En 2010, la création d’un Eurodistrict a impulsé un nouveau souffle à la coopération entre la Sarre et l’Est mosellan. Les limites de compétences institutionnelles et le manque de moyens financiers ont freiné l’essor de SaarMoselle, mais ses membres gardent l’espoir tenace de reconstruire un territoire prospère et harmonisé.
La création, en mai 2010, de l’Eurodistrict SaarMoselle découle de l’histoire singulière d’un espace transfrontalier déchiré par les guerres, mais uni par une histoire industrielle et culturelle commune. La réconciliation entre les habitants de l’Est mosellan et ses voisins sarrois ne s’est amorcée que dans les années 50 grâce à la solidarité du monde des mineurs et aux aspirations pacifistes nées de l’Europe, puis à la faveur de coopérations techniques entre communes immédiatement limitrophes. De part et d’autre de la frontière, élus et fonctionnaires territoriaux ont progressivement réappris à se connaître et à se faire confiance. Dans les années 1990, le déclin des industries charbonnière et sidérurgique a contribué à rapprocher un territoire confronté aux mêmes difficultés sociales, économiques et environnementales de l’après-mines.
Des fonctionnaires précurseurs
En 1997, l’association Zukunft Saar Moselle Avenir, constituée d’une soixantaine de fonctionnaires territoriaux sarrois et est-mosellans, a posé les jalons de la métropole européenne SaarMoselle entérinée en 2005, avant de se muer en Groupement européen de coopération transfrontalière (GECT). Regroupant 62 délégués, l’Eurodistrict SaarMoselle englobe les 350 000 habitants de la communauté urbaine de Sarrebruck et les 250 00 habitants de sept intercommunalités est-mosellanes.
En 2010, le passage de l’association à l’Eurodistrict, qui concrétisait 15 ans de coopération, a été perçu comme u bond en avant et comme une grande réussite. Cette perception était juste : SaarMoselle a remporté de nombreux succès, même si beaucoup de chemin reste à parcourir.
Peter Gillo, directeur de la communauté urbaine de Sarrebruck et président depuis 2014 de SaarMoselle
Présidé alternativement par des partenaires français et allemands, l’Eurodistrict s’appuie depuis sa création sur une étude de préfiguration ambitieuse conduite par le cabinet allemand Urbanis sous maîtrise d’ouvrage de l’Etablissement public foncier de Lorraine. Ce travail a abouti au« Leitbild », à la fois feuille de route et vision d’avenir. Ce document fondateur imagine à l’horizon 2025 une métropole biculturelle ressoudée autour de grand projets. Il comporte entre autres un site culturel phare sur le modèle du musée Guggenheim de Bilbao, une ligne de tram-train transfrontalière et un parc naturel commun. L’ancien bassin houiller y revendique son savoir-faire énergétique qu’il compte mettre au service d’énergies nouvelles. L’Eurodistrict se veut également le creuset du bilinguisme franco-allemand et de la recherche/développement.
Mais les réalités administratives et financières n’ont pas tardé à rattraper ce rêve. Dès 2008, la Sarre s’est trouvée confrontée à des contraintes budgétaires d’une rigueur encore inédite en France. Le rêve de Bilbao a fait long feu et le parc naturel est resté dans les limbes. A Sarrebruck, le projet urbain « Stadtmitte am Fluss », qui devait transfigurer la capitale métropolitaine et déboucher sur un boulevard urbain transfrontalier, n’a pu progresser que par bribes. Pire, le tram-train Forbach-Sarrebruck, projet le plus fédérateur et le plus populaire de l’Eurodistrict, a achoppé sur les contraintes financières du Land de Sarre, qui s’est retiré en 2013 des études de préfiguration.
Après cette douche froide, les partenaires de l’Eurodistrict ont vaillamment poursuivi le combat. De nouvelles études financées par les partenaires mosellans et les fonds européens doivent permettre de relancer dès cet automne le débat sur des alternatives au tram-train, dont un bus à haut niveau de service. Les transports publics, qui ne représentent qu’un millième des 110 000 déplacements transfrontaliers quotidiens, ont quelque peu progressé grâce au succès de la ligne de bus Saint-Avold-Sarrebruck et du tram Sarreguemines-Sarrebruck en service depuis quinze ans.
Lors de sa création, certains craignaient que l’Eurodistrict ne soit une coquille vide. Pour éviter cet écueil, nous avons très vite développé une approche pragmatique en choisissant de réaliser ce que nous pouvions faire par nos propres moyens.
Isabelle Prianon, directrice de l’Eurodistrict depuis sa création
Dans la continuité de son prédécesseur associatif, SaarMoselle a poursuivi ou lancé une dizaine de projets touristiques dont des randonnées cyclistes et pédestres très populaires dans la forêt du Warndt. Il a édifié une tarification commune des musées et assuré la promotion des grands sites patrimoniaux de part et d’autre de la frontière. En matière d’attractivité économique, le marketing territorial commun figurant dans le Leitbild s’est traduit par la publication de plaquettes touristiques, la cartographie des zones industrielles et la création d’un site internet.
Limites de compétences
L’Eurodistrict compte également à son actif la maîtrise d’œuvre du projet européen « la Bande bleue, Das Blaue Band » (voir encadré), qui positionne la Sarre comme trait d’union du territoire. Sur le plan sanitaire, la structure s’est impliquée dans un projet pilote qui associe les hôpitaux de Forbach et de Volklingen dans le traitement des maladies cardiaques.
Doté d’un budget de fonctionnement de 1,5 million d’euros, SaarMoselle emploie une équipe franco-allemande de six personnes – ingénieurs, interprètes ou spécialistes du marketing territorial. Bien placé parmi les projets du contrat de plan Etat-région et assuré de pouvoir mobiliser des prochains fonds européens Interreg, SaarMoselle finalise son programme d’action 2015/2020 et travaille en priorité sur 14 initiatives , qui ne sont pas encore actées. Plus qu’aux contraintes budgétaires, la structure se heurte à des problèmes de limites de compétences.
Le GETC a été castré dès le départ, car il est privé des moyens d’une intercommunalité française. Il ne peut pas décider de dépenses communes, puisqu’il ne peut pas souscrire d’emprunt. Toute initiative locale est plombée et les gros dossiers sont freinés au lieu d’être accélérés.
Charles Stirnweiss, ancien maire de Forbach et cheville ouvrière de l’Eurodistrict
Les intercommunalités lorraines et la communauté urbaine e Sarrebruck se sont trouvés confrontées à de redoutables casse-tête juridiques en matière de transports transfrontaliers – qui relèvent en France, des transports internationaux -, d’enseignement ou de d’aménagement du territoire. Les partenaires mosellans – et quelque fois sarrois – ont dû admettre l’impossibilité certaines initiatives pour des raisons juridiques. Outil de coopération apprécié, l’Eurodistrict ne pourra orchestrer de grands projets qu’au terme d’un élargissement de ses compétences – un thème que la réforme territoriale française n’a même pas abordé.
Pascale Braun
Atouts : L’Eurodistrict a permis d’intensifier la coopération transfrontalière.
Limite : Les grands projets structurants achoppent sur la faiblesse des moyens financiers des partenaires sarrois et mosellans et sur la rigidité de l’Etat français en matière de transferts de compétences.
Chiffre : 80 centimes d’euros par habitant constituent l’unique source de financement en propre de l’Eurodistrict. Cette ressource ne constitue qu’un tiers du budget de fonctionnement de l’Eurodistrict, qui se monte à 1,5 million d’euros par an. Le solde est couvert à parts quasi-égales par les crédits européens et les sommes allouées au titre du contrat de plan Etat-Région, auxquelles s’ajoutent des soutiens ponctuels de partenaires sarrois et du Bund allemand.
Plus bleue, la Sarre
L’Eurodistrict SaarMoselle a finalisé en juin dernier le programme européen la Bande Bleue/das Blaue Band, qui a permis la mise en valeur de 26 sites au long de la Sarre. Financé pour moitié par les fonds Interreg IV A, le programme d’un montant de 5,6 millions d’euros a permis de créer ou d’embellir des pistes cyclables, des haltes fluviales ou des ports de plaisance de Sarralbe (Moselle) à Volklingen (Sarre). Le cadrage strict des fonds Interreg a évité les dissensions entre les communes et le programme s’est déroulé dans une grande sérénité. Mis en ligne sur le site de SaarMoselle, un aperçu dynamique présente paysages les plus emblématiques des bords de Sarre. Les communes partenaires du projet ont d’ores et déjà utilisé ces images sur leur propre site pour faire miroiter la beauté et la diversité de la vallée sarroise.
Superficie : 1 460 km 2 répartis entre la communauté urbaine de Sarrebruck et 7 intercommunalités de l’ancien bassin houiller de l’Est mosellan.
Objectif : Renforcer la coopération transfrontalière pour améliorer la qualité de vie et l’attractivité du territoire.
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