En 2013, l’ex-parc des Schtroumpfs de Maizières-lès-Metz, aujourd’hui Walygator, est en plein naufrage. Par goût du défi, Eric Lucas redresse la barre du parc d’attractions, emblème de la reconversion post-sidérurgique de la Moselle.
J’ai horreur des manèges.
L'assureur messin Eric Lucas
Le svelte quinquagénaire toujours bronzé aura pourtant vécu bien des sensations fortes en reprenant, au printemps 2013, la barre d’un parc de loisirs en perdition. A cette date, l’ ex-Big Bang Schtroumpf de Maizières-lès Metz , rebaptisé « Walibi », puis Walygator, avait une nouvelle fois fait naufrage. Les fonds que sa principale actionnaire, Jacqueline Lejeune, avait confiés aux frères Le Douarin pour remettre à flot l’immense paquebot de 162 hectares étaient engloutis. La liquidation paraissait inéluctable.
Je connaissais Jacqueline Lejeune, l’ancienne patronne d’Olitec, depuis le début de ma carrière d’assureur. Lorsqu’elle m’a demandé de l’aide pour monter un dossier de reprise, j’ai accepté à condition d’être certain que tout était perdu pour les frères Le Douarin, que j’assurais également, et qu’il n’y avait pas d’autre option pour sauver le parc.
Eric Lucas
C’est donc par sympathie pour des personnages hauts en couleur, autant que par goût du challenge, que l’habitué du Marathon des Sables s’est lancé dans l’aventure de Walygator.
Somme considérable
Décédée en avril 2018, Jacqueline Lejeune a défrayé la chronique nancéienne des années 1990 par son courage et par ses succès, puis par ses infortunes. Startupper avant l’heure, son fils a seize ans lorsqu’il fonde Olitec, le pionnier français des modems . Quatre ans plus tard, en 1988, il meurt dans un accident d’avion. Sa mère reprend l’entreprise et la propulse parmi les leaders français de l’informatique avant que des tourmentes judiciaires – dont l’une lui vaudra un mois de prison préventive – ne la mette à mal.
Au milieu des années 2000, la route de Jacqueline Lejeune croise celle des frères Le Douarin, deux forains alsaciens qui tentent un tour de force : implantés dans le parc Walygator, ils veulent reprendre leur outil de travail qu’ils voient partir à la dérive. Ils ont du bagout et connaissent leur métier. La patronne au grand coeur leur fait confiance et leur prête des fonds, dont le montant n’a jamais filtré.
Mirage initial
Devenus gérant en 2006, les Le Douarin redressent la barre. En 2008, ils atteignent une fréquentation de plus de 400.000 visiteurs – un succès que le parc des Schtroumpfs n’avait jamais connu. Au tournant des années 1990, les pouvoirs publics ont pourtant englouti près de un milliard de francs pour ériger le parc d’attractions en emblème de la reconversion post-sidérurgique. Lassés d’écoper les pertes, ils ont ensuite cédé le site à deux fonds de pension successifs, qui se sont montrés peu soucieux de développement local : les effectifs du parc sont passés de 700 à 50 personnes.
Les frères Le Douarin ont-ils voulu concrétiser le mirage initial ? En 2009, ils annoncent un projet pharaonique, Walywood, qui doit mobiliser 140 millions d’euros et créer 640 emplois. Les collectivités locales promettent leur appui, mais les banques ne suivent pas. Début 2012, le parc croule sous « une dette à 8 chiffres », élude Eric Lucas. Il dépose néanmoins une offre de reprise que le tribunal de grande instance de Metz validera le 6 mars 2013.
30 ans d’existence
L’assureur a placé à la barre Jacqueline Lejeune, flanquée de deux professionnels des loisirs et de la restauration. Il s’attache d’abord à ramener le calme.
Ne connaissant rien au monde de l’attraction, j’ai considéré le parc comme une entreprise classique avec des clients, des salariés, des fournisseurs et des banques, et j’ai mis en oeuvre une gestion basique. Bien sûr, j’ai vu les ’emmerdes’ voler en escadrilles, mais j’ai eu la satisfaction personnelle de voir la situation se redresser.
Eric Lucas
Sitôt la tempête apaisée, l’assureur se retire. Jacqueline Lejeune reste à la tête de Walygator jusqu’en 2016, puis revend l’entreprise à Aspro Parks. Depuis, le groupe espagnol n’a cessé d’investir dans le parc mosellan, qui fête cette année ses 30 ans d’existence. 280.000 visiteurs ont afflué l’an dernier (+20 % en trois ans) et un espace dédié à Peter Pan est en projet. De son côté, Eric Lucas s’est lancé un nouveau défi : celui de redresser un autre emblème local, le tournoi de tennis Moselle Open.
Dates clefs
1967 : naissance en banlieue parisienne d’un père ouvrier et d’une mère employée.
1992 : engagé à Metz par le groupe d’assurances La Concorde
1998 : reprend deux cabinets d’assurance à Metz et à Saint-Avold.
2013: reprend le parc d’attractions Waligator, puis s’en retire.
2014 : crée Partena Assurances, qui emploie 8 salariés.
2017 : reprend le tournoi de tennis Moselle Open, qui devait quitter Metz pour Taïwan. Il a redressé la structure, qu’il continue à diriger.
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