Gilbert Schuh a assuré durant deux ans la présidence de l’Eurodistrict SaarMoselle. Avant de passer le relais à son successeur Peter Gillo, président du Regionalverband de Sarrebruck ce lundi 16 juin 2014, il dresse le bilan d’une coopération transfrontalière freinée par les restrictions financières.
Correspondances lorraines : Un an après la décision du Land de Sarre, qui s’est retiré de l’étude de faisabilité, croyez-vous encore à au tram-train Sarrebruck-Forbach ?
Certainement. Le tram-train constitue un enjeu encore plus important qu’auparavant. La situation économique de l’est mosellan s’est aggravée et le chômage des jeunes atteint 40 % dans certaines cités. La Sarre souffre quant à elle d’un déclin démographique et propose de nombreux emplois industriels et commerciaux. Il faut agir sur la mobilité et sur la logistique pour concrétiser le rapprochement. Le tram-train doit aussi contribuer à la structuration urbaine d’un Eurodistrict de 600 000 habitants relativement étendu.
La prochaine assemblée relancera les études de faisabilité d’une desserte moins coûteuse, qui utiliserait les routes existantes et les voies ferroviaires laissées par l’industrie de part et d’autre de la frontière. Initialement fixé à 110 000 euros, le montant de l’étude pourrait être revu à la hausse grâce aux fonds européens Sintropher dédiés à la coopération territoriale transfrontalière dans le nord-ouest européen
CL : Le tram-train qui constitue depuis dix ans le projet phare de l’Eurodistrict SaarMoselle en est toujours au stade des études. Ne s’agit-il pas d’un échec pour une structure qui entendait porter de grands projets ?
Certes, le tram-train a pris du retard. Le projet initial représentait entre 60 et 80 millions d’euros qu’il aurait été possible de trouver. Mais il faut tenir compte de la raréfaction des financements tant du côté allemand que du côté français. L’Eurodistrict gère désormais la coopération transfrontalière au quotidien. Nous avons ainsi créé une ligne de bus classique entre Saint-Avold et Sarrebruck. Deux ans après sa mise en service, la desserte accueille 80 000 voyageurs par an en dépit de son faible cadencement. Nous avons également créé une commission santé qui ne figurait pas dans nos projets initiaux, rédigé un guide des loisirs complété par une application smartphone et présenté une plaquette trilingue qui dresse l’inventaire des zones d’activité disponibles. Nos actions de lobbying ont porté leurs fruits, notamment à propos de l’écluse de Gudingen. Le ministère fédéral allemand des transports, qui envisageait sa fermeture, étudie à présent un projet de transformation.
CL : La fusion entre l’Alsace et la Lorraine vous paraît-elle bénéfique à la coopération transfrontalière ?
Oui, car ce nouveau territoire comporte trois Eurodistricts – SaarMoselle, Strasbourg-Ortenau et Regio-Pamina. Mais je regrette que personne n’ait demandé son avis aux représentants d’agglomérations transfrontalières dans le cadre de la réforme territoriale française. Je rêve d’une fusion entre la Sarre et la Moselle. Les Sarrois sont véritablement proches des Mosellans. La Sarre est un petit Land frontalier qui vit l’éventualité d’une fusion avec la Rhénanie-Palatinat comme une menace, et il me semble que les Sarrois préféreraient se marier avec les Mosellans. Cette idée est sans doute trop avant-gardiste, mais elle aurait du sens. À contrario, il ne faudrait pas que la notion d’agglomération transfrontalière passe par pertes et profits à l’occasion de la réforme territoriale française.
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