Ex-coordinatrice du réseau de villes Quattropole, puis directrice du GIP Interreg Saarland-Moselle-Lorraine-Westpfalz, Frédérique Seidel assume depuis 2016 la fonction de secrétaire générale de l’Université de la Grande Région (UniGR).
Ce groupement de six universités implantées dans quatre pays (*) a renforcé ses coopérations durant la crise sanitaire. Soutenu par l’Union européenne, il contribue à la visibilité de la Grande Région tout entière.
Pourquoi l’UniGR s’est-elle ouverte cet été à la grande école de sciences appliquée htw saar?
Il ne s’agit pas d’une adhésion, mais d’une convention avec un partenaire naturellement transfrontalier. La htw saar a créé 12 cursus transfrontaliers pionniers qui s’ajoutent aux 18 que proposaient déjà les membres fondateurs. Cette offre unique en Europe contribue non seulement à la visibilité de l’Université de la Grande Région, mais aussi, à celle de la Grande Région elle-même.
La htw saar joue un rôle essentiel dans la culture transfrontalière : elle connait les problèmes administratifs liés aux frontières, sait former des étudiants bilingues ou trilingues et développe des compétences interculturelles. Bien positionnée dans les projets Interreg, elle est en pointe sur les thématiques de la mobilité et de la construction. Ses étudiants bénéficieront du statut UniGR, qui permet de suivre des cours, de passer des examens, d’utiliser les bibliothèques et les restaurants de tous les membres du réseau. D’autres universités, grandes écoles ou centres de recherche souhaiteront peut-être se rapprocher. La porte n’est pas fermée, mais les partenariats répondent à des critères exigeants.
En quoi consiste le nouveau certificat EurIdentity que propose l’UniGR ?
Il s’agit d’une formation à l’histoire, à la culture et aux institutions de l’Europe. Ce module s’adressera à tous les étudiants, y compris à ceux dont la formation n’a rien à voir avec les sciences humaines. Elle présenterait un intérêt tout particulier pour ceux qui ne viennent pas d’Europe. Portée par des professeurs de l’UniGR, l’idée est née durant le confinement. Elle s’inscrit pleinement dans le discours sur l’Europe prononcé par Emmanuel Macron à la Sorbonne en septembre 2017 et dans l’appel à projet sur les Universités européennes lancé par la Commission européenne en octobre 2018. L’UniGR coche toutes les cases, mais les universités frontalières n’y sont malheureusement pas éligibles. En revanche, le projet de certificat EurIdentity a obtenu le soutien d’Erasmus +, qui lui attribue 300.000 euros sur trois ans. Les programmes pédagogiques seront à terme repris par les sept partenaires de l’UniGR, puis au-delà. Cette approbation de la Commission européenne est plus que symbolique : elle témoigne d’une dynamique susceptible d’entrainer d’autres universités européennes.
Quelles autres réalisations l’UniGR compte-elle à son actif depuis sa création en 2008 ?
Parti d’un petit groupe de chercheurs, le Centre d’études sur les frontières réunit aujourd’hui 80 chercheurs issus des six universités fondatrices et représentants 16 disciplines. Le centre a constitué une documentation spécifique et s’appuie sur un glossaire commun pour mener ses recherches. Il a bien sûr été très sollicité durant la crise du Covid, car nulle part ailleurs, autant de chercheurs ne sont regroupés autour de 2.600 kilomètres de frontières. Il a par ailleurs fait des petits, puisque l’UniGR vient de fonder le centre interdisciplinaire UniGR-CIRKLA sur le thème « Matériaux et métaux dans une économie circulaire ».
Les universités sont-elles restées à l’abri des tensions et dissensions observées aux frontières durant la crise sanitaire?
Certainement pas. Mais la priorité de chaque université a été d’assurer la continuité pédagogique. Elles n’ont pas découvert l’enseignement à distance, mais elles l’ont généralisé auprès des enseignants et des étudiants au prix d’un effort gigantesque, tout en se calant à des calendriers pédagogiques différents. J’ai aussi été impressionnée par la dimension sociale des universités, qui ont pris en charge les étudiants les plus isolés et les plus démunis, qui avaient des problèmes de visa, de forfait téléphonique, d’ordinateur et même de subsistance.
Face à une crise inédite, les universités de la Grande Région ont adopté des attitudes et des stratégies similaires, ce qui prouve la robustesse de l’institution universitaire elle-même. Mais au quotidien, les frontières étaient fermées pour tout le monde, et elles le sont restées alors même que les cours en présentiel avait repris. Il a fallu nous battre pour obtenir que les étudiants obtiennent le statut de « navetteurs » au même titre que les travailleurs frontaliers. J’espère que toutes les difficultés qu’ont vécu les étudiants de la promotion 2020/2021 ne dissuaderont pas les générations suivantes d’entreprendre des cursus transfrontaliers. Nous avons tant besoin d’étudiants européens !
Propos recueillis par Pascale Braun
(*) L’Université de la Grande Région regroupe les universités de Kaiserslautern, de Sarre et de Trèves en Allemagne, de Lièges en Belgique, de Luxembourg et de Lorraine.
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