Journaliste free-lance, Laura Tomassini assure depuis janvier 2017 la direction d’Extra, supplément trimestriel trilingue publié en français, en allemand et en luxembourgeois par le Républicain lorrain, la Saarbrücker Zeitung et le Tageblatt. Rédigé par des lycéens et étudiants des trois pays, cette publication tirée à 400.000 exemplaire constitue depuis 15 ans un modèle unique de coopération médiatique transfrontalière.
Votre numéro d’avril 2019 consacre sa Une aux élections européennes. Constatez-vous des divergences d’approche entre les jeunes Français, Allemands et Luxembourgeois sur cette thématique ?
Pas tellement. Quelle que soit leur nationalité, les jeunes rédacteurs d’Extra aiment l’idée d’une Europe ouverte. Ils viennent d’une région frontalière, sont généralement bilingues ou trilingues et apprécient la notion de coopération. Les différences se perçoivent plus sur des sujets sociétaux ou privés. Les regards croisés sur la vie politique du voisin sont très intéressants. On s’aperçoit que certains clichés se vérifient, comment la ponctualité des Allemands ou le caractère révolutionnaire bien ancré chez les Français.
Pouvez-vous nous raconter le making-off d’un numéro d’Extra ?
Les comités de rédactions se tiennent alternativement à Esch-sur-Alzette au siège du Tageblatt, dans les locaux la coopération culturelle franco-allemande à Sarrebruck et ceux du Républicain lorrain à Metz. Chaque numéro donne lieu à trois réunions. Les échanges se font aussi beaucoup par mail ou via notre compte Facebook, car les jeunes, âgés d’entre 16 et 24 ans, n’ont pas toujours le permis de conduire et les liaisons en transports en commun dans la Grande Région ne sont pas d’accès facile. Les rédacteurs ont généralement vu passer les annonces que je publie dans les trois quotidiens. Il arrive également que les professeurs les signalent à leurs élèves. C’est ainsi que nous avons eu l’occasion de collaborer avec une section Abibac de Metz.
Dans la mesure du possible, nous choisissons des thèmes en lien avec l’actualité. Les jeunes échangent leurs idées, choisissent les sujets puis rédigent leurs articles chez eux, chacun dans leur langue. Je suis là pour les guider, leur donner des astuces, corriger les textes et les adapter à la nouvelle maquette que j’ai instaurée lorsque j’ai pris la direction du titre.
Par qui Extra a-t-il été créé ?
Extra a été créé en 2004 par le journaliste Chris Mathieu, ce qui lui a valu l’année suivante le Prix franco-allemand du journalisme. Dès sa fondation, le titre a été soutenu par la Coopération culturelle franco-allemande, le Haut-Conseil culturel franco-allemand et l’Office franco-allemand pour la Jeunesse, qui en sont toujours partenaires aujourd’hui. Ces organismes prennent en charge le salaire du coordinateur et les frais de reportage des rédacteurs. Les trois quotidiens partenaires – le Républicain lorrain et par la Saarbrücker Zeitung, ensuite rejoints par le Tageblatt – en assument les frais d’impression et de diffusion.
La journaliste Hélène Maillasson, rédactrice à la Saarbrücker Zeitung, a assuré la direction d’Extra de janvier 2011 à décembre 2016. Lorsque je lui ai succédé, voici deux ans et demi, j’étais à peine plus âgée que les rédacteurs. J’ai 24 ans, je suis correspondante du Tageblatt depuis cinq ans et j’ai trouvé très motivant de donner à des jeunes un aperçu du métier. Extra est un média trilingue, ce qui correspond à notre culture luxembourgeoise, et il représente un travail d’équipe souple et flexible avec des rédacteurs qui y consacrent leur temps de loisirs. A chaque numéro, un des rédacteurs en chef ou chef de rubrique des trois quotidiens rédige un éditorial, en plus de son travail. Je trouve toujours étonnant de parvenir à réaliser un journal avec un si grand nombre d’acteurs, trois rédacteurs en chefs, trois lignes éditoriales différentes, trois locaux séparés et trois approches spécifiques du journalisme.
Que gagnent les trois quotidiens partenaires à poursuivre la publication d’Extra ?
Les trois quotidiens qui portent Extra ont conscience qu’il s’agit d’un média unique. A part quelques publicités, cette publication ne rapporte rien, puisqu’elle est gratuite, mais elle leur permet d’impliquer les jeunes dans le journalisme et de faire valoir leur position au long des trois frontières. L’idée de l’Europe y très présente et le magazine constitue l’un de leurs engagements les plus visibles dans la coopération transfrontalière. Le projet leur tient à cœur depuis 15 ans, même si la situation de la presse écrite n’est pas florissante. La question de sa continuité s’est posée à plusieurs reprises, notamment lors de la fermeture de l’imprimerie du Républicain lorrain ou des changements de rédaction au Tageblatt. Mais les rédacteurs en chef ont toujours été d’avis de maintenir cette publication. Si les jeunes n’étaient plus au rendez-vous de la rédaction, la question se poserait dans d’autres termes. Mais ils sont toujours très nombreux à vouloir participer à cette aventure.
Propos recueillis par Pascale Braun
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