Dix-huit mois de pression pour un accord donnant-gagnant
En décembre dernier, les 1 400 salariés de l’usine de pneus Continental de Sarreguemines votaient à 75 % pour le retour aux 40 heures. Etant donné la forte pression liée à des impératifs de compétitivité, les organisations syndicales ont validé un accord comportant compensations salariales et avancées en matière de pénibilité.
Dernière usine du groupe à travailler 35 heures, l’usine de pneus Continental de Sarreguemines (Moselle) ne pouvait guère résister plus longtemps. Depuis 2006, la direction allemande faisait valoir les quelque 77 millions d’euros investis sur le site mosellan au cours des cinq dernières années pour exiger un allongement de la durée du travail.
Impératifs de productivité
Le retour aux 40 heures constituait la seule réponse possible aux impératifs de productivité énoncés par notre maison mère. Face à cet enjeu essentiel, nous nous sommes donné les moyens de communiquer.
Thierry Thomas, DRH de l'usine mosellane
La direction a fait réaliser, voilà dix-huit mois, un DVD de 40 minutes distribué à tous les salariés du groupe pour retracer les grandes étapes de l’usine Continental de Sarreguemines. Le document rappelait qu’en Allemagne, les deux usines soeurs du groupe, Achen et Korbach, étaient revenues aux 40 heures en 2006, et que des investissements supplémentaires à Sarreguemines n’étaient possibles qu’en fonction de l’allongement de la durée du travail.
Les salariés n’étaient pas du tout demandeurs d’un retour aux 40 heures. Mais, la propagande conjuguant la perspective alléchante de gagner plus et les menaces implicites sur l’emploi en cas de refus a permis de revenir sur l’acquis des 35 heures. Nous ne nous sommes pas opposés à la tenue d’un référendum, et n’avons donné aucune consigne de vote.
Christian Eyen, délégué CFTC de l'entreprise
Détail des augmentations
Sitôt acquis le principe du référendum, le directeur du site et le DRH réunissent les salariés par groupes de 250 pour leur expliquer, du haut d’une estrade, les avantages de l’accord proposé : 60 embauches en CDD, 10 millions d’euros engagés immédiatement sur le site pour augmenter la production de 200 000 pneus dès 2008 et, surtout, une augmentation des salaires de 6 %. Les débats permettent de donner mois par mois le détail des augmentations. Ainsi, sur un salaire brut de 1 835 euros, le salarié percevra une augmentation nette de 111 euros au titre des compensations mensuelles et des majorations des heures supplémentaires. Durant les huit semaines précédant la consultation, les salariés reçoivent un courrier nominatif hebdomadaire reprenant le même message. A l’issue du scrutin, organisé les 16, 17 et 18 décembre, 75 % des salariés donnent un avis favorable au retour aux 40 heures, allant au-delà des prévisions les plus optimistes de la direction.
Compensation du retour aux 40 heures
Les organisations syndicales CFDT, CFTC, CGT et CFTC, qui représentent 80 % du personnel, engagent alors des négociations permettant d’intégrer la notion de pénibilité à l’avenant aux 35 heures. Elles obtiennent la possibilité de rester aux 35 heures – moyennant le renoncement aux augmentations salariales – pour les salariés de plus de 55 ans. Le nombre de représentants aux CHSCT passe de 8 à 10 salariés, contre une obligation légale de 6 personnes. La direction s’engage à mettre en place plusieurs chantiers d’ergonomie et consacre une partie de l’investissement à l’automatisation des tâches les plus pénibles.
Nous sommes ainsi revenus aux 40 heures dans des conditions plus favorables que celles de l’accord signé en septembre dernier à l’usine Continental de Clairoix, dans l’Oise.
Christian Eyen
Nous sommes ainsi revenus aux 40 heures dans des conditions plus favorables que celles de l’accord signé en septembre dernier à l’usine Continental de Clairoix, dans l’Oise.
Christian Eyen
Gain de sept jours de production
Ratifié le 21 décembre dernier par l’ensemble des organisations syndicales à l’exception de FO, l’accord a prévu le retour aux 40 heures dès le 1er janvier. Les ouvriers postés en 3/8 voient leur durée de travail augmenter de sept jours par an, avec un rachat de 18 h 22 de RTT. L’équipe vendredi-samedi-dimanche travaillera trois jours fériés supplémentaires, avec rachat de 13 h 50 de RTT. Le temps de travail des salariés aux horaires spécifiques augmente de 4 jours et leurs journées s’allongent de 15 à 30 minutes, avec la possibilité de racheter entre 100 et 194 heures de RTT. L’usine gagne ainsi sept jours de production complets, portant l’activité du site à 332 jours par an.
Un positionnement offensif
L’accord ne condamne pas les heures supplémentaires, mais entraînera probablement leur diminution.
Notre retour aux 40 heures se distingue par une longue préparation du projet et par un positionnement offensif. Notre usine a vendu l’intégralité de sa production l’an dernier et se trouve confrontée à une demande constante. Toutes les industries ne sont pas dans cette situation. Nous avons répondu à un contexte spécifique et n’avons pas la prétention de faire école.
Thierry Thomas
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