Clown nancéien et créateur du personnage « Champion », Francis Albiero assure depuis sa création la direction artistique du festival Clowns in Progress. La manifestation, qui s’ouvrira ce mercredi 10 octobre à Esch-sur-Alzette, proposera trois soirées de spectacles à la Kulturfabrik. Les clowns restent drôles, mais ils sortent de leur piste et interpellent leurs spectateurs sur la condition humaine.
Depuis 2010, Clowns in Progress a accueilli les plus grands professionnels d’Europe. Quelles sont les caractéristiques de cette huitième édition ?
Cette année, nous explorons les limites du clown. Les propositions du festival visent à le rapprocher des autres arts contemporain. Plus on cherche la limite entre les clowns et le théâtre, la poésie ou la danse, moins on la trouve.
Le festival s’ouvre à la Maison de la Transition par mon propre crash-test : mon personnage Champion présente pour la première fois un spectacle sur l’art contemporain qui ne sera prêt que dans un an ou deux. Le jeudi 10 octobre, le Concerto pour deux clowns proposé par les Rois vagabonds constituera un spectacle très poétique pour tous les publics. Vendredi, l’artiste américain Jango Edwards, qui vit aujourd’hui à Barcelone, ouvrira au public son univers punk, déjanté et sans limite. Samedi, « Ca ne s’appelle plus la princesse elle t’emmerde » compose un duo entre un clown et une danseuse. Au cours du deuxième spectacle, le cabaret Clowns feat. Cascadeur place les clowns au service de Cascadeur, puis Cascadeur au service des clowns. Dans chaque spectacle, les clowns se rapprochent des autres arts.
Le clown tient-il aujourd’hui un discours ?
Oui. Il renoue avec ses origines, quand il était proche de la quintessence de la culture. Au XXème siècle, les frères Fratellini ont travaillé avec le sculpteur Calder, avec Picasso ou encore avec Cocteau. Dans les années 50, les spectacles de variété ont corrompu cette image et ont ont conduit à une bétisation. Les clowns d’aujourd’hui reprennent la parole. Ils parlent de mort, de sexe, de racisme, de capitalisme, d’amour, de la condition humaine en général.
Contre l’illusion des écrans, ils rétablissent une connexion très concrète et ils retranscrivent une vérité. L’art des clowns est un art de résistance. On aime ou on déteste, on trouve le spectacle génial ou nul, mais il ne laisse jamais indifférent.
Clowns in Progress constitue une référence de cet art dans la Grande Région. Est-ce également le cas en matière de formation ?
Il n’y a pas d’école de clowns dans la Grande Région. Même au-delà, il existe des modules professionnels dans les écoles d’artistes, mais les clowns n’ont pas la chance d’avoir une école spécifique comme celle de Châlons-en-Champagne pour les arts du cirque ou de Charleville-Mézières pour les marionnettistes. C’est pourquoi Clowns in Progress organise une formation d’une semaine à l’intention d’un public semi-professionnel. Cette année, Michel Dallaire, l’un des plus grands pédagogues actuels de l’art clownesque, a animé une session qui a affiché complet avec 13 stagiaires.
Le public réagit-il de la même façon en fonction de son âge et de sa nationalité ?
Le festival ne s’adresse pas aux jeunes enfants, mais il est apprécié des enfants qui viennent avec leur famille, car ils se reconnaissent spontanément dans la transgression. Les spectateurs viennent essentiellement de France et du Luxembourg, et les deux publics ne réagissent pas du tout de la même manière. Ils ne rient pas des mêmes choses, ni au même endroit. Les spectacles ont lieu en anglais et en français – langue dans laquelle nous veillons à ne pas être trop bavards. Il y a également des Luxembourgeois parmi les clowns qui accueillent le public.
Depuis deux ans, Clowns in Progress se rapproche des institutions d’Esch-sur-Alzette, qui est une ville très créative. L’école internationale de Differdange – Esch-sur-Alzette a réalisé pour le festival une exposition de grande qualité. A terme, j’aimerais voir se dérouler des concerts, des bals costumés pour les personnes âgées… Rien à voir avec les clowns, mais des manifestations qui feraient du festival un lieu de rencontre et de création.
Propos recueillis par Pascale Braun
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