Le 16 janvier dernier, ArcelorMittal annonçait la suppression de 575 postes à l’aciérie de Gandrange (Moselle). En dépit de spectaculaires prises de position politiques, le plan a été maintenu et réaménagé.
Mi-janvier 2008, l’annonce de la fermeture du four électrique et du train à billettes de l’aciérie de Gandrange, moyennant la suppression de la moitié des effectifs du site, tombe comme un pavé dans la vitrine sociale dont Lakshmi Mittal se disait si fier. Au printemps 2006, c’est sur ce site mosellan que l’industriel indien avait invité la presse nationale pour présenter son projet de reprise du groupe Arcelor. L’aciérie faisait alors office de faire-valoir : Mittal Steel y avait procédé à près de 300 embauches.
60 millions d’euros de pertes
Mais, en 2008, l’usine présente des pertes cumulées de 60 millions d’euros. Le groupe invoque la hausse du coût de la ferraille et de l’énergie et l’inadéquation du four électrique. Les syndicats pointent, eux, une mauvaise gestion des transferts de compétences entre nouveaux embauchés et sidérurgistes expérimentés, qui aurait fait perdre au site 300 millions d’euros entre 2006 et 2007.
A ces débats techniques se substituent rapidement des prises de position politiques. A trois mois des élections municipales et législatives, ces suppressions de poste prennent la tournure d’une affaire d’Etat. Nicolas Sarkozy reçoit, dès le 31 janvier, les syndicats. ArcelorMittal a promis le reclassement des salariés licenciés de Gandrange, soit sur le site voisin de Florange, soit dans les unités luxembourgeoises du groupe. Le chef de l’Etat s’oppose, quant à lui, à la fermeture du four électrique et du train à billettes. Le 4 février, il effectue une visite de 45 minutes à l’usine. Les salariés prennent acte de la promesse de sauver le site. Nicolas Sarkozy n’a-t-il pas assuré que « l’Etat est prêt à prendre en charge tout ou partie des investissements nécessaires » pour pérenniser l’aciérie ?
Des propositions alternatives
Certains sceptiques soulignent que l’Union européenne exclut toute aide à la sidérurgie. Mais l’intervention présidentielle aura accordé aux syndicats un délai de deux mois pour présenter des propositions alternatives. Les premiers clivages se font jour entre, d’une part, la CFDT et la CFE-CGC, qui militent pour le maintien de l’aciérie dans le giron d’ArcelorMittal, et, d’autre part, la CGT, minoritaire, qui privilégie la recherche d’un repreneur. Les deux pistes font long feu.
Début avril, la direction d’ArcelorMittal présente un plan quasi identique à celui annoncé en janvier. Elle confirme la suppression de 575 postes à Gandrange, tout en annonçant la création de 124 emplois sur ce même site, grâce à l’implantation de diverses petites unités complémentaires.
Hauts-fourneaux en sursis
Le principal effet d’annonce concerne les hauts-fourneaux de Florange, que le sidérurgiste s’engage à prolonger au-delà de 2012, « sous réserve de la conjoncture économique et de l’obtention de certificats d’émission ». Même assortie de ces réserves, la nouvelle est de taille. Elle s’accompagne de quelque 330 millions d’euros d’investissement sur quatre ans et laisse espérer la pérennisation de la filière liquide jusqu’à l’horizon 2025. Estimant que cette nouvelle donne « limite la casse », la CFDT signe un accord de méthode pour élaborer le volet social du projet, dont les grandes lignes sont connues dès la fin avril. Les premiers départs liés aux 575 licenciements portent sur les 400 postes de l’aciérie à compter de début septembre. A partir de mars 2009, les 200 salariés du train à billettes quitteront progressivement le site jusqu’à la fin 2009. L’usine de Florange propose déjà 218 postes aux « anciens » de Gandrange, mais en accueillera certainement davantage. Les autres salariés seront affectés au Luxembourg ou feront valoir leurs droits à la retraite.
Commission d’arbitrage
La CGT refuse de signer l’accord et intente une action en référé pour vice de procédure, dans l’espoir de suspendre le plan de réorganisation. Déboutée, l’organisation lance, le 12 mai, une grève pour obtenir des précisions sur les modalités du plan social. Le mouvement s’achève dix jours plus tard sur de nouvelles garanties. La direction accepte de mettre en place une commission d’arbitrage qui statuera sur la notion d’offre valable d’emploi si le salarié licencié n’est pas satisfait de sa proposition de reclassement. Certains intérimaires pourront bénéficier de l’appui de l’Unité de services partagés de la mobilité et du reclassement (USMR). Enfin, les salariés de 55 ans et plus se verront proposer un mi-temps rémunéré à hauteur de 80 % pour intégrer des fonctions de tuteurs à Florange, libérant, ainsi, des postes à Gandrange.
Premiers départs
La fermeture de l’aciérie et du train à billettes s’engage aujourd’hui, conformément au projet énoncé par l’entreprise dès janvier dernier. Les 60 premiers départs ont douché les espoirs des suivants. Financièrement alléchantes, les propositions au Luxembourg supposent de fortes contraintes de déplacement et de conditions de travail. Très directive dans ses premières propositions de reclassement, la direction a rectifié le tir pour tenir compte de la motivation des licenciés de Gandrange.
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