L’héritage culturel européen, pour quoi faire ? Abordée le 25 janvier 2017 à Sarrebruck à l’occasion de la commémoration du 55ème anniversaire du Traité de l’Elysée, la question a donné lieu à des échanges de haut niveau entre universitaires français, allemands et luxembourgeois.
Organisé sous l’égide de l’Office franco-allemand pour la jeunesse (Ofaj), la conférence-débat sur le thème : « héritage culturel européen : quel est-il ? Que peut-il ? » a pris un relief particulier dans un contexte frontalier. Sous les lambris de la salle des fêtes de la mairie de Sarrebruck, les universitaires de trois pays – l’Allemagne, la France et le Luxembourg – ont évoqué un passé tourmenté dont les traces restent visibles au long des frontières. Animatrice des débats, Dr. Mechthild Gilzmer, professeure à l’université de Sarre, rappelle que l’histoire a entre autres laissé en partage le camp de torture de la Gestapo à la Brême d’Or, sur la frontière mosellane.
De la paix au dépit
L’histoire, même dans ses aspects les plus sombres, n’est pas perçue de la même manière par tous les ressortissants de l’Union européenne. Dans les anciens pays de l’Est, le souvenir de la dictature communiste a pu occulter la mémoire d’horreurs antérieures. L’Europe institutionnelle a apporté à ses citoyens une assez longue période de paix relative, mais l’élan initial s’est perdu.
Les peuples ne se laissent plus entraîner dans l’ivresse du « Nation building ». L’histoire ne se raconte plus de la même façon. Les historiens eux-mêmes ont rompu avec le récit chronologique. Ils adoptent une approche différente dans des ouvrages comme l’Histoire mondiale de la France (1) ou Europa, notre histoire (2). Cette réflexion est inclusive, collective, mais pas forcément motivante.
Dr Pit Péporté, assistant chercheur à l’université du Luxembourg
Ré-enchanter l’Histoire
Pour ré-enchanter l’histoire européenne, il faudra apprendre à la partager plus largement, y compris par la composante non-européenne de l’Europe.
Ce qui nous relie comme ce qui nous sépare relève de l’émotionnel. Il faut stimuler les aspects émotionnels, intellectuels et scientifiques de l’histoire pour comprendre ce que l’on peut faire ensemble, en dépit de nos différences.
Prof. Dr. Marjorie Berthomier, secrétaire générale adjointe de l’Université franco-allemande et maître de conférences à l’Université Paris Descartes
Elargir la focale
Plutôt que de rester focalisé sur le passé, les « héritiers » devront se montrer à l’écoute de la culture européenne dans sa toute diversité.
On n’adhère qu’à ce que l’on connaît. Or, l’histoire est écrite par des historiens d’Europe centrale et l’histoire contemporaine européenne est largement méconnue. La culture américaine nous est familière, mais qui parle de la Grèce d’aujourd’hui comme haut lieu de la scénographie ou encore, de la Pologne comme phare de la littérature et de la philosophie actuelle ?
Prof. Dr. Gernot Wolfram, enseignant au département Media & communication management de l’université Macromédia de Berlin
Revivre l’échange
Consciente de ne pas être représentative, ni par son origine majoritairement germanique, ni par son bagage culturel, de l’ensemble de la population de Sarrebruck, l’assistance a formulé des pistes d’échange souvent basées sur le vécu. Un historien local a rappelé que les frontaliers côtoient au quotidien les pièces méconnues – éléments architecturaux, réseaux ferroviaires désaffectés, traces oubliées des chemins des passeurs – d’un musée à ciel ouvert. Une animatrice a rappelé que le chant permet de communier dans un même enthousiasme sans parler la langue de l’autre. Evoquant des souvenirs d’échanges scolaires, un étudiant a témoigné que des des lycéens originaires de pays différents savent recréer en quelques instants l’Europe de la jeunesse. Un patrimoine attractif et vivant peut recommencer ou commencer ainsi.
(1) Collection Sciences humaines, ouvrage collectif sous la direction de Patrick Boucheron, 2017.
(2) Edition Les Arènes, collectif, 2017.
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