Fédérer des sociétés réparties sur deux régions tout en leur laissant beaucoup d’autonomie, telle est la méthode du président de M-Energies. Ce procédé lui permet de créer une culture interne, tout en laissant perdurer des différences de traitement non négligeables.
L’histoire de M-Energies est celle d’une success-story qui commence mal. C’est en effet le dépôt de bilan de la société de chauffage Solorec qui permet à Dominique Massonneau de se lancer dans l’aventure de l’entreprenariat… à 60 ans passés.
La retraite, ça se prépare, surtout si l’on veut rester actif.
Dominique Massonneau, président de M-Energies
Titulaire d’un BTS de travaux publics, ce Corrézien a passé la première partie de sa vie professionnelle à la Société générale d’entreprises, le futur groupe Vinci. Quelques années avant de prendre sa retraite, il entre au capital de Solorec en tant qu’actionnaire minoritaire. Mais plombée par ses dettes, l’entreprise basée à Ludres, en Meurthe-et-Moselle , dépose son bilan en 2007. Dominique Massonneau en prend le contrôle avec l’intention de mettre en pratique une vision de l’entreprise à la fois pragmatique et humaniste.
Constituée de trois entités juridiques, Solorec était une pépite pour le repreneur.
Les techniciens étaient compétents, mais l’organisation manquait d’organisation et de vision de l’avenir. Il fallait mettre de véritables entrepreneurs à la tête des centres de profit pour améliorer les résultats économiques.
Dominique Massonneau
Dominique Massonneau réorganise l’entreprise en centres de profits autonomes et forme ses managers à la gestion, au marketing et à la gestion des ressources humaines. Et ça marche. En dix ans, l’entreprise en péril se mue en un groupe prospère de 300 salariés répartis en 13 agences ou filiales dont six dans le Grand Est et sept en Ile-de-France. L’activité génère un chiffre d’affaires de 40 millions d’euros et se répartit entre l’entretien et la maintenance de 75 000 chaudières individuelles en contrat et l’exploitation de 5 000 chaufferies collectives.
Constituer une fédération d’entreprises
C’est en rachetant de petites structures assurant un service de proximité que Dominique Massonneau a développé le groupe M-Energies.
J’ai plutôt ciblé les sociétés appartenant à un chef d’entreprise approchant l’âge de la retraite et vivant comme un crève-cœur l’abandon de son « bébé ».
Dominique Massonneau
A chacun, il fait valoir le respect de l’identité de sociétés reprises comme gage de pérennité, argument fort auprès d’un fondateur. Autre originalité, il a préféré édifier un « club d’entreprises » dont les chefs de centre ou directeurs de filiales agissent de manière autonome, plutôt que de constituer un groupe homogène.
Je ne voulais pas la céder à un grand groupe. Dominique Massonneau m’a promis de préserver notre manière de travailler et il a tenu parole. MTS a conservé son nom et ses effectifs. Les salariés ont préservé leurs avantages sociaux.
Jean-Luc Minet
L’ancien gérant de MTS a été le premier dirigeant francilien à avoir cédé son entreprise à M-Energies en 2011. Pour l’heure, aucune prise de contrôle n’a entraîné de bouleversement dans les sociétés rachetées.
Trois conventions collectives cohabitent au sein de M-Energies. Représentées à parts égales, celle du bâtiment et celle des équipements thermiques et du génie climatique englobent 90 % de l’effectif, 10 % des salariés relevant de la convention des entreprises d’installation de matériel aéraulique, thermique et frigorifique. M-Energies a signé dans ce cadre les accords obligatoires – Séniors en 2010, puis Egalité hommes-femmes en 2012 (l’entreprise compte 74 % d’hommes et 26 % de femmes – et prépare l’accord sur le droit à la déconnexion. Le groupe élabore également un compte épargne-temps consistant à capitaliser les congés sous forme d’épargne-retraite. Rendu possible par la loi El Khomri, le prochain accord portera sur l’annualisation du temps de travail pour concentrer sur les mois d’hiver des horaires allégés en été.
Harmoniser… mais pas trop
Mais M-Energies ne constitue pas une entité juridique à part entière. Seuls 40 % de l’effectif sont réunis dans l’Unité économique et sociale Solorec/Bastien/M-Energies, créée en 2001. La délégation unique du personnel (DUP) de cette entité juridique ne compte que trois titulaires, faute de volontaires pour prendre les trois autres places (un titulaire et quatre suppléants). Un peu léger pour une instance qui regroupe le comité d’entreprise, les délégués du personnel et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).
C’est donc avec un effectif réduit de représentants élus, auquel s’ajoute un délégué du personnel de Cofatec, une filiale messine, que la direction négocie le contenu des accords qui s’appliquent à l’ensemble du groupe. La culture interne est celle d’une PME et les négociations se passent à la bonne franquette. La direction s’appuie sur un avocat conseil spécialisé, les élus de la DUP sur… personne. Cet isolement est renforcé par l’absence totale de délégué syndical au sein de cette « fédération » de 13 sociétés elles-mêmes subdivisées en 22 centres de profit dont aucun ne dépasse la vingtaine de salariés.
Cette situation reflète à la fois la méconnaissance du rôle des délégués du personnel et une culture syndicale peu développée au sein des petites entités de notre secteur. Par ailleurs, le climat social de M-Energies est plutôt serein : nous n’avons pas connu de conflit et les salariés ont conscience de travailler dans une bonne boîte, ce qui limite la mobilisation.
Alexandre Thury, secrétaire de la DUP
Pour autant, la direction n’est pas très généreuse avec son personnel puisque le budget social de la DUP s’élève à 0.28 de la masse salariale et permet essentiellement d’offrir des cadeaux de Noël aux enfants de moins de 14 ans. Un avantage qui ne concerne en principe que les salariés de l’UES, mais qui est également offert par la plupart des chefs de centre et dirigeants des autres filiales. La question de l’extension de l’UES revient sporadiquement à l’ordre du jour, sans faire l’objet de réelle mobilisation.
Nous apprécierions de faire partie de l’UES, tant pour bénéficier des prestations du CE que pour renforcer le sentiment d’appartenance au groupe. Mais ce point n’est pas essentiel. Les salariés ont surtout été satisfaits de conserver leurs avantages et de voir s’améliorer considérablement leurs conditions de travail et de sécurité.
Fabian Rémy, directeur du centre de profit Normand
Les 12 salariés de cette PME de la Ville-du-Bois (Essone) reprise par M-Energies en 2015 sont restés aux 39 heures et sont rémunérés en heures supplémentaires au-delà des 35 heures. Les salariés de l’UES travaillent pour leur part 35 heures et sont invités à récupérer leurs heures supplémentaires. La direction assume ces disparités, tant pour conserver des équipes autonomes et indépendantes que pour éviter une harmonisation complète qui s’avérerait coûteuse sur le plan salarial.
A défaut d’harmonisation sociale, la direction investit sur une uniformisation des conditions de travail. Tenues de travail arborant les couleurs vert et blanc du groupe ainsi que le logo de chaque entreprise, véhicules confortables et bien entretenus, tablettes pour les managers. Les salariés apprécient ces petites attentions, traduction concrète de l’obligation de veiller à la sécurité et à la protection de leur santé.
Intégrer et fidéliser
M-Energies soigne l’intégration des nouveaux collaborateurs.
J’ai personnellement rencontré au moins une fois chacun de nos 300 salariés. Nous faisons preuve d’écoute et encourageons les engagements associatifs, politiques et sociétaux de nos personnels. Par exemple, nous sponsorisons fréquemment les clubs ou associations dont ils font partie.
Patrick Steinmetz, directeur général de la société
Tous les trois mois, les nouvelles recrues participent à une journée d’intégration. Et les bulletins de salaire s’accompagnent d’un petit journal relatant les remises de médailles, les arrivées ou les naissances au sein du personnel du groupe.
Le taux d’absentéisme se monte à 4 %.
Ces résultats sont en-dessous de la profession pour ce qui est de l’Est de la France. Nous n’avons pas beaucoup de prise sur ce phénomène, car en Ile-de-France, la décision de rester dans l’entreprise ou de la quitter dépend beaucoup des conditions de transports et du coût des loyers. Or, les métiers que nous recherchons sont en tension. Notre notoriété dans le réseau favorise les candidatures spontanées, mais nous avons actuellement une vingtaine de postes à pourvoir.
Audrey Mortas, directrice des ressources humaines
L’entreprise associe les salariés aux efforts de recrutement en attribuant une prime de 1 000 euros pour la détection de toute candidature validée.
La meilleure façon de fidéliser les techniciens reste les augmentations de salaire. Un élément bien pris en compte par Dominique Massonneau. Ces deux dernières années, l’entreprise a augmenté sa masse salariale de 1,5 %, contre 0,5 % à 1 % chez ses concurrents. Dans les deux tiers des structures, le personnel bénéficie d’une prime d’ancienneté annuelle de 0,5 % plafonnée à 5 %. A cette augmentation systématique s’ajoutent des gratifications au mérite reposant sur plusieurs critères dont la productivité, la satisfaction client, le comportement (accidents de la route, excès de vitesse, respect des règles de sécurité…). Les techniciens intervenant chez les particuliers, qui représentent environ 40 % de l’effectif, perçoivent par ailleurs un intéressement sur la vente de pièces et de contrats de maintenance pouvant représenter jusqu’à un mois de salaire par an.
Quant à la rémunération des managers de terrain, elle est indexée sur leurs résultats, à l’instar de celle du président et du directeur général. Autre moyen de fidéliser, la formation n’est pas négligée chez M-Energies. 1,5 % de la masse salariale y est consacrée.
215 salariés en ont bénéficié l’an dernier, précise la DRH qui s’attache à mélanger, chaque fois que c’est possible, les âges, les origines géographiques et les métiers.
Au cours de ma formation au management, j’ai eu l’occasion de rencontrer mes collègues d’Alsace et de région parisienne. Ces échanges renforce le sentiment d’appartenance et l’envie de jouer collectif.
Nicolas Ozil, directeur de Gaz Service à Lons-le-Saunier (Jura)
Ils contribuent aussi à la constitution d’une culture collective, en dépit de la structure juridique très éclatée du groupe.
Pascale Braun et Eric Beal
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