Grand voyageur, le directeur du festival Passages programme à Metz un kaléidoscope de spectacles du monde entier et milite pour l’accueil des artistes réfugiés.
Démarche souple et sourire serein, Hocine Chabira entre dans la cuisine-salle de réunion des Trinitaires, au cœur du vieux Metz. Sous son impulsion, les locaux séculaires sont devenus un centre de gravité entre le Québec et le Burkina Faso, Liège et Trèves ou encore, Avignon et Bruxelles. Le directeur du festival Passages ne cesse de circuler entre ces pôles pour véhiculer inlassablement l’idée d’un théâtre multiculturel, libérateur et humaniste.
En succédant en 2015 à Charles Tordjman, qui a fondé le festival à Nancy et l’a orienté vers les pays de l’Est, Hocine Chabira a ouvert Passages sur le monde entier. Désormais organisé à Metz tous les deux ans, cet événement culturel phare du Grand Est proposera pour sa prochaine édition, en mai, une programmation basée sur le théâtre de l’Afrique et des Caraïbes. Les années paires, Hocine Chabira a instauré un rendez-vous de la jeune création internationale, les Ecoles de Passages.
Une soif de tous les répertoires
En novembre, Hocine Chabira s’est rendu au Burkina Faso pour compléter la programmation de Passages, puis à Québec pour poser les jalons de l’édition 2021. De ses va-et-vient incessants entre les scènes du monde, l’ancien animateur culturel, né en 1972 dans une famille ouvrière de Thionville, rapporte des idées de spectacles. Il en conserve aussi des souvenirs brûlants, comme celui d’une troupe de théâtre turque jouant au milieu d’un village une pièce qui défiait ouvertement le pouvoir.
Entendre une parole qui porte fait énormément de bien, et nous rappelle que l’art n’est pas seulement le théâtre de complaisance ou de divertissement que nous connaissons ici. C’est un engagement, une raison de vivre, et il y a urgence à aider les artistes lorsqu’ils doivent fuir ces zones de fracture.
Hocine Chabira
Ceinture marron de judo, le directeur de Passages, qui doit son érudition à une inextinguible soif de tous les répertoires, s’exprime dans un phrasé parfaitement maîtrisé pour mener sur tous les fronts son combat en faveur des artistes en exil. Il sait pouvoir compter sur l’appui de Bérénice. Passages pilote en effet ce projet européen doté d’un budget de 3,5 millions d’euros sur trois ans qui associe depuis 2016 des institutions et théâtres de Metz, de Trèves en Allemagne et de Wallonie en Belgique. Début 2018, la structure, qui milite pour élargir la diversité culturelle tant sur scène que dans le public, a organisé à Trèves une première rencontre entre travailleurs sociaux, acteurs culturels et juristes des trois pays pour défricher la question du lien social avec les réfugiés. En septembre prochain, Bérénice organisera à Metz un colloque consacré à la rédaction d’une charte de l’artiste en exil, dont Hocine Chabira a déjà défendu l’idée à Bruxelles.
Le sens de l’écoute
Dans l’intervalle, le directeur de Passages sème ses petits cailloux. Bérénice a coproduit la pièce « Il pourra toujours dire que c’est pour l’amour du prophète » du Franco-iranien Gurshad Shaheman. Le spectacle, qui traite des personnes contraintes à l’exil pour leurs opinions politiques ou leurs orientations sexuelles, a rencontré un vif succès au Festival d’Avignon. Bérénice propose également une plate-forme d’accueil des artistes en exil. Professionnels du théâtre, du cirque ou de la danse y présentent leur parcours avant d’être orientés vers les structures les mieux adaptées.
Hocine fait preuve d’une écoute et d’une pédagogie remarquables. Dans un milieu qui a tendance à jargonner, il sait présenter de manière très claire la culture et le système culturel du pays d’accueil.
Louise Beauchêne, chargée de mission de Bérénice
En Lorraine, la structure soutient la publication du livre « A vau l’eau » de l’auteure féministe syrienne Wejdan Nassif, réfugiée à Metz. L’ouvrage paraîtra en mars en version bilingue français-arabe.
Fondateur en 2004 de la compagnie théâtrale la Chose publique, qui poursuit ses activités à Nancy, Hocine Chabira s’est toujours montré proche du public. En juin dernier, les réfugiés de l’ancien bidonville messin de Blida, invités aux représentations des Ecoles de Passages, ont reçu la visite du directeur venu leur demander si le spectacle leur avait plu.
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