Locuteur du respect
De l’Est mosellan aux banlieues d’Europe, Hervé Atamaniuk, directeur des affaires culturelles de Sarreguemines, n’a jamais cessé de prôner le respect des langues et des cultures.
La rubrique « langues » de son CV mentionne le français, le francique, l’allemand, l’anglais et un « intérêt pour l’ensemble des langues nationales, régionales et minoritaires ». Intérêt est peu dire. La passion d’Hervé Atamaniuk remonte à loin. Ukrainien arrivé dans l’Est mosellan après avoir fui l’Allemagne nazie, son grand-père devint spontanément traducteur, au fond de la mine, afin d’aider ses collègues slaves auxquels personne ne demandait de papiers pour venir extraire le charbon lorrain.
Homme de cultures. Natif de Saint-Avold, dans le bassin houiller, Hervé Atamaniuk parle platt dès l’enfance et se garde bien d’oublier ce trésor.
Dans les années 80, j’ai découvert à l’occasion du combat commun des militants lorrains, sarrois et luxembourgeois contre l’implantation de la centrale nucléaire de Cattenom, que le platt nous permettait de nous comprendre. Il ouvre aussi la voie au yiddish, à l’allemand, au néerlandais.
Hervé Atamaniuk, président de la Fédération pour le lothringa platt.
Attaché à son terroir francique et ouvert à toutes les cultures, il trouve naturellement sa voie dans l’Action culturelle du bassin houiller lorrain, fondée à la fin des années 70. Dix ans durant, Hervé Atamaniuk se sent chez lui dans ce lieu d’accueil et de culture. Il en est pourtant « éjecté » dans la foulée de l’alternance municipale, en 1995.
Mon grand-père disait qu’il faut toujours être là pour accueillir l’ennemi. Je suis donc resté à mon bureau, tout seul, jusqu’à ce que le concierge, catastrophé, soit sommé d’appeler la police municipale pour me déloger.
Hervé Atamaniuk, président de la Fédération pour le lothringa platt.
Le Mosellan rejoint alors Strasbourg et Jean Hurstel, ancien directeur de l’Action culturelle du bassin houiller lorrain, qui dirige La Laiterie, centre européen de la jeune création. Il y devient directeur du réseau Banlieues d’Europe, créé dans le bassin houiller lorrain en 1990. Pendant sept ans, il organise des rencontres et des séminaires européens dont « Culture et solidarité », à Valence (Espagne) en 1998, « Pour mémoires », à Lille et Roubaix en 1999, ou encore « Arts, culture et solidarité », à Glasgow (Ecosse) en 2000.
Profondément ancré dans sa culture locale, Hervé a acquis une dimension européenne remarquable qu’il exprime aujourd’hui dans l’espace Sarre-Lorraine-Luxembourg.
Jean Hurstel
Passeur
Mais les terres du francique manquent au Mosellan. En 2002, il accepte avec enthousiasme la direction des affaires culturelles de Sarreguemines. Il y exprime ses passions, organisant notamment le festival du blues et du jazz, celui des arts de rue ou de la langue francique et des langues de France.
Père de cinq enfants, Hervé Atamaniuk est également devenu enseignant. Intervenant à la maison des sciences de l’homme de l’université Paul-Verlaine à Metz, il évoque le fonctionnement et les dysfonctionnements de la grande région Sarre-Lorraine-Luxembourg. Il rappelle à une jeunesse parfois oublieuse que les clichés mènent à la guerre et valorise avec ferveur la richesse des langues et des cultures.
Ce sont les Etats qui décident qu’un parler sera une sur-langue ou une sous-langue. Aujourd’hui, les gamins de banlieue préfèrent ne pas dire qu’ils parlent créole ou arabe à la maison. J’y retrouve les mécanismes d’exclusion de mon enfance, lorsque les professeurs nous renvoyaient que notre platt n’était ni du français, ni du bon allemand.
Hervé Atamaniuk
BIO-EXPRESS
- 19 décembre 1961 : naissance à Saint-Avold (Moselle).
- 1985 : intègre l’Action culturelle du bassin houiller lorrain, dont il devient le président.
- Depuis 1990 : président de la Fédération pour le lothringa platt.
- 1996 : directeur du réseau Banlieues d’Europe.
- Depuis 2002 : directeur des affaires culturelles de la ville de Sarreguemines.
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