Le département de la Moselle veut profiter de la brèche qu’ouvrira fin juin, la future révision constitutionnelle, créant un droit à la différenciation. Elle a déjà déposé la marque pour affirmer sa singularité frontalière.
L’Eurodépartement n’existait pas, la Moselle l’a inventé ! Non content d’en avoir déposé cette marque territoriale, le département vient de voter à l’unanimité, le 9 mai, son intention de concrétiser ce concept, en se saisissant de la brèche ouverte par la future révision constitutionnelle. Considérée comme « historique » par Patrick Weiten, président du Conseil départemental de la Moselle, et Stephan Toscani, président du Landtag de Sarre, la démarche vise surtout à relancer une coopération transfrontalière engluée.
Bordée par la Sarre, la Rhénanie-Palatinat et le Luxembourg, la Moselle compte 100.000 travailleurs frontaliers et s’inscrit dans un espace économique et culturel en bonne partie commun. Le département veut réclamer de nouvelles compétences pour débloquer la mobilité, renforcer leur attractivité et simplifier les échanges quotidiens.
Nous voulons faire de notre espace transfrontalier un modèle de référence de la coopération franco-allemande de proximité.
Patrick Weiten
Fenêtre de tir avec la réforme constitutionnelle
La réforme des institutions, qui doit être présentée au Conseil des ministres fin juin début juillet, devrait attribuer des compétences spécifiques aux collectivités revendiquant un « droit à la différentiation ». Le traité d’Aix-la-Chapelle signé le 22 janvier par Emmanuel Macron et Angela Merkel esquisse, quant à lui, de nouvelles formes de gouvernance binationale.
La Moselle n’a pas attendu ces réformes pour coopérer. Elle pilote depuis 2016 le plus grand projet transfrontalier d’Europe, Sesam’GR, qui mobilise 7 millions d’euros pour développer le bilinguisme et l’interculturalité. Une extension de ses compétences lui permettrait de contractualiser des partenariats avec l’Education nationale.
En matière de formation et d’insertion, les échanges restent extrêmement compliqués, tant les systèmes éducatifs et sociaux diffèrent. La Moselle espère pouvoir sélectionner des bénéficiaires du RSA pour intégrer des formations organisées par le Conseil régional du Grand Est ou leur proposer des stages dans des entreprises de Rhénanie-Palatinat. En matière de protection civile, la Sarre, la Moselle et le Luxembourg étudient la normalisation des équipements et des schémas d’intervention des pompiers. La Moselle voudrait aussi englober dans une « bulle juridique » la gestion du parc archéologique européen Bliesbruck-Reinheim et cogérer avec la Sarre les vestiges d’une culture commune remontant à l’Âge du bronze.
L’Alsace sur les mêmes thématiques
Plus délicate, la question de l’écotaxe s’inscrit dans un contexte régional tendu. La Collectivité européenne d’Alsace, dont le Sénat a acté la constitution en avril dernier, détiendra à titre expérimental la faculté d’instaurer une taxe sur les véhicules de 3,5 tonnes empruntant son territoire. La Moselle et la Meurthe-et-Moselle craignent de voir les poids lourds se reporter sur leur réseau départemental.
La Moselle n’est pas la première collectivité à réclamer des compétences transfrontalières. La Collectivité européenne d’Alsace se positionne sur les mêmes thématiques, en réclamant de surcroît un statut nouveau réunissant les compétences du Haut-Rhin et du Bas-Rhin.
Le gouvernement semble enclin à accepter une décentralisation adaptée au contexte local. Mais cette différenciation “cousue main” risque de creuser les inégalités territoriales et de réveiller les régionalismes au détriment de l’intérêt commun.
Benjamin Morel, docteur en sciences politiques
En Moselle, aucun courant identitaire ne demande à quitter la région Grand Est et l’Eurodépartement ne suppose pas de changement de statut. Il lui reste à traduire dans les faits ce nouvel intitulé.
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