Boostée par l’implantation de Safran, la Meuse s’apprête à accueillir quatre autres projets de dimension internationale. L’un des départements les plus ruraux de France se convertit à l’industrie de haute technologie.
En Meuse, l’aubaine de Safran/Albany se transforme en success-story. Attribuée en 2013 en compensation des restructurations militaires qui condamnaient le 8ème régiment d’infanterie, l’implantation de l’usine d’aubes composites à Commercy relevait à la fois du cadeau et de la gageure. Les collectivités territoriales et les services de l’Etat n’ont pas ménagé leurs efforts pour accompagner l’implantation du géant aéronautique dans un bourg excentré de 6 500 habitants. Depuis l’inauguration de cette vitrine high-tech par François Hollande en novembre dernier, quatre autres investisseurs ont annoncé des projets d’un montant global de 200 millions d’euros. Portés par le chinois Shenan, le belge Cockerill Maintenance International (CMI), l’américain Concordia Fibers et le français Arelis, ces projets représentent quelque 600 créations d’emploi d’ici à 2020.
Le projet Safran-Albany a transcendé la Meuse. Pour le faciliter, les politiques ont remisé leurs étendards et assuré un accompagnement pragmatique et global, avec un degré d’implication que l’industriel n’aurait pas forcément trouvé dans une grande agglomération. En accueillant bien cette première entreprise, nous avons démontré notre capacité à en accueillir d’autres, bien mieux que n’auraient pu le faire des prospections aléatoires ou des discours incantatoires.
Pascal Babinet, directeur général adjoint Grands projets, développement et attractivité de la Meuse
Les personnalités meusiennes ont joué un rôle décisif dans ce nouvel essor. Ancien ministre de la Défense et sénateur du département, Gérard Longuet a pesé de tout son poids dans l’implantation de Safran à Commercy, avec l’aval de Philippe Petitcolin, nouveau directeur général de Safran et enfant du pays. Ancien président du conseil régional de Lorraine, Gérard Longuet a également joué de ses relations avec Bernard Serin, PDG de CMI et président du FC Metz, pour obtenir l’implantation du Cockerill Campus à Commercy. Ce projet d’un montant de 70 millions d’euros convertira l’ancienne caserne Oudinot en centre de formation et créera une centaine d’emplois directs et indirects.
Un foncier qui ne coûte pas cher
Opportunistes revendiquées, les collectivités meusiennes ont rapidement rodé leur argumentaire auprès des industriels.
Lorsque le groupe américain Concordia Fibers a annoncé son implantation à proximité de son donneur d’ordres Safran-Albany, Commercy s’est trouvée en concurrence avec plusieurs autres sites dans un rayon de 40 kilomètres. Nous avons proposé de prendre en charge la construction de l’usine, que l’industriel pourra acquérir au terme d’un bail de douze ans, et avons investi dans la structuration de notre parc d’activité qui compte encore 16 hectares disponibles.
Jean-Philippe Vautrin, président de la communauté de communes de Commercy
Grâce aux fonds de reconversion de la Défense et à ceux du Gip Meuse, structure d’accompagnement du projet Cigéo (voir encadré), l’intercommunalité bénéficie de subventions pouvant atteindre jusqu’à 80 % du coût de certains projets. Elle a ainsi engagé un million d’euros dans la construction d’un restaurant dédié aux entreprises du parc industriel et organise des navettes reliant le site à la gare Meuse TGV.
Le département fait également valoir son faible coût foncier et ses bonnes dessertes routières et ferroviaires. L’argument s’est avéré décisif pour l’implantation de Shenan Group, spécialiste de l’éclairage, qui implantera sa première usine européenne de Led à Verdun, en bordure de l’autoroute A 4. Cet investissement de 100 millions d’euros résulte du partenariat étroit du groupe chinois avec son fournisseur meusien Arelis, spécialiste de l’électronique haute fréquence, et engendre un développement endogène. Arelis, qui emploie 80 salariés à Marville, dans le nord du département, implantera sur la commune des Trois Domaines, en face de la gare Meuse TGV, un centre de recherche-développement de 5 000 m2 partiellement commun avec Shenan. Le département consacrera une dizaine de millions d’euros à la construction des deux premiers bâtiments sur une zone aménagée de 80 hectares. Le projet doit générer 200 créations d’emplois de haute technologie au cours des cinq prochaines années.
La gare TGV nous permet de recruter sans difficulté parmi les bassins universitaires de Lorraine et de la région parisienne. La desserte directe vers Roissy constitue une porte d’accès à l’international, où nous réalisons plus de la moitié de notre chiffre d’affaires.
Pascal Veillat, PDG d’Arelis
Une tradition ouvrière ancienne
Si soudaine puisse t’ elle paraître, l’émergence d’une industrie de pointe en pleine campagne compte au moins un précédent avec la création en 1962 de Réalméca, pionnier des machines à commande numérique et de l’usinage de haute précision.
Nous avons prouvé qu’il était possible d’implanter une entreprise de haute technologie en Meuse en y créant 300 emplois. Nous avons formé notre propre personnel et n’avons jamais rencontré de difficultés à recruter des ingénieurs et cadres venus de toute la Lorraine.
Jean Friess, dirigeant de Réalméca
L’industriel est également fondateur de Meusonic, qui a rejoint en 2011 le groupe Arelis. Employant 150 salariés pour 40 millions d’euros de chiffre d’affaires, Realmeca constitue aujourd’hui un fournisseur de premier rang de Thales.
La Meuse s’appuie par ailleurs sur une tradition ouvrière discrète, mais ancienne. Annoncé en janvier dernier, le regroupement à Ligny-en-Barrois de la fabrication des verres spéciaux d’Essilor tient à des raisons historiques. L’usine de lunettes fondée en 1850 constitue en effet le berceau du leader mondial des verres ophtalmique. Le site emploie aujourd’hui 160 salariés dont 90, regroupés au sein du SL Lab, répondent aux besoins des porteurs de troubles visuels les plus complexes dans le monde entier. Conjuguant tradition artisanale et technologie de pointe, le site n’a jamais pâti de sa situation excentrée.
Le chiffre
1 heure. C’est la durée qui sépare la gare Meuse TGV de la gare de l’Est à Paris et de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle en liaison directe.
Le plus gros chantier d’Europe se précise près de Bure
Aucun projet industriel récent ne présente de lien direct avec Cigéo, le centre d’enfouissement de déchets hautement radioactifs que l’Andra se propose d’implanter à proximité de son laboratoire de Bure, dans le sud meusien. Mais le projet, dont le coût pourrait atteindre 35 millions d’euros, intéresse au plus haut point les majors du BTP. L’Andra sollicitera l’autorisation du projet en 2017 et espère démarrer le chantier un démarrage du chantier en 2020. Pour l’heure, les mesures d’accompagnement accordées à la Meuse et à la Haute-Marne ont fait émerger plusieurs investissements dont les centres de stockage, d’archivage et de maintenance d’EDF et le démonstrateur de biocarburants Syndièse à Saint-Dizier.
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