Vous êtes en fonction depuis mars dernier. Six mois après votre entrée en fonction, quel regard posez-vous sur ce métier d’élu en charge de la sécurité ? Quelle est la spécificité de cette fonction ? Vous attendiez-vous à cela ?
Ancien juge, j’ai exercé un métier qui m’a mis en contact avec la délinquance, le crime et le terrorisme. Je ne suis donc surpris ni par l’ampleur, ni par la difficulté de la tâche.
Etre élu en charge de la sécurité, c’est un métier qui demande du sang-froid et de la vigilance. Tout n’est pas prévisible. Les faits divers, les poussées de violence ne connaissent pas de préavis. Dans ces circonstances, il me semble important de réduire au maximum l’exposition médiatique. J’entends bien la nécessité de s’exprimer lorsque l’on est en charge de l’administration de la vie de la cité, mais cela n’implique pas une réactivité de tous les instants, faute de quoi on deviendrait inaudible. Il existe un réel antagonisme entre celui qui exerce la fonction de responsable de la sécurité et la communication. Le faire savoir ne doit pas s’exprimer avant le savoir-faire.
Depuis plusieurs années, un débat est posé sur le rôle du maire en matière de sécurité et de prévention de la délinquance. Quelle est votre opinion ?
La lutte contre la délinquance et l’insécurité relève de la mission régalienne de l’Etat, qui l’exerce via la police, la police judiciaire et la justice. Mais l’Etat a de plus en plus de mal à assurer la sécurité. La montée de certaines formes de violence et les contraintes budgétaires de l’Etat conduisent les collectivités à prendre le relais. Certains maires s’y refusent, d’autres ont décidé depuis quelques décennies de mettre en place une police municipale pour faire respecter la tranquillité publique. Mais leurs prérogatives restent très faibles. L’Etat veut rester maître dans ce domaine. Encore faut-il qu’il s’en donne les moyens. J’ai noté qu’à Aulnay (Seine-Saint-Denis), la municipalité a proposé des véhicules à la police nationale. Cela m’apparaît comme une dérive complète. Si on met le doigt dans cet engrenage, on n’en sortira pas. L’Etat en difficulté concentrera ses forces là où les problèmes sont les plus aigus, mais s’il faut que l’on tire dans les rues pour avoir des flics, c’est une logique qui s’inverse !
Quels sont les bons ingrédients d’une politique municipale de sécurité et de prévention ? Y a-t-il une recette magique ?
Il n’existe pas de solution miracle. Celui qui prétendra tout résoudre à l’aide d’arrêtés, de police municipale pléthorique ou de vidéosurveillance omniprésente est un illusionniste.
La sécurité, c’est un bouquet de dispositifs à appliquer sans excès ni dogmatisme. La vidéosurveillance permet une meilleure réactivité et un meilleur contrôle. Le maire, à travers ses arrêtés, peut améliorer les choses. En matière d’urbanisme, il faut veiller à éviter certaines conceptions propices au deal ou la dissimulation.
Quels sont les chantiers en cours dans votre ville qui pourraient inspirer vos collègues d’autres villes ? Quel est le coût de votre politique de sécurité ? En avez-vous les moyens ?
Nancy est confrontée aux mêmes problèmes que les agglomérations de taille comparable : deal, attroupements, alcoolémie excessive à la sortie des boîtes de nuit… La ville compte 45 000 étudiants – d’où des mouvements parfois intempestifs qui témoignent de la vigueur de la jeunesse. Il faut néanmoins éviter les débordements dangereux ou violents. Nous élaborons une charte de la nuit en lien avec les établissements scolaires et universitaires ainsi qu’avec les associations d’étudiants. Nous envisageons de conditionner les subventions au respect de certaines règles. Nous préparons également un arrêté qui ne sera pas un arrêté anti-mendicité, mais qui visera à éviter la concentration de SDF et de leurs chiens toujours aux mêmes endroits.
Nancy dispose d’un budget de fonctionnement de 125 millions d’euros dont 4,5 millions sont consacrés à la sécurité. La ville compte 45 policiers municipaux pour 107 000 habitants. Il s’agit d’un effectif théorique, car nous constatons actuellement un déficit de 15 postes. Dans des agglomérations comparables, j’ai relevé un ratio d’un policier municipal pour 1 250 habitants à Metz, 1 pour 1 400 à Strasbourg, 1 pour 1 100 à Orléans, 1 pour 2 000 à Reims. Avec un policier pour 2 300 habitants, Nancy est en retard. Le nouveau maire Laurent Hénard s’est engagé à créer 10 nouveaux postes de policiers municipaux au cours du mandat. Cette mesure représente un coût de 350 000 euros, soit 0,8 point de fiscalité, pour parvenir à une honnête moyenne d’un policier municipal pour 2 000 habitants. Un autre engagement de campagne étant de ne pas augmenter les impôts, il faudra faire des choix et redéployer des moyens. Ce n’est pas simple, mais il faut savoir ce que l’on veut.
Y a-t-il une politique de sécurité de droite et une politique de sécurité de gauche ?
Je vous répondrai par une autre question : la grippe espagnole était-elle de droite ou de gauche ? Aucun maire ne fera disparaître la misère et la délinquance. Il ne faut pas oublier que les crimes et les délits sont aussi vieux que le monde.
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