laurent Godé
Constituée de huit experts et chargés de mission, son équipe a déployé les grands moyens juridiques et scientifiques pour limiter les dégâts.
En jean et gros pull, le quadragénaire a conservé son look d’ancien objecteur de conscience. Embauché au PNRL voici près de vingt ans, le naturaliste en a longuement parcouru les deux parties, soit 220 000 ha où cohabitent quelque 250 espèces d’oiseaux, 17 de chauves-souris, 55 de libellules, 15 d’amphibiens, 7 de reptiles, etc. Aujourd’hui absorbé par d’incessantes réunions de travail, soit à Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle), où le PNRL est abrité dans la superbe abbaye des Prémontrés, soit dans les locaux d’institutions partenaires, Laurent Godé n’a plus guère le loisir de sortir. Aussi cultive-t-il une vingtaine de plantes exotiques près de la fenêtre de son bureau, tandis qu’une armoire supporte des bocaux d’amphibiens conservés dans du formol.
Président de la société lorraine d’entomologie, expert en herpétologie (étude des reptiles et des amphibiens), membre de l’association de botanistes Floraine, il passe à l’occasion un mollusque sous sa loupe binoculaire, mais l’heure n’est plus au travail de terrain. Laurent Godé reste néanmoins investi dans la protection des prairies, haies et autres espaces précieux car non cultivés. Sur le territoire du parc, 340 agriculteurs se sont engagés dans une démarche collective de préservation, démontrant une sensibilité nouvelle aux enjeux de la biodiversité.
dates clés
- 1967 : Naissance à Epinal (Vosges).
- 1987 : BTS d’horticulture.1989Objecteur de conscience au conservatoire des sites lorrains.
- 1993 : Intègre le parc naturel régional de Lorraine.
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