Après des décennies de fonte des effectifs, le syndicat textile de l’Est se trouve en phase de recrutement. L’organisation professionnelle a mutualisé les services d’une DRH pour évaluer les besoins de ses adhérents et recréer des compétences disparues.
Comment recruter une brodeuse, un noueur ou un bonnetier quand aucune école ne forme plus à ces métiers ? Pour ne pas être pris de court, le Syndicat textile de l’Est, qui regroupe 36 entreprises dans la vallée vosgienne, a demandé un diagnostic territorial financé par la Direcct, puis recruté une DRH chargée d’affiner les besoins de ses membres. Engagée en janvier 2019 à mi-temps pour une durée d’un an, la consultante indépendante Christine Goddyn a dans un premier temps affiné et validé le constat des services de l’Etat : après quatre décennies de crise qui ont vu fondre ses effectifs, passés de 30.000 à 3.000 emplois, le textile vosgien recrute bel et bien. En analysant – tout en veillant à leur confidentialité – les réponses des 26 entreprises ayant rempli son questionnaire, Christine Goddyn a dénombré 148 postes au pourvoir de 2019 à 2021 inclus.
La moitié de ces recrutements portent sur la maintenance et les postes support, déjà difficiles à pourvoir. L’autre moitié concerne des emplois de production et requièrent des compétences introuvables en l’état.
Christine Goddyn, consultante spécialisée dans la mobilité professionnelle, le recrutement et la GPEC
Les anciens bonnetiers, tisserands ou teinturiers sont pour la plupart partis en retraite et aucune école locale n’a choisi de faire perdurer des formations dans ces métiers qui semblaient condamnés. Or, la filière vosgienne, qui doit son salut à un positionnement haut de gamme requérant une grande technicité, risque à présent de voir sa résurgence compromise par un manque de compétences. Le Syndicat textile de l’Est a donc missionné sa DRH non seulement pour diagnostiquer les carences, mais aussi pour y répondre à court et moyen terme. Un appel à candidatures étayé par de petites vidéos promotionnelles sur les réseaux sociaux, repris par plateforme nationale spécialisée Frenchtex et relayé par Pôle emploi a permis de rassembler 300 curriculum vitae.
Nous avons été ravis par cet afflux, alors même que les enquêtes d’opinion laissaient apparaitre une mauvaise image des métiers du textile sur le plan national. Pour maintenir l’attachement des Vosgiens à leur filière textile, nous avons organisé des journées portes ouvertes et des rencontres dans les lycées que nous poursuivrons en 2020.
Laurence Rayeur, secrétaire générale du Syndicat textile de l’Est
Les CV reçus ne correspondaient pas tous, loin s’en faut, aux attentes du syndicat. La formation prévue pour 2019 se limitait de surcroit à 15 personnes. Au terme d’une première sélection pour vérifier les prérequis et les fondamentaux – une expérience du travail d’équipe et de la production et la compréhension des consignes basiques, Christine Goddyn a retenu 25 personnes sur la base des compétences par habileté, puis organisé des « speed-jobing » avec les employeurs. Au terme de ces rencontres, 14 stagiaires ont intégré une formation de sept semaines réalisée sur-mesure par le CFA papetier de Gérardmer. Douze de ces candidats, qui avaient au préalable découvert les entreprises dans le cadre d’une Préparation opérationnelle à l’emploi collective, ont signé leur contrat dès l’issue de leur formation, soit en CDD, soit en intérim, soit dans le cadre d’un contrat de professionnalisation.
Cette initiative de recrutement collectif représente un coût global de 85.000 euros, dont 40.000 euros de frais de formation pris en charge à 80 % par l’ex-Opcalia Textile-Mode-Cuir. La réforme, qui a affilié cette branche à l’opérateur interindustriel OPCO 2i, a ouvert une période de flottement, mais la filière textile espère voire reconduire les financements liés au maintien des savoir-faire.
Nous avons prouvé notre capacité à coopérer et à créer des formations, ce qui n’aurait pas été possible voici quelques décennies, lorsque prévalait la concurrence. J’y vois le succès du label Vosges Terres Textile, qui a convaincu les entreprises qu’elles étaient plus fortes ensemble.
Paul de Montclos, PDG de l'entreprise de linge de lit Garnier Thiebaut et président du Syndicat textile de l’Est
Initiée voici dix ans, cette « AOC industrielle » a essaimé dans cinq autres régions françaises.
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