Lundi 11 juillet, l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi portant sur les modalités de création du site de stockage souterrain de déchets nucléaires Cigéo près de Bure (Meuse). Le député socialiste et vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), Jean-Yves Le Déaut, a élaboré le texte suite au rejet, en août 2015, de l’amendement Cigéo inséré dans la loi Macron. Il revient sur cette loi adopté par 20 députés en l’absence de Ségolène Royal, ministre de l’Environnement
Le 10 août 2015, vous annonciez en avant-première à l’Usine nouvelle votre intention de présenter un projet de loi sur les conditions de stockage souterrain des déchets radioactifs les plus dangereux. La loi votée ce lundi correspond-elle à vos attentes ?
Totalement. Ce vote permet d’éviter que le dossier ne s’enlise. Les opposants espéraient multiplier les recours. Ils misaient sur le fait que l’Andra ne puisse pas déposer sa Demande d’autorisation de création (Dac) en 2016 comme le prévoyait la loi de 2006. Par ailleurs, le délai prévu entre le débat public qui s’est tenu en 2015 et la déclaration d’utilité publique risquait d’être un peu court. Le calendrier prévu dans la loi de 2006 aurait été remis en question. La nouvelle loi, qui fixe la date de remise de la Dac à 2018, remet ce calendrier d’équerre.
La loi vous paraît-elle comporter des avancées en termes de sécurité ?
Oui. Le principe de la réversibilité est désormais défini et acté. La période de réversibilité durera 100 ans, ce qui correspondant à la durée de rétractation de l’argile. Les générations futures auront donc 100 ans pour décider d’arrêter ou de continuer l’enfouissement. Il s’accompagne du principe de récupérabilité des colis radioactifs, sans lequel la réversibilité ne serait qu’un leurre.
Je souhaitais également plus de précaution. La phase industrielle pilote qui a été votée prévoit des points réguliers tous les cinq ans, notamment avec l’Autorité de sûreté nucléaire et l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, pour décider de la poursuite ou non de la phase expérimentale.
Comment le débat s’est-il déroulé ?
Le débat a fait l’objet de deux motions d’opposition portées par des membres de l’ex-groupe Europe Ecologie – les Verts. Cécile Duflot a déposé une demande de rejet préalable et Michèle Bonneton, une demande de renvoi en commission, qui ont l’une et l’autre été rejetées. Cécile Duflot a quitté l’Assemblée avant l’issue des débats. Les écologistes ne disposant plus de groupe parlementaire, le texte a été adopté par la totalité des groupes représentés à l’Assemblée.
Les lois et décrets les plus décisifs concernant Cigéo passent souvent au plus creux de l’été. Est-ce un hasard ?
Tout le travail législatif ne s’est pas déroulé en été. Le projet de loi Le Déaut-Bataille-Dumont a été déposé à l’Assemblée le 10 novembre 2015. Les sénateurs Christian Namy et Gérard Longuet ont déposé une proposition de loi presqu’identique le 30 mars 2016. Il fallait simplement trouver une place dans le calendrier législatif.
La loi adoptée lundi est conforme aux travaux de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, de l’Andra et de l’Union européenne. Les écologistes se disent aujourd’hui favorables à l’entreposage des déchets nucléaires en sub-surface, mais lorsque cette solution a été proposée en 1991 dans un site du Gard, ce sont eux qui s’y sont opposés. Si on avait réalisé cet entreposage, on serait sans doute arrivé à la même conclusion qu’aujourd’hui : sauf progrès dans la transmutation, qui permettrait de réduire la toxicité des déchets, l’enfouissement souterrain demeure la meilleure solution.
Dans l’hypothèse la plus rapide, quand les premiers colis de déchets radioactifs seront-ils enfouis à Bure ?
En 2035. La Dac qui sera déposée en 2018 devrait déboucher sur une autorisation d’engager la phase de pilote expérimental en 2025. Les rapports des différentes autorités préalables à la rédaction d’une nouvelle loi demanderont 10 ans. Les premiers travaux législatifs ont débuté en 1991. Il aura donc fallu 45 ans pour débuter l’enfouissement des déchets nucléaires, qui sera réversible durant 100 ans. La fermeture de Cigéo aura lieu au XXII ème siècle. On ne peut pas parler d’une accélération du dossier.
Propos recueillis par Pascale Braun
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