Opposants et partisans de l’enfouissement des déchets nucléaires se trouvent également désarçonnés par des propos inattendus de Ségolène Royal et par les décisions contradictoires quant à l’inscription de cette thématique dans la loi sur la transition énergétique.
L’enfouissement des déchets radioactifs n’en finit pas de faire des vagues. Les propos de Ségolène Royal, déclarant, à l’occasion d’une réponse à une auditrice de France Inter le lundi 23 juin 12014, « Il y a notamment une technique de stockage par subsurface que je souhaiterais voir examinée avant de prendre des décisions irréversibles comme l’enfouissement souterrain de déchets radioactifs » ont semé la consternation parmi les salariés du laboratoire de l’Andra à Bure (Meuse) dont certains redoutent désormais une annulation du projet Cigéo, qui vise à enfouir à 500 mètres de profondeur les déchets les plus hautement radioactifs de l’industrie nucléaire française.
Député de Meurthe-et-Moselle et vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, Jean-Yves Le Déaut a sèchement retoqué les propos de la ministre, déclarant dans les colonnes du Républicain lorrain du 24 juin 2014 :
Qu’on revienne aujourd’hui à des arguments écartés voici vingt ans me surprend. Quand on est ministre, il faut savoir accepter les dossiers difficiles. Là, on s’empresse de ne pas prendre la patate chaude.
Jean-Yves Le Déaut
Les opposants à l’enfouissement ne crient pas victoire pour autant.
Ce n’est pas la ministre qui décide : le projet Cigéo est géré depuis des décennies par des directeurs immuables tous issus de l’école des Mines. Ségolène Royal ne va pas tarder à se faire recadrer.
Michel Gueritte, militant antinucléaire historique
En matière d’enfouissement, il n’y a pas d’alternance politique. Seule la mobilisation des élus et citoyens de plus en plus nombreux permettra d’empêcher l’enfouissement.
estime quant à lui Jean-Marc Fleury, représentant de l’association des élus de Lorraine et Champagne-Ardenne opposés à l'enfouissement des déchets radioactifs
L’épisode des articles 34 et 35, rajoutés inopinément à la proposition de loi sur la transition énergétique le 18 juin 2014, puis la disparition de l’article 35, le plus controversé, deux jours plus tard, n’ont pas contribué à clarifier le débat. La proposition 35 confiait à l’Etat la charge de statuer sur l’installation et l’exploitation de Cigéo par décret, balayant l’ultime débat parlementaire prévu en 2016 sur la réversibilité de l’enfouissement.
Si cet article a disparu, l’article 34 demeure. Sa formulation, qui autorise le gouvernement à transposer la directive européenne 2011/70/Euratom, ouvre la voie à des interprétations multiples – dont celle d’un élargissement des possibilités d’enfouissement à des déchets provenant de pays limitrophes.
La plupart des élus ne sont pas opposés à l’enfouissement, mais ils ne veulent pas que l’on enfouisse n’importe quoi n’importe comment. Or, il aurait été très cavalier de décider par décret d’un point aussi important que la réversibilité de l’enfouissement. Par ailleurs, nous nous battons depuis des années sans jamais avoir réussi à obtenir l’inventaire exact des déchets voués au stockage. Aujourd’hui, nous nous trouvons dans l’expectative la plus complète.
Jean-Louis Canova, conseiller général du canton d’Ancerville (Meuse) et président du Comité local d’information et de suivi (Clis)
--Télécharger l'article en PDF --