Chercheur atypique, Jean-Marie Pelt engage une croisade contre les plantes et aliments transgéniques. Le président de l’Institut européen d’écologie de Metz s’implique aussi dans les dossiers lorrains.
« Toi, tu es un faux mou. » Jean-Marie Rausch, maire de Metz depuis 1970, ne se trompait pas en assénant cette remarque à son adjoint Jean-Marie Pelt. Nombre de promoteurs immobiliers, agriculteurs productivistes, partisans du nucléaire, prosélytes des organismes génétiquement modifiés se sont confrontés au doux entêtement du biologiste lorrain né voici soixante-six ans à Rodemack, cité médiévale mosellane située à proximité immédiate des frontières sarroise, luxembourgeoise et belge. Neveu de l’évêque de Metz et petit-fils du jardinier des maîtres de forges De Wendel, Jean-Marie Pelt ne s’écartera jamais ni de la religion, ni de la botanique. Agrégé de la faculté de Nancy, le jeune catholique timide qui rêvait de tenir une officine entame au début des années 60 un tour du monde à la Darwin.
De la Corse au sud de l’Iran, de l’Afghanistan à l’Himalaya, il se passionne pour les guérisseurs, explore l’évolution des plantes, constitue son herbier. En Lorraine, il trouve en Robert Schuman, né à 4 kilomètres de Rodemack, côté luxembourgeois, un véritable maître à penser. Militant passionné de l’indépendance de l’Algérie, européen convaincu, Jean-Marie Pelt accompagnera Robert Schuman jusqu’à son décès en 1963 et milite aujourd’hui en faveur de sa canonisation. Alors vice-président de l’université de Nancy, le chercheur effectue en 1968 sa révolution personnelle.
Dans un contexte scientifique de plus en plus cloisonné, j’ai refusé de m’enfermer dans une seule discipline pour m’intéresser à l’ensemble des sciences du vivant. J’ai la chance d’avoir terminé ma carrière voici vingt ans. Je me trouve donc dégagé de toute pression extérieure et de tout enjeu personnel, ce qui n’est certainement pas le cas des jeunes chercheurs financés par les industriels.
Jean-Marie Pelt
Depuis la parution de son premier ouvrage, Evolution et Sexualité des plantes, en 1968, le botaniste a publié une vingtaine d’essais. En 1970, un laboratoire américain lui propose un pont d’or pour élaborer des produits aphrodisiaques à base de plantes. Le chercheur lorrain décline l’offre, expliquant aux Américains pantois qu’il lui est impossible de quitter Metz. Car le biologiste a fait de sa ville son autre terrain de travail. En 1971 il figure sur la liste de Jean-Marie Rausch.
Metz, la ville jardin, était défigurée par l’urbanisme des années 60. Je me félicite d’avoir contribué à sauver la place Sainte-Croix, celle de la Comédie, la basilique Saint-Pierre-en-Nonnain.
Jean-Marie Pelt
Nommé en 1971 à la tête de l’Institut européen d’écologie, il choisit d’implanter ce carrefour des chercheurs dans un cloître franciscain du XIVe siècle, le couvent des Récollets, au coeur du vieux Metz. Il quitte la municipalité de Metz au terme de deux mandats.
Au début des années 90, l’apparition des organismes génétiquement modifiés lui paraît constituer l’une des pires menaces pour l’écosystème, la santé publique et les rapports économiques Nord-Sud. Le chercheur engage alors une croisade à sa manière. Par ses écrits, ses innombrables interventions auprès des médias, dans les congrès scientifiques, dans les colloques, il stigmatise avec humour les laboratoires plus pressés de mettre au point des tomates à pourrissement différé que des légumes qui auraient du goût. Il rappelle les risques de transmission des organismes génétiquement modifiés en milieu naturel. Il dénonce avec calme la mainmise d’une poignée de laboratoires sur l’agriculture mondiale. Il rappelle le manque de recul, les failles de la traçabilité, le danger de résistance accrue aux antibiotiques.
Dire et répéter, toujours, telle est ma mission.
Jean-Marie Pelt
La lutte contre les OGM n’a pas détourné le chercheur de ses préoccupations régionales. Nommé le 25 juin dernier président du comité de pilotage de la Moselle, créé par l’Agence de bassin Rhin-Meuse pour restaurer la rivière, Jean-Marie Pelt se trouve confronté au dossier conflictuel de l’extension des soudières meurthe-et-mosellanes de Solvay et Novacarb, qui souhaitent augmenter de 30 % leur production de carbonate de sodium.
Il n’est question ni d’augmenter les rejets de chlorure dans la Moselle, ni de condamner les soudières. Nous allons chercher des solutions techniques pour mettre fin aux rejets et nous les invitons à s’associer à nos recherches.
Jean-Marie Pelt
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