Un engagement sans bornes
Médecin territorial depuis une dizaine d’années à Aubervilliers, Fabienne Béjanin s’apprête à quitter la commune de Seine-Saint-Denis pour le Gabon.
C’est une grande professionnelle, aussi à l’aise dans un colloque médical de haut niveau que dans les files d’attente d’une association caritative. Des premières réflexions sur la santé mentale aux programmes d’accès aux soins des plus démunis, Fabienne aura écrit de belles pages de l’histoire de la santé publique de notre ville.
Luc Ginot
Directeur du service communal d’hygiène et de santé d’Aubervilliers, Luc Ginot ne cache pas son regret de voir partir Fabienne Béjanin. L’épidémiologiste vient d’accepter un détachement qui la ramènera dans son pays natal, le Gabon. Elle y supervisera le suivi et l’évaluation des programmes du Fonds de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, dans dix pays d’Afrique centrale.
Créativité inédite
Au cours de sa longue escale en Seine-Saint-Denis, Fabienne Béjanin a développé une créativité inédite dans la médecine territoriale. La jeune femme est partie à la rencontre des femmes maghrébines, des travailleurs chinois, des albertivillariens de tout âge et de toute nationalité. Pour chaque public, elle a élaboré des projets pragmatiques et durables, associant les compétences les plus diverses. Elle a ainsi trouvé une mutuelle acceptant de couvrir à moindre coût les familles dont les revenus excédaient de très peu le seuil de la CMU. Une réelle proximité avec les femmes maghrébines lui a permis de favoriser le dépistage du cancer du sein. Les échanges ont mis en évidence de grandes lacunes en matière de connaissances physiologiques. Fabienne Béjanin a donc créé, avec une infirmière, des modules d’information sur l’anatomie, la prévention et la contraception.
Sur les marchés, elle a mis en oeuvre, avec le centre de prévention départemental, un diagnostic santé express pour toucher une population n’accédant plus aux soins, faute de moyens ou par peur des contrôles.
En dix ans, le travail territorial a évolué vers plus de proximité, de cohérence et de concertation avec les habitants. Mais la misère n’a pas reculé et les critères d’aide, de plus en plus restrictifs, viennent empirer la situation, estime-t-elle. La naissance de mes deux petites filles m’a rendue plus sensible aux conditions de vie de certaines familles, sources de réelles inégalités de santé. Des enfants souffrent d’asthme et d’allergies liés à l’insalubrité. Une telle misère dans un pays développé me paraît intolérable.
Fabienne Béjanin
Pédagogie
Fabienne Béjanin s’est spécialisée dans l’épidémiologie au début des années 90, alors même que cette spécialité était à peine reconnue en France. En 1991, Action internationale contre la faim lui propose une première mission à Kajé-Kadji, un district du sud Soudan où la guerre a fait passer la population de 200 000 à 15 000 habitants. Arrivée sans consigne précise dans une base coupée du monde et privée d’électricité, la jeune femme s’attelle à la gestion du stock de médicaments et élabore un protocole de couverture vaccinale.
« La population était stressée, aguerrie par les privations et me demandait de faire mes preuves. Dans cet endroit perdu, je me suis sentie heureuse, utile, responsable de mes actes et galvanisée par l’ampleur de la tâche. »
Sa mission suivante la conduit au Laos, où elle mène une enquête sur la formation initiale des médecins. Elle découvre que les praticiens ont appris la médecine dans des manuels français, allemands ou russes dans lesquels les maladies tropicales n’étaient jamais évoquées. Elle élabore des formations opérationnelles, organise un congrès médical inédit et instaure la première formation à la pédagogie de la santé.
« Ce sont les voyages qui m’ont construite. J’ai d’autant plus hâte de repartir que la situation sanitaire en Afrique régresse.
BIO-EXPRESS
- 1960 : naissance à Port-Gentil (Gabon).
- 1990 : doctorat de médecine à l’hôpital Cochin de Paris.
- 1992 : formation au Center of Disease Control à Atlanta (USA).
- 1991 : mission au sud Soudan.
- 1993-1996 : missions au Laos.
- 1997 : missions au Sénégal et au Bénin.
- Nov. 1997 : médecin territorial à Aubervilliers.
- Juin 2008 : responsable du suivi et de l’évaluation des programmes du fonds de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, en Afrique centrale.
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