Seul observatoire transfrontalier du marché du travail d’Europe, l’Observatoire interrégional de l’emploi (OIE) analyse depuis 2001 l’évolution du marché de l’emploi et les flux frontaliers en Lorraine, en Wallonie, au Luxembourg et en Rhénanie-Palatinat. Sa coordinatrice Hilke van den Elsen revient sur les données les plus récentes, mais aussi sur les grandes tendances du travail frontalier au cours des dernières années.
Quels enseignements tirez-vous du rapport « chiffre des frontaliers 2014/2015 » présenté en juin 2016 ?
Pour la première fois depuis plusieurs années, le nombre de Français partant travailler en Sarre et en Rhénanie-Palatinat progresse. L’augmentation de 1,1 % en 2015, qui représente 188 personnes, s’explique essentiellement par l’augmentation de l’intérim. Depuis 2001, le nombre de français travaillant en Sarre avait continuellement baissé, sans doute parce que les frontaliers « classiques » vieillissent et partent en retraite sans que les jeunes ne prennent la relève.
De manière générale, le travail frontalier augmente dans la Grande Région, avec 4 398 personnes supplémentaires en 2015, soit 2,7 % de plus qu’en 2014. La hausse reste forte et régulière en direction du Luxembourg, avec 2,6 % de progression. Cette tendance n’a jamais varié depuis 2001 et s’est à peine ralentie avec la crise de 2008. Au 30 juin 2015, le Grand-Duché employait 166 768 personnes, dont près de la moitié de Français.
Pourquoi les navetteurs continuent-ils à « navetter» en direction du Luxembourg ?
Les statistiques donnent des chiffres, pas des explications. Dans la pratique, la raison principale est le niveau des salaires, nettement plus élevé au Luxembourg, qui compense le stress quotidien et le temps de trajet élevé. L’attractivité et le dynamisme du Luxembourg entrent également en ligne de compte : sans doute les frontaliers trouvent-t-ils au Luxembourg des postes qui n’existent pas dans des régions moins peuplées.
Quel usage les composantes de la Grande Région font-elles de vos données ?
L’OIE a été constitué en 2001 par le Sommet de la Grande Région, qui était alors placé sous présidence de la Sarre. Les politiques avaient besoin d’une base de données harmonisée pour réaliser des analyses partagées. C’est ainsi qu’a été créé le seul observatoire transfrontalier de l’emploi. C’est un vrai succès, car nos chiffres permettent une meilleure lisibilité et une meilleure compréhension de la situation. Mais il est certain que nos chiffres gagneraient à être mieux connus. Nos statistiques sont en ligne depuis trois ans. Nous avons été invités à présenter notre dernier rapport au Landtag de la Sarre, mais pas encore dans les autres régions.
La réorganisation territoriale peut-elle entraîner un élargissement du territoire d’intervention de l’OIE ?
Il existe une thématique du travail frontalier comparable dans la région du Rhin supérieur, mais il ne s’y trouve pas d’institution statistique analogue. Dans la Grande Région, l’OIE mobilise huit personnes dont trois au secrétariat basé à Sarrebruck et deux correspondants dans chacun des pays membres. L’éventuel élargissement aux régions de l’Alsace, de la Suisse et du Bade-Wurtemberg constitue une décision politique sur laquelle nous n’avons pas encore de visibilité.
Propos recueillis par Pascale Braun
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