Le Club des affaires Saar-Lorraine a organisé fin mai à Sarrebruck une conférence sur les perspectives qu’ouvrent à la Sarre et à la Grande Région la nouvelle organisation territoriale française. Le témoignage alsacien et l’exemple de la région métropolitaine trinationale du Rhin Supérieur illustrent les fragilités et les ambitions des futures coopérations transfrontalières.
De la Lorraine à l’Alca, quelle chance constitue la réforme territoriale française pour notre Grande Région ? Posée ce mercredi 27 mai à Sarrebruck devant une quarantaine d’invités à la chambre de commerce et d’industrie (IHK) de Sarre, la question a donné lieu à deux propositions de réponses formulées par Patrick Schalck, directeur régional de la coopération transfrontalière et des affaires européennes à la CCI d’Alsace et par René Meier, coordinateur du pilier Economie de la région métropolitaine trinationale du Rhin Supérieur.
Adversaire revendiqué de la réforme territoriale, Patrick Schalk a dressé un historique sans concession du processus qui a conduit à la constitution de l’Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne. Les hypothèses initiales d’une région Alsace-Moselle, d’une Alsace-Franche-Comté ou d’une Alsace-Lorraine ont finalement abouti à une région Alca plus grande que la Belgique où 400 kilomètres séparent Strasbourg de Châlons-en-Champagne. L’orateur pointe la faible croissance de cette région dotée de 149 milliards d’euros de PIB, mais d’une croissance de 0 ,8 %, soit la moitié de celle d’Auvergne Rhône-Alpes, et déplore l’absence de toute autonomie fiscale régionale. L’identité alsacienne lui semble avoir été bafouée tant lors de la fusion ratée du Haut-Rhin et du Bas-Rhin en 2013 qu’à l’occasion de la réforme des régions.
Lors du référendum de 2013, il n’a été question que des économies que la fusion devait générer. La place de l’Alsace dans l’espace du Rhin supérieur a été totalement occultée. Aujourd’hui encore, il existe une contradiction entre la vision jacobine qui instaure une politique horizontale et la réalité des sillons mosellan et rhénan, qui est verticale.
Patrick Schalck, directeur régional de la coopération transfrontalière et des affaires européennes à la CCI d'Alsace
Le Rhin supérieur se veut modèle européen
L’exemple de la région métropolitaine trinationale du Rhin Supérieur, qui a défini une stratégie commune dans un territoire regroupant l’Allemagne, la France et la Suisse, pourrait inciter à plus d’optimisme.
Cet espace de 6 millions d’habitants, dont 93 000 frontaliers, s’appuie sur une gouvernance constituée d’une Commission intergouvernementale franco-germano-suisse, de la Conférence du Rhin supérieur, d’une assemblée plénière et d’un secrétariat commun.
L’espace du Rhin supérieur peut être considéré comme modèle pour une région métropolitaine en Europe, notamment en matière de sciences et d‘innovation.
René Meier, coordinateur du pilier Economie de la région métropolitaine trinationale du Rhin Supérieur
Fort d’un PIB de 234 milliards d’euros, le Rhin supérieur compte parmi les régions les plus performantes d’Europe en matière de biotechnologie, de nanotechnologies ou de textile. Mais moins d’une dizaine des quelques 600 clusters économiques revendiqués présente une dimension explicitement transfrontalière. Les secteurs de l’efficience énergétique, des réseaux d’énergie et du tourisme se prêteraient à l’ouverture de salons, congrès et événements professionnels trinationaux. Mais leur organisation se trouve compliquée par la nécessité de traduire l’ensemble des documents en deux langues et de faire appel à des interprètes. La coopération a en revanche notablement progressé en matière d’accès aux marchés du travail transfrontalier. L’Alsace et ses voisins allemands ont également intensifié leurs échanges en matière de formation – mais dans ce domaine, la Suisse reste en retrait.
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