Trois ans et demi après la déroute de Daewoo, qui employait 1 120 salariés en Lorraine, les trois anciens sites du groupe coréen ont trouvé preneurs. Mais la reconversion des anciens salariés s’avère nettement plus difficile à évaluer.
A première vue, les trois sites lorrains affectés par la déroute de Daewoo semblent avoir pansé leurs plaies. Les trois anciennes usines ont engagé ou finalisé leur reconversion et les repreneurs devraient y créer un nombre d’emplois quasi équivalent aux 1 200 licenciements secs de janvier 2003. Mais les nouveaux emplois n’ont que très rarement bénéficié aux anciens de Daewoo, dont la reconversion reste sujette à caution.
Fermeture des trois sites
Le bilan de l’aventure reste lourd : accueilli à bras ouverts dans les années 1990 pour contribuer à la reconversion du bassin sidérurgique, le groupe coréen a bénéficié de quelque 40 millions d’aides directes pour implanter successivement une usine de téléviseurs de 350 salariés à Fameck (Moselle), une unité de production de fours à micro-ondes de 350 salariés à Villers-la-Montagne (Meurthe-et-Moselle) et, enfin, une usine de tubes cathodiques de 600 salariés à Mont-Saint-Martin, près de Longwy. Ces trois sites ont fermé en catastrophe, laissant aux banques, aux organismes sociaux et aux collectivités une ardoise de 153 millions d’euros.
Les salariés de l’ancienne usine de téléviseurs de Fameck ont été les moins mal lotis. Trois mois après la liquidation, l’équipementier ThyssenKrupp Presta France, déjà présent à Florange, a implanté une extension dans les locaux laissés vacants. L’industriel allemand, qui s’était engagé à embaucher en priorité les anciens de Daewoo, a tenu parole, mais il est arrivé que la greffe ne prenne pas. Sur 350 emplois créés en moins de quatre ans, seuls une soixantaine ont été occupés par les anciens ouvriers de l’usine de téléviseurs.
En théorie, nous aurions eu la possibilité de reclasser tous les anciens de Daewoo, mais la phase de notre montée en puissance ne correspondait pas aux besoins immédiats des salariés licenciés. De plus, les process d’assemblage de télévisions et de colonnes de direction sont sensiblement différents. Nos sites fonctionnent de surcroît en trois/huit, alors que l’usine de Daewoo ne pratiquait pas le travail de nuit. Certains anciens de Daewoo sont partis ; d’autres se sont bien adaptés.
Fernand Kiren, DRH de ThyssenKrupp Presta France
Emplois féminins privilégiés
Les 610 salariés de l’usine de tubes cathodiques Daewoo Orion de Mont-Saint-Martin n’avaient guère de chance d’assister à la reprise de leurs locaux, un incendie criminel ayant détruit l’usine la veille de sa liquidation. Le site, frontalier du Luxembourg, a néanmoins fait l’objet d’une âpre concurrence entre le groupe champ’ardennais Frey et Immochan, soutenu par la communauté de communes de l’agglomération de Longwy (CAL), qui souhaitait y conforter l’assise de l’hypermarché Auchan-Pôle européen de développement. En 2004, le tribunal de commerce de Briey a accordé sa préférence à Frey, qui annonce 350 créations d’emploi dans l’équipement de la personne. La CAL et Immochan ont déposé un projet connexe et concerté prévoyant 250 emplois dans l’équipement de la maison.
Le site abritera plus d’emplois qu’à l’époque de Daewoo et privilégiera les emplois féminins dont le bassin est déficitaire. Aucun dispositif de reclassement n’a été prévu pour les anciens de Daewoo, dont la trace s’est plus ou moins perdue.
Christophe Pasquier, directeur général des services de la CAL
Faute d’employeur solvable, l’Etat, le conseil général de Meurthe-et-Moselle et le conseil régional de Lorraine avaient conclu un protocole d’accord prévoyant une cellule de reclassement pour 521 salariés de l’usine de tubes cathodiques. Présenté en mars 2004, son bilan faisait état de 104 salariés ayant retrouvé un emploi en CDI, 80 CDD et 54 dispositifs de formation-reconversion ; 43 salariés avaient procédé à « d’autres choix pour raisons personnelles » et 222 se trouvaient « sans solution » ou « éloignés de l’emploi ».
Equipementier
L’usine de Villers-la-Montagne a trouvé preneur en début d’année, l’équipementier automobile Faurecia entendant y transférer les activités d’assemblage de son usine de Pierrepont (Meurthe-et-Moselle). Outre l’équipementier, qui occupera 13 000 des 22 000 mètres carrés vacants, un logisticien et un métallier s’implanteront sur la friche industrielle. Mais le reclassement des employés de Daewoo n’est pas à l’ordre du jour.
Licenciements injustifiés, Daewoo gagne en appel
En juin 2005, la CGT a cru remporter une victoire de taille en obtenant, devant le conseil des prud’hommes de Longwy, la condamnation de Daewoo-Orion à verser 640 000 euros de dommages et intérêts à 107 plaignants pour licenciements sans cause réelle et sérieuse. Considérant que la faillite du site était due à la revente à perte, à l’intérieur du groupe Daewoo, des trois quarts de ses tubes cathodiques, le tribunal avait également condamné Daewoo-Orion, représenté par son liquidateur, à rembourser aux Assedic l’équivalent de six mois d’indemnités. Mais la cour d’appel de Nancy a cassé ce jugement dans son arrêt du 6 mars dernier. Les instances dirigeantes de la CGT étudient la possibilité de se pourvoir en cassation.
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