Vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) et député PS de Meurthe-et-Moselle, Jean-Yves Le Déaut a défendu l’insertion du projet Cigéo dans la loi Macron. En exclusivité pour l’Usine Nouvelle, il annonce son intention de déposer dès septembre un nouveau projet de loi sur les conditions de stockage souterrain des déchets radioactifs les plus dangereux.
Comment expliquez-vous que le Conseil constitutionnel ait rejeté l’inscription de l’amendement Cigéo inscrit dans loi Macron ?
Le rejet porte sur la forme et non sur le fond. Les Sages ont rejeté l’amendement car le gouvernement n’avait pas prévu d’aborder ce chapitre dans la loi Macron. À mon sens, l’amendement Cigéo avait pourtant sa place dans un texte sur la relance économique. Aujourd’hui, Areva présente des pertes et se trouve en difficulté. Si on ne montre pas la volonté de gérer les déchets, c’est la filière nucléaire entière qui ne sera pas stable. Cigéo est donc lié à la croissance et l’activité de cette filière.
Admettez-vous que le rajout de l’amendement Cigéo le matin même de l’adoption de la loi Macron à la faveur du 49.3 ait pu être vécu comme un coup de force ?
Ce n’était pas un coup de force. Le texte initial défendu par Gérard Longuet a été débattu à toutes les étapes, à l’Assemblée comme au Sénat. Puisque les sages estiment que Cigéo n’a pas sa place dans la loi Macron, je reprends la balle au bond : je déposerai en septembre une nouvelle proposition de loi sur la question des conditions de stockage, de la réversibilité et du droit à l’expérimentation de la récupérabilité (1) des déchets. Il me paraît important d’ouvrir le débat sur la base d’un dossier de présentation du centre de stockage et d’une alvéole expérimentale. Je souhaite que cette proposition de loi, que je déposerai en septembre avec d’autres collègues députés, soit inscrite au calendrier législatif de janvier 2016. Je note d’ailleurs que Denis Beaupin (député Vert de Paris, NDRL) affirme souhaiter débattre et j’ai tendance à le croire.
Pourquoi vouloir à ce point accélérer le projet Cigéo ?
Le débat dure depuis 1991. Le principe de l’enfouissement a obtenu le soutien des conseils généraux et l’aval du Parlement. Sur des sujets comme ceux-là, après 25 ans de débat, il faut trancher. Il serait coupable et inacceptable de ne rien faire. La loi de 2006 prévoyait que l’Andra présente son dossier en 2015 et sa demande d’autorisation de création (Dac) en 2017. Or, compte tenu des manœuvres de retardement, elle ne disposera pas de la maîtrise foncière nécessaire à cette échéance. Sans modification législative, elle ne sera pas en mesure de présenter les documents nécessaires au dépôt de la Dac. Mieux vaut y consacrer un texte spécifique. C’est pourquoi je souhaite un débat public : entreposage contre stockage.
Comprenez-vous que les opposants à Cigéo vous désignent comme membre du lobby nucléaire ?
Je n’accepte pas ce terme. Le lobby nucléaire n’a pas intérêt à l’enfouissement, car il lui faudrait sortir les réserves financières affectées à la gestion des déchets. La Cour des Comptes situe le coût global du projet entre 13 et 35 milliards d’euros – estimation par ailleurs très particulière, puisqu’elle inclut à la fois le coût de construction et les coûts de maintenance inchiffrables aujourd’hui. En comparaison, les 100 millions d’euros annuels d’aide économique aux territoires concernés ne représentent pas grand-chose. Le lobby nucléaire a donc tout intérêt à ce que l’on ne décide pas tout de suite entre l’entreposage des déchets en surface et une solution définitive.
(1) La réversibilité consiste à réaliser l’enfouissement de manière progressive et flexible afin de laisser à la génération suivante des choix sur la gestion à long terme des déchets radioactifs. La récupérabilité porte sur la capacité à retirer les colis de déchets stockés déjà enfouis.
--Télécharger l'article en PDF --