Le combat médiatique a payé. L’usine ArcelorMittal de Florange a perdu ses hauts-fournaux, mais devient le fer de lance de la production d’acier haut de gamme pour l’automobile et s’apprête à doubler sa production d’acier pour emballage.
Depuis un an, l’Etat et ArcelorMittal ne ménagent pas leur peine pour faire oublier la colère et les larmes des sidérurgistes de Florange. En décembre 2012, l’accord conclu entre Laskmi Mittal et Jean-Marc Ayrault avait porté à son paroxysme le désarroi de la vallée de la Fensch, où les militants syndicaux s’étaient battus durant 18 mois pour éviter la fermeture des deux derniers hauts-fourneaux. L’accord, que le leader CFDT Edouard Martin qualifiait alors de trahison, garantissait un investissement de 180 millions d’euros sur cinq ans, prévoyait 629 suppressions de poste sans licenciement ni mobilité contrainte et promettait l’ancrage de projets de recherche-développement en Lorraine.
Dès lors, ArcelorMittal et le gouvernement n’ont cessé de communiquer haut et fort sur le respect des engagements conclus. Placé sous l’autorité du Premier ministre, le comité de suivi ArcelorMittal Florange rend compte à intervalles réguliers d’incontestables avancées. Le sidérurgiste respecte, voire anticipe son programme d’investissement et présente le site mosellan comme le fer de lance de ses aciers haut de gamme pour l’automobile et l’emballage. En mai dernier, un compromis entre direction et syndicats a permis de supprimer les postes liés à la filière liquide sans conflit social. Succédant à Ulcos, projet européen de réduction des émissions de CO 2 lors de la fabrication de l’acier, le programme LIS (Low impact steelmaking) mobilise 32 millions d’euros dont 13 millions d’euros financés par ArcelorMittal. François Hollande en personne est revenu à Florange en septembre dernier pour prendre acte de ces résultats et promettre la création d’un centre de recherche public sur l’acier au cœur de la vallée de la Fensch.
Soucieux de tourner la page après deux ans de tourmente, ArcelorMittal a organisé cet automne le premier week-end portes ouvertes depuis le début des années 2 000 pour présenter aux acteurs du territoire et aux familles des 2 300 salariés le site mosellan de 550 hectares amputé de ses hauts-fourneaux, mais conforté par sa spécialisation dans les aciers haut de gamme.
Florange constitue un site reconnu pour sa compétitivité et nous voulons l’inscrire dans la durée. La réorganisation industrielle en cours ne se résume pas à des investissements. Sa réussite repose sur les performances des hommes.
Henri-Pierre Orsoni, directeur général d’ArcelorMittal Atlantique et Lorraine
Dirigeant de huit sites intégrés français, belges et luxembourgeois de la division Aciers plats du groupe, l’industriel a d’ores et déjà engagé une vingtaine de millions d’euros dans le repositionnement logistique de l’usine de Florange, désormais dépendante des hauts-fourneaux de Dunkerque pour son approvisionnement en brames (blocs) et en coils (bobines) d’acier. La simplification des flux et l’acquisition de wagons de grande capacité doit réduire de moitié le coût du coke pour l’abaisser à 16 euros par tonne d’ici à la fin de l’année. Doté d’une capacité de production annuelle de 2,8 millions de tonnes de coils, Florange se spécialise dans la production d’acier Usibor pour l’automobile et sur le packaging, acier d’emballage dont le maintien à Florange paraissait fortement compromis fin 2012.
Florange a fait l’objet d’arbitrages défavorables lors de la fermeture des hauts-fourneaux, mais a obtenu une contrepartie sur le packaging en centralisant l’amont de la production.
François Pagano, délégué CFE-CGC du site
L’usine mosellane s’apprête à doubler sa capacité pour produire dès la fin du premier trimestre 650 000 tonnes d’acier blanc, soit l’intégralité du laminage des produits d’emballage. La décision pénalise le site ArcelorMittal de Basse-Indre (Loire-Altantique), qui ne conserve que les activités de finition. A Florange, la ligne d’étamage doit bénéficier d’un investissement de 50 millions d’euros d’ici à 2017.
Produit depuis février dernier, l’acier grande largeur Usibor constitue aujourd’hui la fierté de Florange, qui devient le seul site mondial capable de fournir aux constructeurs automobiles cet acier léger et indéformable en bobines de 1 600 mm. ArcelorMittal a investi 7 millions d’euros dans la ligne de galvanisation et prévoit porter sa production de 400 000 tonnes en 2013 à 700 000 tonnes d’ici à 2016. A cette date, l’aciérie aura retrouvé le même niveau de production qu’avant la crise de 2008.
L’intense mobilisation syndicale et politique a certainement contribué à repositionner Florange dans la stratégie d’ArcelorMittal.
Nous ne pouvons pas nous estimer pleinement satisfait alors que nos hauts-fourneaux ont fermé, mais Florange reste aujourd’hui compétitif, ce qui était loin d’être acquis au début de la crise. Le packaging était sur la sellette depuis des années et les investissements nécessaires pour produire de l’Usibor en grande largeur n’étaient pas garantis.
Jacques Minet, secrétaire général de la CFDT à AreclorMittal Florange
Devenue le symbole d’un combat syndical, puis d’un bras de fer entre Etat et un groupe sidérurgique mondial, Florange a gagné en 18 mois de combat l’assurance de sa survie au moins à moyen terme, en dépit d’une fonte rapide des effectifs. D’ici à 2015, 500 salariés auront quitté l’entreprise qui n’emploie déjà plus que 2 300 personnes. Aucune embauche n’est programmée d’ici à la fin du reclassement des salariés de la filière liquide, mais les syndicats ont bon espoir de voir les recrutements reprendre dès cette année. La mobilisation a également conféré au territoire une visibilité nouvelle.
Une lutte n’est jamais vaine. Nous avons gagné la bataille médiatique en obtenant l’engagement personnel du Président de la République.
Lionel Buriello, secrétaire général de la CGT d’ArcelorMittal Florange
Présenté par Jean-Marc Ayrault en septembre dernier, le Pacte Lorraine, qui dote la région de 300 millions d’euros pour restructurer son industrie, découle sans nul doute d’un combat syndical mené avec l’énergie du désespoir.
Le chiffre
- 109 millions d’euros : C’est le cumul des investissements en cours à ArcelorMittal Florange.
François Marzorati, président du comité de suivi ArcelorMittal Florange
ArcelorMittal a-t-il respecté les engagements conclus avec l’Etat en janvier dernier ?
Le groupe s’est engagé à consacré 180 millions d’euros au site de Florange sur cinq ans. Au cours de cette première année, j’ai pris acte de 109 millions d’euros d’autorisation d’engagement, certains projets s’étalant sur deux ans. Il n’y a eu de licenciement ni sur le site de Florange, ni à Gepor, la filiale logistique d’ArcelorMittal où l’on craignait un plan social. Sur les 629 emplois supprimés suite à l’arrêt de la filière liquide, 165 personnes sont partis en retraite et 124 partiront d’ici à janvier 2015. J’ai comptabilisé 205 mutations en interne, 20 à l’externe et 75 détachements. Fin 2014, une quarantaine de personnes restent sans solution.
La mobilisation politique et sociale a-t-elle contribué à ce résultat ?
La présence soutenue des élus et des syndicats lors des comités de suivi a certainement joué un rôle. ArcelorMittal a bien compris que le respect de ses engagements seraient suivis avec la plus grande attention. Aujourd’hui, nous constatons que l’entreprise se modernise et gagne en performance et en compétitivité.
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