Le président du comité de suivi des engagements d’ArcelorMittal à Florange a été nommé en 2012 par Jean-Marc Ayrault, au plus fort du conflit qui secoua la vallée de la Fensch lors de l’extinction et de la « mise sous cocon » de ses deux derniers hauts-fourneaux. Six ans plus tard, Edouard Philippe a reconduit et prolongé sa mission. Mais l’heure de vérité approche.
François Marzorati n’aurait jamais pensé que sa mission durerait aussi longtemps, ni qu’elle lui apporterait autant de satisfactions. Le président du comité de suivi des engagements d’ArcelorMittal à Florange a été nommé en 2012 par Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, au plus fort du conflit qui secoua la vallée de la Fensch, lors de l’extinction et de la « mise sous cocon » de ses deux derniers hauts-fourneaux.
Six ans plus tard, Edouard Philippe a reconduit et prolongé sa mission, qui s’achèvera en décembre. Dans l’intervalle, ArcelorMittal a investi 270 millions – contre 180 millions d’euros d’engagements contractuels – sur son site mosellan, où il a ancré la production du prestigieux acier pour automobile, Usibor.
Rien ne laissait présager que Florange deviendrait le plus grand conflit social français du début du XXIe siècle. Mais on oublie souvent la suite de l’histoire : Mittal a tenu ses engagements et l’usine, que l’on croit parfois fermée, emploie 2.000 salariés.
François Marzorati
Une mission « notariale »
L’ancien sous-préfet de Thionville, qui avait vu avec appréhension arriver l’heure de la retraite, s’est impliqué sans compter dans sa mission, qu’il qualifie de « notariale ».
Le septuagénaire fluet au regard vif a sillonné durant six ans la quasi-totalité des sites français d’ArcelorMittal, où il a dénombré des investissements proches du milliard d’euros. Il a pris acte des programmes de R&D qui se poursuivent à Maizières-lès-Metz, où le sidérurgiste indien détient avec ArcelorMittal Research, l’un des plus grands centres de recherche sidérurgique du monde.
Dans la vallée de la Fensch, le haut fonctionnaire accompagne les élus, les organisations syndicales, les services de l’Etat et l’industriel dans la définition d’un nouveau projet territorial.
François Marzorati a bien mené sa barque. Sérieux et à l’écoute, il a su mettre de l’huile dans les rouages et faire fonctionner le comité de suivi, une institution encore jeune qui met les élus, les syndicats et l’industriel sur un pied d’égalité. Mais l’heure de vérité approche : quid de l’avenir des hauts-fourneaux ?
Edouard Martin, ancien syndicaliste CFDT de Florange, aujourd'hui député européen
« Tout est ouvert »
A la fin décembre, ArcelorMittal annoncera son choix de les rallumer, de les reconstruire ou de les démolir.
Pour l’industriel, tout est ouvert. Du côté des élus, je n’ai entendu aucun maire réclamer le rallumage. Les questions environnementales, qui ne pesaient guère lorsque les habitants travaillaient tous dans la sidérurgie, ont pris de l’importance.
François Marzorati
Né dans la Sarthe en 1946, ce fils d’avocat lui-même diplômé de droit connaît le monde industriel depuis l’adolescence et se souvient de l’époque où les usines Renault employaient 12.500 salariés au Mans.
Dans les années 1960, il a été porte-parole du comité étudiant de cette ville, espérant alléger la chape de plomb qui pesait alors sur la jeunesse. Entré dans le corps préfectoral à 22 ans, il y a effectué l’essentiel de sa carrière, hormis dix années passées aux ministères de la Défense et de l’Intérieur. Sous-préfet en Mayenne, en Essonne et en Moselle, ce père de cinq enfants âgés de 17 à 47 ans goûte, bien sûr, la joie d’être neuf fois grand-père, mais il entend bien continuer à servir l’intérêt général.
Siècle de l’immédiateté
François Marzorati arbore sa légion d’honneur sur sa veste bleu roi, mais il porte des chaussures de marche et relègue volontiers la cravate qui l’a accompagné durant tant d’années. Depuis trois ans, il intervient en tant que volontaire de l’éducation citoyenne au lycée professionnel parisien René-Cassin, qui accueille principalement des élèves de la banlieue nord de Paris. Il y met en pratique ses principes d’ouverture.
En mars dernier, le sous-préfet honoraire a ainsi invité les lycéens à l’Assemblée nationale, où le rappeur Joey Starr interprétait de grands textes de Victor Hugo, d’Olympe de Gouges ou d’Aimé Césaire. Il espère à présent les emmener au Parlement européen.
Ces jeunes ont besoin d’échanges. Il faut leur montrer ce que sont les institutions.
François Marzorati
Celui que feu Charles Pasqua, alors ministre de l’Intérieur, qualifiait de « communard », est fier de l’engagement de l’une de ses filles, militante humanitaire investie dans la défense des migrants. Devenu lorrain de coeur, il savoure le patrimoine, la culture et la gastronomie de sa région d’adoption. En prise directe avec « ce siècle de l’immédiateté », il n’est toujours pas pressé de voir sonner l’heure de la retraite.
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