Laissé-pour-compte dans la répartition des zones desservies décidée par le CIADT numérique, le conseil général de la Meuse a mis au point un plan de couverture précis détaillant ses priorités. Trois ans d’âpres négociations ont été nécessaires pour aboutir à un accord, en mai dernier, avec les opérateurs.
Département rural particulièrement concerné par les zones blanches de la téléphonie mobile, celles où l’on ne capte aucun réseau, la Meuse s’est mobilisée en 2001, dès le lendemain du Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire de Limoges, dit Ciadt numérique pour procéder à un état des lieux des défauts de couverture.
Le Ciadt tablait sur 1 638 communes non desservies, ce qui correspondait à moins d’une vingtaine de communes dans la Meuse. Pressentant des divergences d’appréciation, nous avons voulu nous doter d’un outil incontestable pour analyser la qualité des communications, par canton.
Dominique Vanon, directeur des systèmes d'information du conseil général de la Meuse et directeur de la mission « technologies de l'information et de la communication » (TIC) du département
Jauger la qualité de réception
Le conseil général charge donc une société spécialisée dans l’étude des fréquences radio, de mesurer précisément les performances des trois opérateurs, Bouygues, Orange et SFR, sur 40 000 points du département. L’étude se double d’une codification de la qualité de la réception : sont jugés acceptables les degrés de couverture permettant de soutenir une conversation audible d’une minute, sans interruption. Reportées sur des cartes, ces indications permettent une gradation de chaque point de défaut en deux niveaux. Le vert désigne les sites où l’utilisateur a 95 % de chances de tenir une conversation audible durant au moins une minute, et le rouge, les zones où l’usager risque une fois sur deux d’être interrompu. Cette méthodologie permet au conseil général de présenter, en janvier 2002, une liste de 130 villages situés en zone blanche, en précisant des priorités de couverture immédiate, haute, intermédiaire ou moindre.
Précise et performante, cette méthodologie présente néanmoins de sérieuses divergences avec les analyses des opérateurs.
Nos interlocuteurs se basent, non pas sur la qualité de la communication, mais sur la puissance du signal sur différents points du département. Ils raisonnent, de surcroît, en termes de communes, et non pas en termes de bourgs et d’intercommunalités. Or, dans la Meuse, composée de nombreux petits villages, plusieurs hameaux souffrent parfois d’un défaut de couverture, alors même que la commune est jugée couverte par les opérateurs.
Dominique Vanon
Le bât blesse également sur le plan national : les évaluations des communes, mêmes moins précises que celles de la Meuse, laissent apparaître de 5 000 à 6 000 communes touchées par ce même problème, soit plus du double des évaluations du Ciadt.
Déterminer les priorités
Contraints de contribuer au financement de la couverture des zones blanches à hauteur d’un tiers de l’investissement, les opérateurs demandent une contre-expertise. Dans la Meuse, la principale pierre d’achoppement concerne les priorités de couverture. Le gouvernement ayant décidé de procéder à une couverture nationale en deux temps, la Meuse a mis en place des cartographies de sites prioritaires. Le territoire départemental présente de larges plaques regroupant plusieurs villages en zone blanche. En croisant la densité de population et les niveaux de taxe professionnelle, la mission TIC a inventorié les territoires les plus denses et les plus actifs. Mais cette logique d’aménagement du territoire ne coïncide pas avec les priorités techniques et commerciales des opérateurs.
En juin 2003, d’âpres négociations permettent d’établir une liste de 49 communes qui seront équipées de relais dès la première phase. Le département s’estime presque satisfait… Mais les élus s’étranglent lorsqu’au mois d’octobre 2003 les opérateurs leur présentent un échéancier comportant 32 relais dans la première phase et plaçant certaines zones, jugées prioritaires par le conseil général, en phase 2 et vice versa.
Certes, il s’agissait d’un débat national et les opérateurs ne pouvaient pas répondre au cas par cas à toutes les communes. Toutefois les élus tenaient à comprendre les critères des opérateurs et à s’assurer que leurs arguments techniques ne masquaient pas des enjeux commerciaux.
Dominique Vanon
Ainsi, un village partiellement privé de couverture est classé en zone prioritaire et non pas un groupe de villages totalement dépourvu de relais.
Blocage
Les explications se font longuement attendre. De décembre 2003 à avril 2004, la situation reste au point mort, au grand dam du conseil général. Faute d’accord avec les opérateurs, il ne peut affecter ni les 500 000 euros de crédits inscrits en 2003, ni le budget de 1,2 million d’euros prévu pour 2004, à l’implantation des pylônes.
La proposition du conseil général ne correspondait pas au phasage décidé au niveau national.
Serge Essermeant, directeur régional adjoint de SFR
Le conseil général campe sur ses positions, affirmant qu’il ne saurait formuler de contre-proposition sans connaître les règles qui président à la définition des priorités. Au terme de plus de six mois de bras de fer, les élus sont informés… qu’il n’y aura pas d’explication complémentaire. Sans attendre, la mission TIC reformule une contre-proposition, rééquilibrant légèrement la répartition des « grappes » à desservir en priorité. Les trois opérateurs valident le projet en moins de trois semaines, ouvrant la voie aux premières réalisations.
Sortie de crise
Nous n’attendons plus que les fiches de recherche de points hauts permettant de définir le positionnement des pylônes. Une fois franchi ce dernier passage obligé, nous pourrons lancer nos appels d’offres, en toute autonomie.
Dominique Vanon
Les opérateurs se disent, pour leur part, ravis d’être sortis de l’impasse et de pouvoir consommer, dans les délais, les crédits affectés aux zones blanches. Selon eux, la deuxième phase, dont ils assumeront entièrement la réalisation technique et financière, sera menée à terme plus rapidement.
Les réussites
- La définition des critères qualitatifs demandés par l’Autorité de régulation des télécommunications.
- Des négociations réussies avec les opérateurs grâce à une parfaite connaissance de la situation.
- L’implication des élus sur la question de la téléphonie.
Les écueils
- Trois ans après l’élaboration d’un schéma directeur, les relais ne sont toujours pas posés.
- Les exigences du département ont pu retarder l’élaboration d’une solution.
Réunion du Comité national de pilotage
Le Comité de pilotage de la couverture territoriale française en téléphonie mobile s’est réuni le 13 juillet, et a planifié la deuxième phase d’extension du réseau. Elle touchera 1 200 communes, et l’opérateur chef de file pour la couverture de chacune d’elle a été désigné. Les trois opérateurs de téléphonie mobile financeront l’intégralité des 934 sites de cette seconde phase.
« Un même désir de coopération »
En signant la convention du 15 juillet 2003, l’Etat, les collectivités et les opérateurs ont défini, à l’échelle nationale, un plan d’action pour la couverture des zones blanches. Dans la Meuse, le conseil général a structuré, dès 2001, sa démarche d’identification des zones blanches et sa réflexion sur les priorités, alors même que les opérateurs n’avaient pas communiqué les critères économiques et techniques de leur plan de couverture. Mais le dossier a sensiblement mûri depuis quelques semaines. La négociation ayant abouti, opérateurs et collectivités manifestent un même désir de coopération. Les opérateurs, qui se sont engagés à couvrir 99 % du territoire lors du renouvellement de leur licence, ont hâte d’avancer sur ce terrain, et les collectivités sont prêtes à les aider.
Hélène Bisaga-Roccia, chargée de mission NTIC au secrétariat général des affaires régionales de la Lorraine
La concrétisation du Ciadt numérique
En juillet 2001, le « Ciadt numérique » a défini les principes de l’extension de la couverture du territoire par les réseaux de téléphonie mobile de seconde génération utilisant le système Gsm. Le Ciadt de décembre 2002 a confirmé cet engagement et défini les modalités d’intervention du comité de pilotage, dans les zones où n’existent ni opérateurs, ni projets d’implantation. Une convention tripartite associant l’Etat, les collectivités locales et les trois grands opérateurs a permis de recenser 1 650 communes prioritaires. Maîtres d’ouvrage, les collectivités locales bénéficieront de subventions de l’Etat pour construire 1 250 points hauts et les mettre à disposition de Bouygues, Orange et SFR.
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