Vue à travers le prisme des projets Interreg IV-A, la Grande Région constitue un territoire d’une extraordinaire richesse technologique, touristique et culturelle. La manifestation de clôture du programme Interreg IV a permis à une vingtaine d’intervenants français, belges, allemands et luxembourgeois de présenter leurs projets, de confronter des visions de terrain et de tirer un bilan positif et quelquefois critique de sept ans de coopération transfrontalière.
Organisée le 7 octobre 2015 à Perl (Allemagne), la journée de clôture du programme Interreg IV – A a donné lieu à des échanges riches et sincères entre partenaires issus de quatre pays et d’horizons souvent très éloignés, mais rapprochés par une expérience partagée de l’aventure transfrontalière. Les interludes de l’orchestre et du chœur du lycée germano-luxembourgeois Schengen de Perl sont venus rappeler la tradition d’excellence musicale allemande. Interprétant John Lennon ou Beethoven, les élèves ont offert aux 300 participants la fraîcheur d’une jeunesse talentueuse et motivée.
La Grande Région, terre d’exception
Animées par le journaliste Christophe Langenbrink, les tables rondes ont mis en exergue les spécificités, voire les exceptions de la Grande Région. Conduit au pays de l’Attert (Belgique), Ecobiogaz entend faire reconnaître le digestat de la méthanisation non plus comme un déchet, mais comme un fertilisant noble. Les recherches du Réseau de magnétisme de la Grande Région rayonnent jusqu’en Nouvelle Zélande. La véloroute Vennbahn, dans la région Eiffel-Ardennes, est devenue l’épine dorsale du cyclotourisme européen de Trèves jusqu’au Portugal. Les financiers eux-mêmes s’intéressent à la Grande Région : le consortium de Business Angels Seed4Start a fait éclore en trois ans 240 projets entre la Wallonie, la Lorraine et le Luxembourg, avec à la clé quatre à cinq emplois par projet.
Montagnes de papier et verre de l’amitié
Interreg IV A a débloqué 106 millions de crédit et consommé des montagnes de papier pour édifier 181 projets. Mais les participants ont également évoqué des rencontres, des bon repas bien arrosés, de belles balades, des liens de confiance et parfois d’amitié.
Si les gens de ne rencontrent pas, cela ne marche pas. En matière économique, les principaux obstacles à la coopération sont le manque de temps, mais aussi la crainte, pour de petits chefs d’entreprise, de passer la frontière et de s’entendre demander ce qu’ils viennent chercher là. Nous avons essayé de créer le lien qui manque entre les institutions, le politique et le terrain. Le programme nous a donné de l’élan, nous a donné envie de repartir à l’aventure.
Guy Keckhut, directeur adjoint du Cnam Lorraine, porteur du projet Action Saarlorraine
Impliqué dans le projet EduNet, Volker Staudt, directeur du lycée germano-luxembourgeois de Schengen, évoque la nécessité d’encadrer les enseignants, de créer des réseaux et de commencer par de petits projets concrets pour donner aux élèves le courage de traverser la frontière.
Aller faire ses courses dans le supermarché du voisin ne suffit pas. Il faut pouvoir passer plusieurs semaines dans le pays du voisin, y vivre en famille, faire des stages en entreprise.
Volker Staudt, directeur du lycée germano-luxembourgeois de Schengen
Plus de frontière, mais des écueils
Le volontarisme transfrontalier se heurte à des écueils, à tous les states et à tous les âges. Il est ainsi interdit aux jeunes de moins de 16 ans d’effectuer un stage à l’étranger. De même, les chômeurs indemnisés en France ne peuvent pas passer la frontière pour s’impliquer dans un projet transfrontalier.
Interreg est un programme génial, mais les obstacles qui se trouvent à l’intérieur même des pays concernés nous empêchent d’utiliser pleinement les moyens qui nous sont donnés.
Christian Kayser, directeur du Naturpark de l’Our (Luxemmbourg), porteur du projet Réseau des parcs naturels de la Grande Région
Nombre de participants soulignent la lourdeur intrinsèque des projets européens. Oswald Disch, qui a mené à bien le projet ISKFZ dédié aux sports, à la culture et aux loisirs, pratique Interreg depuis sa troisième édition III (2000/2006). Sa structure a dû faire appel à un cabinet spécialisé pour l’aider à remplir les formalités liées à Interreg IV-A. Même les microprojets, tels la belle initiative consistant à demander à des femmes allemandes et luxembourgeoises âgées de 50 à 92 ans d’évoquer les traumatismes liés à la Deuxième Guerre mondiale (Seniorinnenarbeit über Grenzen), a nécessité le montage d’énormes dossiers.
Le fil rouge du cerf bleu
Le foisonnement de projets et leur diversité peuvent paraître déroutants. Représentant Ulrich Commerçon, ministre de la Formation et de la culture de la Sarre, Uschi Macher y trouve un fil conducteur scellé dans la culture populaire et ouvrière de la Grande Région, voire dans celle de la future très Grande région qui verra le versant français s’enrichir de l’Alsace et de la Champagne-Ardenne.
Le propre de la Grande Région et même, celle de l’hyper-grande Région, est un mélange des cultures que l’on ne trouve nulle part ailleurs. Celle culture s’exprimée entre autres par le spectacle « De charbon, d’acier, de sueur et de feu », suivi de l’événement De feu et d’acier, Cinéma et art en péniche », qui ont touché un grand public. Ces événements s’inscrivent dans la continuité de celles de 2007, année où le Luxembourg et la Grande région ont été promues capitale européenne de la Culture. L’initiative a connu un tel succès que les ministres ont voulu la poursuivre – ce qui n’est pas courant. Les autres régions européennes nous envient cette richesse et nous disent : « Nous en parlons, vous le faites ».
Uschi Macher, responsable des coopérations culturelles internationales et transfrontalières de la Sarre
Une Grande Région toute jeune
Venue présenter les programmes Interreg V-A, Josiane Madelaine, vice-présidente du conseil régional de Lorraine, a rappelé la construction très progressive des programmes Interreg – créés voici 25 ans – et de la Grande Région âgée d’à peine 20 ans.
La Grande Région avance lentement, mais elle avance. De la même manière que les consommateurs commencent à regarder d’où viennent les produits qu’ils achètent, il faut que les citoyens commencent à apprendre d’où viennent leur aire de loisir ou leur piste cyclable.
Josiane Madelaine, en charge des actions régionales relevant de la coopération décentralisée et des relations internationales au Conseil régional de Lorraine
Selon Camille Gira, secrétaire d’Etat au Développement durable et aux infrastructures du Luxembourg, la Grande Région est particulièrement bien placée pour répondre aux grands enjeux des prochaines décennies, car elle aura su mettre en pratique la mobilité, l’unification des universités et surtout, la compréhension des voisins.
Au nom de la mission qui lui a été confiée, le gouvernement luxembourgeois, qui assure le secrétariat technique conjoint du GECT Interreg V, fera ce qui est possible, et même ce qui est impossible, pour rendre la coopération plus audible et pour la simplifier. A titre personnel, je donne rendez-vous à ceux qui sont là à la fin du programme, en 2022. Je ne sais pas si j’y serai, car cela dépend des échéances électorales. Mais je souhaite que vous y soyez.
Camille Gira, secrétaire d’Etat au Développement durable et aux infrastructures du Luxembourg
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