Collectivités, entreprises et habitants s’impliquent dans le développement de la filière éolienne. Exemples dans le Lunévillois et dans le Sud meusien.
Anticipant les zones de développement éolien (ZDE), prévues par la loi cadre du 13 juillet 2005 sur l’énergie (1)
Cette étude aidera à définir les ZDE. Mais elle ne porte que sur l’aspect paysager, qui n’est pas le seul critère d’implantation d’un parc éolien. Elle constitue un outil d’aide à la décision pour les collectivités locales et un guide de préconisation pour les investisseurs potentiels. La Meuse, la Meurthe-et-Moselle et les Vosges se doteront d’outils analogues, d’ici à la fin de cette année.
Paul Michelet, responsable de la direction régionale de l'environnement (Diren)
Premier « cluster » éolien. Les 280 éoliennes qui devraient, à terme, poindre en Lorraine intéressent les PME régionales. La Bourse de sous-traitance de l’Est (BSTE) initie, en 2004, une démarche visant à présenter aux constructeurs, majoritairement allemands, espagnols et danois, leur savoir-faire, en matière de plasturgie, de chaudronnerie et de mécanique.
L’initiative est soutenue par la direction régionale de la recherche, de l’industrie et de l’environnement, qui a apporté 118 000 euros. Puis par le conseil régional de Lorraine, la communauté urbaine du grand Nancy (CUGN) et le conseil général de Meurthe-et-Moselle, qui se sont associés à l’opération à hauteur de 64 000 euros. Aujourd’hui, une vingtaine de PME, dont certaines travaillent déjà pour des constructeurs, ont fondé le premier « cluster » éolien de France.
Le Haut des ailes
La prochaine étape consiste à recruter un agent commercial pour valoriser l’offre des sous-traitants lorrains auprès des donneurs d’ordres étrangers.
Nous comptons créer un comité de pilotage qui regrouperait les acteurs publics et privés de la filière éolienne lorraine. Le projet du Haut des ailes démontre qu’un parc important peut être implanté, sans rencontrer de résistance et entraîner des retombées positives pour les collectivités.
Bernard Heitz, directeur de la BSTE
« Le partage du paysage entraîne le partage de la richesse »
Tel est le credo de François Pélissier, adjoint au maire de Nancy, vice-président de la CUGN et fondateur d’Erelia (Energies renouvelables, environnement, innovation et avenir). Cette société par actions simplifiées a inauguré, le 24 septembre, le plus grand projet éolien privé de France à Igney (Meurthe-et-Moselle). Le parc du Haut des ailes, d’une capacité de 32 mégawatts, a investi 35 millions d’euros (2)
L’entreprise envisage de porter sa capacité globale à 100 mégawatts. Elle limite ses études aux projets intégrant le souci d’aménagement du territoire, le développement économique et le financement populaire.
Nous aurions facilement pu mobiliser de 150 à 200 actionnaires, si la loi ne contrariait pas, de manière scandaleuse, les projets de développement local !
François Pelissier, qui milite pour la création d'outils de financement populaires inspirés des modèles allemands ou danois.
La société a veillé à ne pas franchir le cap des 100 actionnaires, pour ne pas devoir organiser la procédure « lourde, longue et coûteuse », selon ses propres termes, de l’appel public à l’épargne.
Dans la Meuse, au bout de la départementale qui sillonne champs et hameaux, surgit la pale d’une éolienne. Son mât dépasse à peine de derrière la colline. Alors qu’elle disparaît tel un mirage, se profile une deuxième machine… Douze éoliennes jouent à cache-cache avec le paysage. Cette parfaite intégration à ce territoire de 6 380 hectares pour quelque 500 habitants explique, en partie, la rapidité et la facilité avec lesquelles a été monté le projet.
Tout commence en janvier 2003, lorsque l’entreprise lyonnaise Maïa Saunier contacte la commune de Reffroy (58 hab., 960 ha, 295 mètres d’altitude) pour l’informer de son projet d’implantation d’une ferme éolienne dans le département.
J’avais alors le choix entre une politique individualiste et celle du regroupement.
Francis Leclerc, maire de Reffroy
L’élu décide de contacter ses voisins et, en mars 2003, six communes s’accordent sur un projet éolien.
Cette mise en commun permettait d’assurer l’essor de cette filière énergétique et d’éviter une multiplication de projets qui aurait nui à une insertion territoriale.
Francis Leclerc
Filière électro-éolienne. Elaborée en 2003, et signée le 21 mars 2005, au début des travaux, « l’entente intercommunale pour le développement de la filière électro-éolienne » s’inscrit dans ce sens de la logique territoriale, plus particulièrement d’une cohésion fiscale. Les modalités de répartition de la TP prévoient que les trois communes où sont implantées les éoliennes conservent 20 % du produit fiscal global, tandis que les 80 % restants sont répartis en six parts égales entre les six communes signataires.
C’est sur cette base que, depuis l’automne, tournent les pales des deux fermes éoliennes de six machines chacune, sur les deux sites mitoyens. Avec leurs 12 MW de puissance, elles sont capables d’alimenter quelque 24 000 foyers, environ 55 000 personnes (hors chauffage). Ici, peut-être plus qu’ailleurs, élus et habitants ont parfaitement accepté le projet. Avaient-ils à l’esprit la présence du laboratoire souterrain de recherche sur la gestion des déchets radioactifs de Bure, distant d’une vingtaine de kilomètres ?
« Développer le tourisme autour de l’énergie éolienne »
En juin 2005, la société Erelia a créé, avec la communauté de communes du pays de la Vezouze, une association pour la promotion des énergies renouvelables. Celle-ci pilote une action de sensibi-lisation touristique et pédagogique intitulée “ La route des énergies renouvelables”, qui passe par trois sites, dont le parc du Haut des ailes. Elle concerne également une installation de méthanisation dans une exploitation agricole de Mignéville, ainsi qu’une chaufferie bois associée à des panneaux solaires d’une ferme auberge de Reillon. En six mois, nous avons accueilli un millier de visiteurs. La moitié était des élèves. Nous souhaitons étendre cette “route des énergies renouvelables” à d’autres installations, notamment chez des particuliers. Un projet de chauffage par géothermie pourrait également être concrétisé et s’inscrire dans le parcours qui s’étend dans un rayon de treize kilomètres autour de Blâmont.
Vincent Foinant, animateur, « La Route des énergies renouvelables »
Des riverains-actionnaires
Regroupés au sein de la société Le Haut des Ailes, 99 souscripteurs privés, résidant tous dans un rayon de 30 kilomètres autour du parc, ont acquis une ou plusieurs actions de 1 000 euros chacune. Soumise à l’approbation du président, la souscription n’était pas plafonnée, mais aucune participation n’a dépassé 80 actions. Sans aucune publicité, Erelia a réuni les fonds en quatre mois et assure avoir dû refuser des offres. Les souscripteurs escomptent une rentabilité annuelle de 7 %. Leurs actions sont inaliénables durant cinq ans, sauf agrément du président.
(1) Loi cadre n° 2005-781 du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique.(2) Financé à hauteur de 31 millions d’euros par recours à l’emprunt ; 3 millions apportés par Repower, constructeur des 16 éoliennes, et par le Fonds d’investissements de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.
Avec l’aimable autorisation de Sandra Heiss
--Télécharger l'article en PDF --