Mir Redde Platt inaugurera le 20 mars 2018 sa vingtième édition à Sarreguemines. Durant un mois, ce festival de la langue francique proposera vingt-cinq spectacles, rencontres et ateliers.
Vice-président du conseil départemental de la Moselle en charge de la culture, vice-président de la Communauté d’agglomération Sarreguemines confluences et adjoint au maire de Sarreguemines, Jean-Pierre Cunat revient sur l’évolution d’un festival devenu emblématique de la préservation d’une langue régionale.
Initialement populaire et militant, Mir Redde Platt s’est-il institutionnalisé ?
Certainement. Si le Platt reste cantonné à une vision folklorique et passéiste, il est condamné à disparaître d’ici dix ou vingt ans. L’évolution du festival s’est amorcée dès le début des années 2000, avec des affiches qui avaient pour but de faire réagir, comme celle qui présentait les locuteurs du Platt comme des Zoulous parlant une langue indigène. Le festival regroupe aujourd’hui une vingtaine de partenaires. Il s’est institutionnalisé tout en restant populaire. Les commerçants participent à cet engouement en affichant depuis plusieurs semaines un calendrier de l’Avent constitué de mots de Platt – une manière subreptice de faire réapprendre la langue.
Quel intérêt la survivance du Platt représente-elle ?
Il faut remercier les parents d’avoir maintenu le Platt, qui revêt une dimension patrimoniale et culturelle. Cette spécificité de notre territoire est aujourd’hui vécue comme une chance, notamment pour faciliter l’apprentissage de l’allemand. Il ne faut pas scinder le Platt et le Hochdeutsch, mais insister sur leur germanité commune. Les clivages de ce type renvoient à l’époque où l’on punissait les enfants qui parlaient Platt à l’école française.
Le Platt est également un facteur d’intégration. Loin de renforcer les travers identitaires, il contribue à l’apprentissage de la tolérance. J’éprouve une grande fierté lorsque je vois des mères turques ou maghrébines filmer leurs enfants qui chantent en Platt lors des spectacles scolaires.
Il y aurait entre 300 000 et 500 000 locuteurs du Platt entre les frontières est-mosellanes et luxembourgeoises et les terres d’émigration aux Etats-Unis, au Brésil et en Europe centrale. Il faudrait une étude plus poussée pour préciser ce nombre. Le francique fait l’objet de recherches universitaires qui sont représentées lors du festival. Les frontières linguistiques ne bougeront plus, mais le Platt constitue un patrimoine immatériel à préserver et à transmettre.
Que représente Mir Redde Platt pour Sarreguemines ?
Le festival est devenu une composante de l’identité de la ville, et nous en sommes d’autant plus fiers que nous sommes les seuls, dans le Grand Est, à avoir pris l’initiative de consacrer un festival à une langue régionale. C’est aussi une occasion de faire venir le public allemand et de lui montrer que la Sarreguemines mérite le déplacement. Notre directeur du service culturel, Hervé Atamaniuk, a su amener le festival au niveau que l’on est en droit d’attendre. La Ville, qui finance l’essentiel du festival, propose une palette d’offre culturelle large et généraliste qui se doit d’irriguer le public le plus large possible.
En dehors du festival, le Platt se vit au quotidien, par le chant choral ou par les ateliers d’écriture animés par Marianne Haas-Heckel à la médiathèque communautaire. La communauté d’agglomération est également très investie dans la médiation auprès des tout-petits, le fonds documentaire et les cercles de conversation. Le festival donne un lieu d’expression à tous ceux qui contribuent à la préservation du Platt et vivifie les associations de danse, de théâtre ou de poésie tout au long de l’année.
Constatez-vous de nouveaux soutiens institutionnels ?
Oui. Mir Redde Platt a élargi la notion de frontières. Lors de la soirée inaugurale du 20 mars, nous accueillerons pour la première fois la contribution directe d’un collège et d’un lycée de Sarrebruck, qui participeront au spectacle de chants. Nous comptons parmi nos partenaires la KulturFabrick d’Esch-sur-Alzette, le ministère de l’éducation de la Sarre et la Fondation Entente franco-allemande. Nous avons conclu un conventionnement important avec l’Olca, l’Office pour la langue et la culture d’Alsace, qui a ajouté la Moselle à son intitulé. Nous bénéficions également de l’aide du département, du conseil régional du Grand Est et de la direction régionale des affaires culturelles. Ces soutiens nous permettent de porter notre ambition à l’échelle du Grand Est.
Propos recueillis par Pascale Braun
Inauguration officielle le 20 mars, scène de l’Hôtel de Ville à Sarreguemines.
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