Conseillère régionale du Grand Est déléguée au transport transfrontalier, Evelyne Isinger a obtenu avec quelques collègues élus locaux l’ouverture d’un point de passage supplémentaire à la frontière franco-allemande en Alsace du Nord. Non sans mal, souligne-t-elle, en demandant un retour rapide à la normale.
Quelle est la situation concernant le franchissement de la frontière sur le Rhin dans le nord de l’Alsace ?
Les trois points de passage qui ont été préservés à Wissembourg, Lauterbourg le long de l’A 35 et Roppenheim, pour les seuls travailleurs frontaliers et transporteurs de marchandises, sont saturés. On relève des files d’attente de 2 heures, on a vu des frontaliers se lever à 3 heures du matin pour s’assurer d’arriver à l’heure à leur travail en Allemagne ! Un quatrième s’est rajouté depuis le 28 avril 2020, à l’intérieur de la commune de Lauterbourg. Mais il n’est pas allé de soi : c’est notre initiative citoyenne lancée avec le maire de Riedseltz René Richert, l’adjointe au maire de Seltz Mylène Heck et notre collègue allemand Matthias Ackermann maire de Birkenhördt (Rhénanie-Palatinat) qui l’a obtenue, contre le discours catégorique de l’Etat fédéral d’Allemagne qui écartait toute ouverture supplémentaire. Et encore, c’est une ouverture à certaines plages horaires de la journée, de 4 h à 9 h et de 15 h à 20 h. C’est déjà cela en plus, mais il est difficilement acceptable qu’une telle situation se prolonge.
Que préconisez-vous à court et long terme pour en sortir ?
Dans l’immédiat, il y a des solutions simples pour désengorger. Créer deux files au lieu d’une pour diviser par deux le temps d’attente. Et se contenter de contrôler l’attestation d’emploi dans le cas des travailleurs frontaliers, et ainsi cesser ce contrôle minutieux sur les pneus, l’état du véhicule, etc. digne d’un contrôle technique qui cristallise les tensions. Cette attitude tatillonne à l’excès émane de policiers sans nul doute venus de plus loin d’Allemagne, dépourvus de notre culture rhénane. C’est juste pas possible ! De telles fluidifications doivent s’opérer prioritairement à Roppenheim qui constitue le point dur, alors qu’à Wissembourg l’absence de passage des poids lourds dé-sature quelque peu. Nous envoyons encore ces jours-ci à l’Etat fédéral un courrier pour demander d’assouplir encore. Mais je n’ai pas l’impression que le déconfinement en Allemagne au 4 mai sera synonyme de fin des contrôles. Ce n’est bien sûr pas tenable à long terme, il faut revenir au plus vite à la situation précédente, et normale, celle de la liberté de circulation.
Quelles sont les remontées de problèmes que vous recevez des travailleurs frontaliers ?
Elles confirment ce que se dit et s’écrit par ailleurs. Le début de la crise sanitaire a été douloureux pour eux du fait de la réaction des employeurs au classement par l’institut Robert-Koch du Grand Est comme zone à risques : demande de rentrer chez eux sans délai après le travail, interdiction de faire ses courses pendant la pause, mise spécifique des Français au chômage partiel. Les situations se régularisent petit à petit, sans que tout soit résorbé, et la cicatrisation sera longue. La crise sanitaire a confirmé la très faible culture du télétravail chez les employeurs allemands… sachant que les employeurs français ne se montrent pas particulièrement plus ouverts, de mon point de vue.
Votre groupe d’élus a lancé un manifeste pour préserver la coopération transfrontalière. Que dit-il et où en est sa diffusion ?
Nous y rappelons notre incompréhension face à la fermeture des frontières et le caractère unilatéral et brutal de la décision allemande. Nous y exposons les demandes de réouvertures supplémentaires et d’assouplissements que je viens d’indiquer. Nous rappelons que le dialogue doit constituer le réflexe salutaire pour prévenir… et réparer les tensions apparues. Le manifeste a été lancé le 6 avril 2020 à destination des élus locaux des cinq intercommunalités d’Alsace du Nord et des territoires allemands voisins (*). Il a recueilli jusqu’à présent 300 signatures, c’est un succès.
Propos recueillis par Mathieu Noyer
Quinze parlementaires alsaciens et lorrains ont ont également lancé un appel relayant celui de députés du Bundesland pour demander la réouverture des frontières entre la France et l’Allemagne.
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