Le 8 octobre dernier, Michelin annonçait la fermeture, à l’horizon 2009, de l’usine de pneus Kléber à Toul. La restructuration se poursuit en dépit des critiques sur le manque de dialogue et de concertation.
Dès l’annonce de la fermeture du site, j’ai affirmé que chaque salarié se verrait proposer deux postes dans d’autres sites du groupe Michelin ou un accompagnement, soit dans une démarche de reclassement externe, soit dans un projet de création d’entreprise. J’entends, aujourd’hui, démontrer que nous tenons nos engagements.
Henri de la Gravière, directeur de l'usine de pneumatiques Kléber de Toul (54), qui emploie 826 salariés
Ateliers de transition professionnelle
Le 19 mai dernier, 173 salariés ont intégré les ateliers de transition professionnelle implantés dans d’anciens bâtiments jouxtant l’usine. D’ici à janvier 2009, l’ensemble du personnel aura transité par ce local de 3 000 m2, isolé par un grillage, que d’aucuns surnomment ironiquement « Sangatte ». Aidés par 90 consultants des cabinets Algoé et BPI, ils élaboreront un nouveau projet professionnel pendant que l’usine cessera progressivement son activité. Prévenus depuis neuf mois, certains salariés ont déjà arrêté leur choix de reclassement. Encouragés par le dispositif d’aide, dont une prime de mobilité de 17 000 euros, environ 200 d’entre eux ont opté pour des reclassements internes dans d’autres usines Michelin, de Cholet, Tours ou La Roche-sur-Yon. D’autres ont élaboré un projet concret de formation ou de création d’entreprise qu’ils espèrent voir valider par leur ancien employeur. Mais la majorité des salariés restent dans l’expectative.
Congé de reclassement rémunéré
Dispensés d’activité, mais rémunérés à taux plein, les salariés en « transit professionnel » pourront suivre les ateliers durant six mois, puis enchaîner sur un congé de reclassement rémunéré, éventuellement assorti d’une formation. Ils sont libres de quitter le dispositif s’ils trouvent une solution par leurs propres moyens.
Nous demandions une période de transition comprise entre neuf et douze mois pour tous, de manière à permettre une formation complète. Mais la direction en a décidé autrement et statuera sur le financement des formations de manière très directive. Nous craignons qu’elle ne fasse preuve de pingrerie.
Pierre Kovalski et Guy Pernin, délégués CGT de l'entreprise
La critique s’inscrit dans la continuité d’une opposition dure, qui s’est déclarée dès l’annonce de la fermeture de l’usine. Nommé en 2004 à la direction du site, qui constitue le principal employeur du Toulois depuis trois décennies, Henri de la Gravière assure avoir tenté jusqu’au bout de sauver une production finalement condamnée par l’augmentation du prix des matières premières et la concurrence accrue des producteurs asiatiques.
La CGT reste, en revanche, convaincue que 90 millions d’euros auraient permis de remettre l’usine aux normes Michelin et d’assurer sa pérennité – alors même que la direction a provisionné 120 millions d’euros pour accompagner sa fermeture. Dans son avis négatif sur le livre III, le comité central d’entreprise dénonce une direction « dure, provocatrice, incompréhensive, hautaine et dédaigneuse », qui n’a pas fait grand cas, ni du rapport du cabinet d’experts-comptables Sécafi-Alpha, qui jugeait l’usine viable, ni de la demande de moratoire de deux ans qui aurait favorisé une fermeture sans licenciement.
Une gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences correcte aurait permis aux salariés de ne quitter l’usine qu’une fois leur avenir professionnel assuré. Aujourd’hui, les reclassements s’effectuent dans un bassin d’emploi paupérisé et saturé, où les jeunes auront bien du mal à trouver du travail.
Pierre Kovalski
Indemnités pour perte d’emploi
Les négociations, parfois très tendues – deux DRH ont ainsi été retenus durant trois jours dans une salle de réunion, du 14 au 17 février -, ont pourtant permis des avancées. Ainsi, les indemnités pour perte d’emploi se monteront à 2 400 euros par année d’ancienneté, sans plafonnement, en plus des indemnités légales et conventionnelles de trois dixièmes de mois de salaire par année d’ancienneté. En revanche, la CGT a défendu en vain le principe d’une indemnité de 30 000 euros pour les salariés présentant six ans d’ancienneté et moins. Ces derniers partiront avec un pécule de 14 000 euros, indemnités légales comprises. De même, les salariés de 53 ans et plus n’ont pas obtenu de dispense d’activité.
La revitalisation du bassin d’emploi promise par Michelin se fonde sur le projet Campus, porté par Sita, filiale de Suez. Ce centre de valorisation de produits de caoutchouc en fin de vie assorti d’un centre de recherches créera environ 300 emplois à compter de 2011. D’autres projets, tels une usine de déconstruction de véhicules Suez et Renault, ou encore, un pôle écoconstruction porté par le consortium Fetia, restent, pour l’heure, au stade de l’étude.
Toul, destination prisée
Jamais Toul n’aura vu défiler autant de personnalités politiques qu’au printemps dernier. Durant les campagnes municipale et législative, les « Kléber » ont reçu la visite des socialistes Catherine Trautmann, Aurélie Filipetti, Harlem Désir, Marylise Lebranchu, et du leader de la LCR Olivier Besancenot. Mi-février, la ministre de l’Economie, des Finances et de l’Emploi, Christine Lagarde, a assisté au comité de suivi Kléber Toul à Nancy. La secrétaire d’Etat aux droits de l’Homme Yama Rade s’est rendue à Toul, dont la députée UMP de Meurthe-et-Moselle Nadine Morano – nommée depuis secrétaire d’Etat à la Famille – briguait la mairie.
En braquant les projecteurs sur notre conflit, cette médiatisation a évité les matraquages que les salariés de Miko à Saint-Dizier ont subi quelques semaines plus tôt, et nous a certainement été bénéfique.
la CGT.
La direction de Michelin ne note, en revanche, aucune incidence de cette mobilisation politique autour de cette « affaire privée ».
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