En Allemagne, les promesses de la coalition dite « en feu tricolore » se traduira par une augmentation des revenus des « minijobbers », mais aussi par le relèvement du plafond d’heures autorisées. Les minijobs, qui font l’objet de controverses depuis leur création voici presque dix ans, se trouvent ainsi confortés, voire étendus.
Dans un projet de loi présenté en février dernier, mais pas encore voté, la nouvelle coalition gouvernementale, qui regroupe les sociaux-démocrates de la SPD, les libéraux de la FDP et l’Alliance 90/les Verts, prévoit une augmentation du salaire minimum en deux temps. Le taux horaire passera de 9.82 euros actuellement à 10,45 euros au premier juillet prochain, puis à 12 euros de l’heure en octobre, portant le salaire des minijobbers de 450 à 520 euros par mois. Ces petits boulots censés être occasionnels ou constituer un supplément de revenu pour les étudiants, étant exonérés de charges sociales, les minijobbers perçoivent un salaire net correspondant au salaire brut. Leurs employeurs s’acquittent quant à eux d’une cotisation forfaitaire de 35% (28% pour les aides ménagères) à la centrale des mini-jobs.
Une protection sociale minimaliste
Les syndicats pointent unanimement les failles des minijobs en termes de protection sociale et demandent une obligation d’assurance sociale dès le premier euro.
Les minijobbers n’ont pas droit au chômage partiel et sont licenciés plus rapidement, comme on a pu le constater lors de la pandémie de Covid. Lorsqu’ils perdent leur emploi, ils n’ont pas droit aux allocations chômage. En outre, ils ne sont pas automatiquement assurés contre la maladie en tant que salariés, et ne perçoivent donc pas d’indemnités en cas de maladie de longue durée.
Cousins des minijobs, les « midijobs » verront le plafond de la « zone mobile » passer de 1.300 à 1.600 euros par mois. Ces emplois à temps partiel sont soumis à certaines règles d’imposition et de cotisations sociales, mais ne répondent pas à l’ensemble des obligations et protections sociales du droit allemand. Les employeurs pourront donc augmenter le volume d’heures de travail dans le cadre des minijobs avant de basculer vers le régime des midijobs.
Une demande à la hausse
Selon le nouveau gouvernement, la réforme envisagée constitue une amélioration pour les travailleurs tout en allégeant les charges sur les bas salaires. Les syndicats y voient quant à eux une extension du travail précaire, d’autant que la pénurie de main d’œuvre récurrente en Allemagne augmente la demande.
Selon les derniers chiffres du Bundesagentur für Arbeit, équivalent de Pôle emploi, l’Allemagne comptait 7,4 millions de minijobbers en juin 2021. Le secteur de la restauration emploie 34 % de ces salariés, contre 23 % pour le commerce de détail. Dans ces deux secteurs, près des trois quarts des entreprises compte au moins un minijob. A contrario, seule 5 % des entreprises comptant plus de 100 salariés font appel à ces contrats. Bundesagentur für Arbeit estime par ailleurs que les minijobs ont pris la place d’emplois classiques. Un tiers des minijobbers exercent un autre emploi en parallèle, ou cumulent plusieurs minijobs. Les étrangers occupent 14 % de ces postes, et même 25 % des minijobs proposés par des particuliers. L’arrivée massive de réfugiés ukrainiens en Allemagne pourrait encore accentuer cette tendance, car le gouvernement fédéral leur délivre sans formalité des attestations leur permettant d’exercer un mini-job.
Minijobers frontaliers
En France, les minijobs n’existent pas, mais l’Observatoire Interrégional du Marché de l’Emploi (OIE) dénombre environ 2.000 Français exerçant ce type de contrats en Sarre.
Il s’agit majoritairement de femmes qui partent travailler de 4 heures à 6 heures du matin pour approvisionner les rayons des grandes surfaces de Sarre. Durant la crise sanitaire, elles ont dû rester chez elles sans salaire. Les minijobs sont présentés comme une passerelle vers des emplois stables, mais nous les voyons surtout comme la destruction des droits acquis.
Arsène Schmitt, président du comité de défense des travailleurs frontaliers de la Moselle
Lorsqu’ils détiennent l’attestation de détachement A1, qui concerne les salariés en détachement pour moins de 24 mois, les travailleurs indépendants et les salariés travaillant de manière alternée dans plusieurs pays de l’Union, les frontaliers français bénéficient du système de sécurité sociale français. A défaut, c’est à la protection sociale allemande de prendre le relais.
Annalina Ebert – Pascale Braun
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