Pourquoi
Après la fermeture de la dernière mine de charbon en 2004, l’ancien bassin houiller de l’Est mosellan a vu dans la méthanisation des déchets le moyen de demeurer une région productrice d’énergie.
Pour qui
La collecte des déchets méthanisables s’étend sur un bassin de 385 000 habitants répartis sur 14 intercommunalités mosellanes et alsaciennes. Les échanges englobent également la Sarre.
Comment
Le Sydeme (Syndicat mixte de transport et de traitement des déchets ménagers de Moselle-Est) développe ou acquiert des brevets pour développer une économie locale basée sur la méthanisation.
Avantage
Produit de l’énergie, crée des emplois, diminue le volume et les coûts d’enfouissement, fédère le territoire et renforce les liens transfrontaliers.
Inconvénients
Des difficultés financières liées au démarrage de l’exploitation ont nécessité la mise en place d’un plan d’apurement validé par la Cour des comptes.
Est mosellan, 385 000 habitants.
En juin 2016, le Syndicat mixte de transport et de traitement des déchets ménagers de Moselle-Est (Sydeme) a présenté au salon professionnel Expo biogaz de Strasbourg un modèle de méthanisation territoriale particulièrement abouti.
La structure, qui avait patiemment élargi son bassin de collecte depuis sa création en 1998, a lancé en 2005 une consultation pour un centre de méthanisation. A cette date, les principes du « modèle de Forbach » étaient déjà fixés : un système de tri des déchets fermentescibles effectué depuis la cuisine des habitants devait garantir un gisement pérenne de 45 000 tonnes – dont 15 000 en provenance de la Sarre voisine – grâce à la distribution de poubelles et de sacs adaptés et à la réorganisation des circuits de ramassage. L’énergie produite devait être valorisée sous forme d’électricité, de chaleur et de carburant.
Mise en service en septembre 2011 au terme d’un investissement de 38 millions d’euros, l’usine de méthanisation Méthavalor de Morsbach répond à tous ces objectifs. Elle produit chaque année 5,5 millions de Normaux Mètres cubes (NM3) de biogaz, 10 000 tonnes de compost, 12 000 m3 d’engrais liquide et 800 tonnes d’engrais solide. Couplée à l’usine, une station de cogénération produit annuellement 10 900 MW/h d’électricité et 12 400 MWth. Le gaz fournit de surcroît 4 000 MW/h par an injectés depuis 2013 dans le réseau de GrDF. Plus de la moitié de cette manne est utilisée comme combustible pour ravitailler la flotte d’engins du Sydème et le réseau de bus GNV de la communauté d’agglomération de Forbach.
Le modèle a peu à peu débordé du cadre initialement délimité par la gestion des déchets ménagers pour s’élargir à une dimension plus industrielle. Pour parfaire la qualité des sacs et développer l’emploi local, le Sydème a mis en service en mars 2014 une usine de confection de sacs de tri à Behren-les-Forbach. Fonctionnant en régie, ce site, qui a mobilisé un investissement de 4,2 millions d’euros, a créé 12 emplois et produit 48 millions de sacs multiflux par an.
Le Sydème a également étendu son savoir-faire à la méthanisation par voie sèche en inaugurant en février 2016 une unité de méthanisation de déchets verts à Sarreguemines. L’investissement de 3 millions d’euros a été cofinancé pour moitié par les fonds européens grâce au caractère transfrontalier de la collecte, qui intègre 5 000 tonnes de résidus végétaux sarrois. Méthavos 1 produit annuellement 2 millions de mètres cubes de gaz purifié sur place par Air liquide, puis réinjecté dans le réseau de GrDF. Détenue pour moitié par un entrepreneur de travaux publics local, la SAS Méthavos considère cette première installation comme la vitrine d’un concept de méthanisation clé en mains comprenant des modules compacts, un process simple et un système breveté d’agitation de la matière première. Le Sydème détient également 60 % de la SAS Spiral Trans, détentrice de brevet portant sur les équipements périphériques Méthavalor.
Ces procédés ont déjà été mis en œuvre dans une collectivité suédoise. Les technologies que nous avons développées ont généré une recette de 250 000 euros et représentent un fort potentiel à moyen terme.
Serge Winkelmuller, directeur du Sydème
Ces succès – et la notoriété nationale, voire internationale, qui en ont découlé – ont fédéré le territoire, avant qu’une sérieuse déconvenue financière ne vienne ternir le tableau. Le Sydème a achevé l’année 2014 sur une perte de 12 millions d’euros. Le syndicat impute ce déficit aux frais d’amorçage de la collecte, qui ont atteint 3,7 millions d’euros sur six ans pour équiper 180 000 foyers de sacs verts, orange et bleus, à un coût de communication évalué à 3 millions d’euros pour accompagner la mise en place de la collecte multiflux et à 6,3 millions d’euros de prestations non facturées à ses membres, le manque à gagner des 3 premières années étant considéré comme un co-investissement. Dans son avis budgétaire en date du 29 septembre 2015, Cour des comptes a validé la proposition d’inscrire cette somme au titre recette exceptionnelle, annulant de fait cette partie des pertes. Le solde sera compensé par une hausse de 5 % des prestations de transport et de traitement sur 3 ans et par une baisse de 8 % des frais de fonctionnement. Ces mesures doivent permettre un retour à l’équilibre d’ici à 2017.
L’expert
« Une reconnaissance et une responsabilité »
Le modèle de Forbach fait référence à plusieurs titres dans l’univers de la méthanisation, d’abord par l’idée même de capitaliser sur l’histoire du territoire. Charles Stirnweiss, l’ancien maire de Forbach, estimait que si l’époque du charbon était révolue, celle de l’énergie ne l’était pas. Cette approche est à la fois singulière et unique. Les moyens techniques mis en œuvre pour maîtriser la collecte sont également remarquables, d’autant qu’ils incluent l’habitat collectif et périurbain. Cette démarche pionnière a valu au Sydeme la visite d’un grand nombre de délégations venues du monde entier. Cette forme de tourisme économique constitue à la fois une reconnaissance et une responsabilité. L’expérience comporte une part d’aléas, mais le territoire sera forcément récompensé pour sa vision et son antériorité.
Grégory Lannou, directeur du cluster Biogaz Vallée
Le chiffre
200 emplois ont été créés par le Sydeme et ses régies depuis 1998. Outre le personnel affecté à la collecte, l’usine Méthavalor et l’usine de sacs poubelles emploie 12 personnes chacune. Le tri mobilise 20 personnes par l’intermédiaire d’une entreprise d’insertion. Méthavos 1 représente 1,5 poste.
Projets
Le Sydème envisage une extension de son usine Méthavalor, qui tourne à plein régime, prévoit le lancement de cultures énergétiques de type miscanthus et mise sur la duplication de ses méthodes de méthanisation par voie liquide et sèche.
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