Maire de Morsbach depuis 1995, délégué à la coopération transfrontalière au conseil départemental de la Moselle et vice-président de la communauté d’agglomération Forbach Portes de France, Gilbert Schuh est revenu fin novembre 2020 à la présidence de l’eurodistrict SaarMoselle, qu’il a déjà occupée de 2012 à 2014. Entré en politique par conviction européenne, l’élu centriste est l’une des chevilles ouvrières de cette institution transfrontalière fondée voici dix ans.
Quel sera le projet phare de votre nouveau mandat ?
Il s’agira du projet Geko (Gesundheitkooperation), piloté par l’Eurodistrict pour renforcer les coopérations sanitaires entre la Sarre et la Moselle. Cofinancé par l’Agence régionale de santé du Grand est et par le ministère sarrois de la Santé, ce projet Interreg doté d’un budget d’un million d’euros doit contribuer à digitaliser les échanges transfrontaliers de données, faciliter la gestion de crise et renforcer le réseau transfrontalier de soins. Il prolonge la convention sanitaire Mosar, qui a notamment permis la prise en charge des patients mosellans atteints de maladies cardiovasculaires à la clinique spécialisée de Volklingen. Les échanges impliqueront désormais le service de médecine nucléaire de l’hôpital de Sarreguemines et le centre de réhabilitation fonctionnelle de Freyming-Merlebach. Il pourrait aussi d’étendre aux pompiers et aux services de secours.
Durant la crise sanitaire, le réseau transfrontalier a démontré sa capacité de mobilisation. L’eurodistrict continuera à y tenir son rôle. Une enquête récente auprès de nos 62 délégués a démontré que la santé arrive désormais en tête des préoccupations des habitants de l’eurodistrict, alors qu’elle était absente de ce classement voici dix ans.
La mobilité se trouvait au cœur du projet initial de SaarMoselle. Constatez-vous des progrès en la matière ?
Oui. Après la première ligne de bus MS 1 entre Hombourg-Haut et Sarrebruck, nous envisageons de nouvelles liaisons entre Saint-Avold et Sarrelouis. Le projet d’extension du tram entre Forbach et Sarrebruck n’est pas enterré. La Sarre a lancé des études pour s’assurer de la viabilité de la ligne en phase de fonctionnement. Le plan de relance européen peut contribuer au à financer l’infrastructure. La somme en jeu – 60 millions d’euros – est certes importante, mais elle n’est pas énorme au regard de notre bassin de population. Nous devons être plus ambitieux et exiger d’être traités à hauteur d’une grosse agglomération de 650.000 habitants pour lesquels il n’y a pas de frontière. Nous avons toujours considéré ce projet comme un vecteur d’urbanisme, de développement économique, de commerce et d’emploi.
Nous continuons par ailleurs à défendre le projet de liaison ferroviaire entre Dillingen, Bouzonville et le Luxembourg. Cette motion a été adoptée à l’unanimité et même applaudie par l’ensemble des élus de l’eurodistrict. Côté sarrois, le projet est soutenu par par le Landtag de Sarre et par la Deutsche Bahn. Côté français, la fin de non-recevoir exprimée par le conseil régional du Grand Est doit être relativisée. Patrick Weiten, président du conseil départemental de la Moselle, a demandé l’inscription du projet au contrat de plan Etat-Région. La remise en fonction d’infrastructures existantes serait très importante pour la mobilité des salariés vers le Luxembourg et la Sarre. Il ne faut pas lâcher.
Quelles évolutions institutionnelles et juridiques avez-vous constatées en dix ans ?
Le périmètre de l’eurodistrict est resté assez stable. En dix ans, une seule collectivité, le district urbain de Faulquemont (DUF), nous a quittés, car il se sentait plus proche de Metz que de la frontière sarroise. Mais nous n’avons pas perdu en nombre d’habitants, puisque nous avons été rejoints par le centre mosellan à la faveur de la fusion entre la Communauté de communes du centre mosellan et celle du pays naborien, désormais regroupées au sein de la Communauté de Communes de Saint-Avold Synergie (Casas). Des discussions continuent côté mosellan avec la communauté de communes du pays de Bitche et avec le Saarpfalzkreis côté sarrois. De même, il est toujours question de l’adhésion de Sarrelouis.
En 10 ans, la coopération s’est développée et approfondie. La signature par Angela Merkel et Emmanuel Macron du traité d’Aix-la-Chapelle, à l’occasion du cinquante-cinquième anniversaire du traité de l’Elysée, est un bon signe. Au cours de la prochaine programmation, nous nous attendons à une amélioration du contexte juridique applicable. Nous avons d’ores et déjà proposé au comité de coopération transfrontalière de mettre en œuvre l’implantation de services publics de part et d’autre de la frontière.
Quel rôle l’Eurodistrict peut-il jouer à l’avenir ?
La création, au 1er janvier 2021, de la collectivité européenne d’Alsace nous permettra peut-être d’élargir notre propre champ d’action. La Sarre et la Moselle ont le même nombre d’habitants, une histoire commune et une longue pratique de la coopération non seulement entre institutions, mais aussi entre les entreprises et les associations. En 2019, le département de la Moselle est devenu un eurodépartement. Ce concept nous permettra de revendiquer notre spécificité dans la perspective de la réforme constitutionnelle annoncée. Nous avons contribué notamment au développement du bilinguisme, au déploiement d’assistantes éducatives, au jumelage entre collèges, aux échanges de stagiaires… L’eurodistrict SaarMoselle est la seule institution qui fasse la soudure entre la Sarre et la Moselle. Nous sommes à la fois la boîte à outils et le porte-parole de la population frontalière. Dans cette mesure, nous pouvons revendiquer un rôle de leader de la coopération.
Propos recueillis par Pascale Braun
Une nouvelle directrice
Céline Laforsch, experte juridique de la coopération transfrontalière, prendra au 1er janvier 2021 ses fonctions de directrice de SaarMoselle. Jusqu’alors directrice suppléante de la Task Force Grenzgänger/Frontaliers, elle a dirigé la Mosa (maison ouverte des services pour l’Allemagne) de Forbach. Elle succède à Isabelle Prianon, recrutée par la communauté de communes du Warndt (CCW) en tant que directrice générale des services.
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